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de naturel et de chaleur. Mais Larive a laissé beaucoup de choses à désirer dans celui de Pizarre. On jugera mieux, à la lecture, si c'est la faute de M. Lefèvre ou la sienne.

Epigramme, par M. de Rhulière,

Après l'hymen une femme encor neuve
Vit son amie en grand habit de veuve ;
Elle trouva ce costume charmant. ›
A son mari plus que sexagénaire
Elle disait: Si vous voulez me plaire,
Faites-moi peindre en cet habillement.

Madame Geoffrin est toujours fort languissante mais sa tête, quoique faible encore, paraît entiè-, rement libre. Elle a revu toute sa société, à l'exception cependant de MM. d'Alembert, Marmontel et Morellet, qu'elle a cru devoir sacrifier au juste ressentiment de sa fille, peut-être aussi aux scru pules pieux de son confesseur. Ces messieurs sont accusés d'avoir voulu proscrire et le viatique et l'honnête Thomas d'Akempis; en conséquence, après avoir été consignés eux-mêmes assez lestement à la porte de leur ancienne amie, ils se sont permis de répandre les propos les plus durs et les plus indiscrets sur la conduite de madame de la Ferté Imbault avec sa mère. Toutes les circonstances de cette tracasserie philosophique ont été fort exagérées. Madame Geoffrin a vu qu'après un pareil éclat il fallait cesser de voir ces messieurs ou sa fille elle a préféré, selon son usage, le parti le

plus convenable et le plus décent. Sa faiblesse ne lui permet plus de suivre une longue conversation, I mais elle cause encore souvent avec beaucoup d'intérêt et beaucoup d'agrément; son esprit sem

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ble même quelquefois n'avoir rien perdu de cette finesse de l'art qui lui était propre. On parlait

l'autre jour chez elle de la simplicité de caractère. Tant de gens l'affectent, dit-elle, mais M. de Malesherbes, voilà une homme simplement simple.

Cette habitude de bienfaisance qui occupa sa vie entière ne l'a point quittée. Après s'être informée. avec beaucoup d'empressement de la situation de M. Suard et de ce qui pourrait lui faire plaisir, elle lui envoya, ces jours passés, trois ou quatre casseroles sd'argent qu'il ne crut point devoir refuser. Dernièrement elle força M. Thomas à recevoir une petite cassette de deux mille écus en or. Il eut beau lui représenter qu'il n'avait jamais refusé les secours que lui avait offerts son amitié dans le temps où il avait pu en avoir besoin, mais que l'aisance dont il jouissait actuellement ne lui permettait plus d'accepter un don si considérable. Sa résistance fut inutile: il fallut céder, du moins en apparence; mais il ne sortit de chez elle que pour aller remettre la cassette en question à madame de la FertéImbault, qui n'ayant pas voulu la reprendre, l'a fait déposer chez un notaire aux ordres de M. Thomas.

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Une étrenne assez ingénieuse et plus morale encore, est celle que madame de la Vaupalière a

donnée à son mari, qui aime passionnément le jeu. On a imaginé, pour classer les fiches et les jetons, des étuis d'une forme nouvelle très-commode et très-agréable. Elle en a envoyé un à M. de la Vaupalière, du travail le plus riche et le plus précieux, sur lequel elle a fait mettre d'un côté son portrait, de l'autre celui de ses enfans, avec cette légende: Songez à nous. Malgré cette heureuse idée et malgré les réflexions de M. Dussaulx sur le jeu, je crois qu'on a joué cet hiver avec plus de fureur que jamais. Le marquis du Barri a gagné l'autre jour, d'un seul coup, au pharaon, le soixante, et a levé six mille trois cents louis.

Parmi beaucoup de traits fort connus et qu'on a insérés cette année dans les Etrennes d'Apollon, on en trouve plusieurs qui le sont moins et qui mériteraient d'être conservés. Quelque temps après la bataille de Fontenoi, Louis XV. félicitant le maréchal de Saxe sur cet heureux événement, lui dit: Monsieur le maréchal, vous gagnez plus à cette guerre que nous tous, car vous étiez enflé par tous les membres et vous jouissez à présent de la meilleure santé. Le maréchal de Noailles, qui était alors présent, répondit au roi: Il est vrai, Sire, monsieur le maréchal de Saxe est le premier homme du monde que la gloire ait désenflé.

Février, 1777.

Réponse de M. le Prince de Ligne à une Lettre de M. de Voltaire, dans laquelle il se traite de vieux hibou, et M. le Prince de Ligne d'aigle Autrichien.

Je sais que le hibou, favorisé des cieux,
De la sagesse est le symbole.

Si je ne t'avais vu, je croirais que les dieux,
Pour corriger notre espèce frivole,
Sous cette forme-là t'ont placé parmi nous.
Quand Minerve te suit, ton sort me paraît doux ;
Mais comme toi sait-elle instruire et plaire?
C'est toujours en grondant qu'elle fait quelque bien;
Elle est maussade, atrabilaire.

Et son lugubre oiseau ne te ressemble en rien.
Se peint-on un hibou, qui passe en mélodie.
L'Amphion des forêts, le Cygne Mantouan;
Qui des clairons de Mars, du luth de Polymnie,
Ou bien de la flûte de Pan,

Sait tirer la même harmonie ?

Si l'on devient un aigle en fixant le soleil,
Sans doute j'en suis un ; j'osai voir le génie
Qui n'eut jamais et n'aura son pareil,
Qui des sots préjugés affronta la manie,
Qui des torts de Thémis fut le réparateur,
L'ami de la Raison, l'amant de la Folie,
Et de l'humanité le joyeux bienfaiteur.

C'est toi seul qui, dans ton délire,
Toujours ou sublime ou charmant,
Planes sur tout ce qui respire,

Du haut des cieux, ton unique élément.
L'aigle n'est plus à Rome, il n'y reste qu'une' oie,

De qui le Capitole est l'asile et la proie:

Elle l'avait sauvé dans un temps plus brillant.›

Plus d'aigle nulle part; la nature épuisée,
Pour former ton être divin,

Depuis ce temps s'est reposée.

De perroquets au ramage malin,

De geais et de corbeaux je vois bien des volières;
Mais l'on verra plutôt sous les célestes sphères
Se rassembler deux astres éclatans,

Deux mondes et deux océans,

Que l'on ne verra deux Voltaires.

Vers de M. de Voltaire à Madame la Marquise du
Châtelet, en lui envoyant le Temple du Goût.
Je vous envoyai l'autre jour
Le récit d'un pélerinage
Que je fis devers un séjour

Où souvent vous faites voyage
Ainsi qu'au temple de l'Amour,
Pour celui-là n'y veux paraître,
J'y suis, hélas! trop oublié ;
Mais pour celui de l'Amitié,

C'est avec vous que j'y veux être.

M. Delille, qu'il ne faut confondre ni avec M. l'abbé de Lille, le traducteur des Géorgiques, ni avec M. de Lille, capitaine de dragons, connu par plusieurs pièces fugitives d'une touche fort délicate et d'un excellent goût; M. Delille à qui nous sommes redevables de plusieurs ouvrages de métaphysique, entre autres de la Philosophie de la Nature, livre assez ennuyeux, que l'on croyait oublié depuis long-temps, a eu l'honneur d'être dénoncé au Châtelet comme un des plus dangereux suppôts de l'Encyclopédie. Nous ignorons quel motif, quelle

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