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Epigramme sur les gazons nouvellement établis
dans la cour du Louvre, aux portes de l'Académie.
Des favoris de la muse française
D'Angivillier rend le sort assuré ;

Devant leur porte il a fait mettre un pré
Où désormais ils peuvent paître à l'aise.

Un R. P. Griffet, auteur de quelques homélies, vient de nous faire présent d'un ouvrage de sa composition: Mémoires pour servir à l'Histoire de Louis, Dauphin de France, mort à Fontainebleau le 20 Décembre 1765, avec un Traité de la connaissance des hommes, fait par ses ordres en 1758. 2. vol. in-12.

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On nous apprend dans un Avertissement suivi d'une Lettre de feu madame la Dauphine, datée de Versailles le 13 Mars 1766, que ces Mémoires ont été composés sur ceux que cette auguste princesse avait envoyés à l'auteur, et qu'ils furent rédigés pour elle. Il paraît singulier qu'on ait attendu jusqu'à ce moment pour les faire paraître.

La partie la plus intéressante de ces Mémoires est le récit de la dernière maladie du Dauphin et de sa mort. Tout le reste semble tendre uniquement à justifier ce prince du goût qu'on aurait pu lui soupçonner pour la philosophie, d'après l'éloge de M. Thomas, éloge qui paraît être en effet moins un ouvrage historique qu'un traité sur l'éducation des princes.

S'il est tout simple que l'un ait tâché de faire de

son héros un philosophe, on ne doit pas être surpris que l'autre ait voulu en faire un saint, et ne peut-on pas être l'un et l'autre en même temps? Tout ce qui nous afflige dans l'ouvrage du P. Griffet, c'est l'affectation singulière avec laquelle il ne cesse de parler du respect que le prince avait pour les prêtres et de l'affection plus singulière encore avec laquelle il croit devoir l'excuser sur le désir qu'il eut de connaître personnellement Montesquieu. M. l'abbé Proyart est plus éloquent encore sur cet article dans l'ouvrage qui vient de paraître presque en même temps que celui du P. Griffet, et qui est intitulé: Vie du Dauphin, père de Louis XVI, écrite sur les Mémoires de la cour, présentée au roi et à la famille royale par M. l'abbé Proyart.

Ces deux ouvrages ne rappellent pas beaucoup de faits qui importent à l'histoire de ce siècle, mais on y peut recueillir quelques anecdotes intéressantes sur le caractère d'un prince qui s'était fait une grande idée de l'étendue de ses devoirs, et qui désirait avec ardeur de faire un jour la félicité des peuples sur lesquels il devait régner.

La partie historique de l'ouvrage du P. Griffet est donc lisible, souvent même sa narration attache par le naturel et par la simplicité de son style; mais nous ne pouvons pas en dire autant de son Traité de la connaissance des hommes. Le seul homme que ce lourd traité puisse apprendre à connaître, c'est l'auteur luimême, et cette connaissance ne dédommage pas de tout l'ennui qu'elle coûte. Des lieux communs di

visés et subdivisés à l'infini de la manière du monde la plus pénible et la moins propre à donner une seule idée juste, voilà en deux mots l'analyse de ce chef-d'œuvre. Il serait dur cependant de lui disputer l'éloge que lui donna le Dauphin après en avoir lu le plan. "Je vous donne une peine de chien; Dieu veuille vous en récompenser! ete.'

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peu;

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On peut pardonner au P. Griffet l'humeur qu'il témoigne dans cet ouvrage contre les philosophes ; il est difficile d'aimer des gens à qui l'on ressemble mais nous ne lui pardonnons pas avec la même indulgence la sortie qu'il fait contre les fem"Les femmes, dit-il, ont l'imagination si vive, le raisonnement si court et si superficiel, que leur jugement ne saurait être d'un grand poids, à moins qu'il ne soit question de décider sur la forme et la couleur des ajustemens et des parures." Tout cela nous a paru révoltant et beaucoup moins ingénieux que le mot de M. l'ambassadeur de Naples ; il prétend que les femmes de Paris n'aiment que de la téte et ne pensent que du cœur.

Août, 1777.

De tous les discours qui ont concouru pour le prix de l'Académie, celui qui ne lui a point été envoyé, celui qui n'a point été vendu publiquement, qui ne l'a pas même été sous le manteau, et dont on s'est contenté de distribuer une centaine d'exemplaires aux portes, est le seul qui ait fait une. grande sensation. Ce discours est intitulé, Eloge historique de Michel de l'Hôpital, chancelier de

France, avec cette épigraphe: Ce n'est point aux esclaves à louer les grands hommes. Quelque soin que l'auteur de cet ouvrage eût pu prendre pour garder un anonyme impénétrable, il est impossible d'y méconnaître et l'âme et le style de l'homme qui s'est déjà peint lui-même avec tant d'énergie et dans le Connétable de Bourbon, et dans l'Eloge du Maréchal de Catinat, et dans le Discours préliminaire de la Tactique. Tout ce que nous connaissons de M. de Guibert porte l'empreinte du même génie; de la force et de la hauteur, beaucoup de négligence et d'inégalité, mais je ne sais quelle ambition, quelle chaleur de caractère qui intéresse, parce qu'elle tient à des sentimens de vertu, parce qu'elle n'a rien de factice. L'illusion qui l'élève à ses propres yeux est de bonne foi et l'entraîne toujours vers de grands objets; ses erreurs même annoncent un principe noble et respectable. Quoique ce siècle ait produit beaucoup d'ouvrages infiniment hardis, peut-être n'en est-il aucun qui le soit avec plus de naïveté, on comme on dirait en Anglais, with so much earnestness. Une simple analyse en donnerait une idée trop importante.

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"La difficulté réelle (de ce sujet), dit l'auteur, est celle qui résulte de l'impossibilité d'écrire l'éloge de l'Hôpital avec la liberté et la vérité qu'il exigerait. En effet, quand les statuts de l'Académie imposent la nécessité de soumettre les ouvrages destinés au concours à la censure de la Sorbonne ; quand on a vu cette même Sorbonne se déchaîner contre quelques lieux communs de tolérance ré

pandus dans Bélisaire, et dans un éloge de Fénélon, comment permettrait-elle de louer un homme qui parla toujours le langage de la philosophie et de la raison dans le conseil des rois, qui préserva la France des horreurs de l'inquisition, qui voulut soulager le peuple en diminuant les richesses du clergé, qui jugea toujours la religion en homme d'état, c'est-à-dire comme une partie de législation nécessaire à maintenir, mais que le Gouvernement doit accommoder au plus grand bonheur des hommes, qui de là pencha toujours secrètement vers le calvinisme, parce qu'il le trouvait plus ami de la liberté, de l'industrie et de l'humanité? Comment ensuite, sans tomber continuellement dans des allusions et des parallèles involontaires, louer un ministre qui ne se laissa jamais amollir par corruption et gouverner par l'intrigue, qui conserva dans sa place toute l'intégrité de sa vertu et de son caractère, qui, placé auprès d'un jeune roi, fit tout ce qu'il put pour l'éclairer et pour l'arracher aux mœurs empoisonnées de sa cour, qui fut en un mot plutôt le ministre de sa nation que celui du trône, &c.

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la

Plaignons l'Académie de ne pas pouvoir admettre d'ouvrages d'un ton plus mâle et plus hardi. Telle est sa constitution, telles sont les chaînes dont Richelieu l'investit à sa naissance. Eh! qui sait si cet adroit tyran ne calcula pas, en la créant, que cette institution mettait à jamais la plus grande partie des gens de lettres sous la discipline du Gouvernement? Que dès ce moment jaloux de parve

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