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toujours avec courage. Louis XIII, dans fa dernière maladie, avait mis en mufique le De profundis, qu'on devait chanter pour lui. Le courage d'efprit avec lequel Louis XIV vit fa fin fut dépouillé de cette oftentation répandue fur toute fa vie. Ce courage alla jufqu'à avouer fes fautes. Son fucceffeur a toujours confervé écrites au chevet de fon lit les paroles remarquables que ce monarque lui dit, en le tenant fur fon lit entre fes bras ces paroles ne font point telles qu'elles font rapportées dans toutes les hiftoires. Les voici fidellement copiées:

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"Vous allez être bientôt roi d'un grand royau„ me. Ce que je vous recommande plus fortement eft de n'oublier jamais les obligations que vous avez à DIEU. Souvenez-vous que vous lui devez tout ce que vous étes. Tâchez de conferver la paix avec vos voilins. J'ai trop la guerre; ne m'imitez pas en cela, non plus ,, que dans les trop grandes dépenfes que j'ai faites. Prenez confeil en toutes chofes, et cherchez à connaître le meilleur pour le fuivre ,, toujours. Soulagez vos peuples le plutôt que vous le pourrez, et faites ce que j'ai eu le malheur de ne pouvoir faire moi-même, etc."

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Ce difcours eft très-éloigné de la petiteffe d'efprit qu'on lui impute dans quelques mémoires.

On lui a reproché d'avoir porté fur lui des reliques les dernières années de fa vie. Ses fentimens étaient grands; mais fon confeffeur, qui ne l'était pas, l'avait affujetti à ces pratiques peu convenables, et aujourd'hui défufitées, rour l'aflujettir plus pleinement à fes infinuations. Et

d'ailleurs ces reliques, qu'il avait la faibleffe de porter, lui avaient été données par Mme de Maintenon.

Quoique la vie et la mort de Louis XIV euffent été glorieufes, il ne fut pas auffi regretté qu'il le méritait. L'amour de la nouveauté, l'approche d'un temps de minorité, où chacun fe figurait une fortune, la querelle de la Conftitution qui aigriffaient les efprits; tout fit recevoir la nouvelle de fa mort avec un fentiment qui allait plus loin que l'indifférence. Nous avons vu ce même peuple, qui en 1686 avait demandé au ciel avec larmes la guérifon de fon roi malade, fuivre fon convoi funèbre avec des démonftrations bien différentes. On prétend que la reine fa mère lui avait dit un jour dans fa grande jeuneffe: Mon fils, reffemblez à votre grand-père; et non pas à votre père. Le roi en ayant demandé la raifon: C'eft, ditelle, qu'à la mort de Henri IV on pleurait, et qu'on a ri à celle de Louis XIII. (m)

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Quoiqu'on lui ait reproché des petiteffes, des duretés dan's fon zèle contre le jansénisme, trop de hauteur avec les étrangers dans fes fuccès, de la faibleffe pour plufieurs femmes, de trop grandes févérités dans des chofes perfonnelles, des guerres légèrement entreprifes, l'embrafement

(m) J'ai vu de petites tentes dreffées fur le chemin 'e St Denis. On y buvait, on y chantait, on riait. Les fentimens des citoyens de Paris avaient paffé jufqu'à la populace. Le jésuite le Tellier était la principale caule de cette joie uni verfelle. J'entendis plufieurs fpectateurs dire qu'il fallait mettre le feu aux maifons des jéfuites avec les flambeaux qui éclairaient la pompe funèbre.

du Palatinat, les perfécutions contre les réformés; cependant fes grandes qualités et fes actions, mifes enfin dans la balance, l'ont emporté fur fes fautes. Le temps qui mûrit les opinions des hommes a mis le fceau à fa réputation; et malgré tout ce qu'on a écrit contre lui, on ne prononcera point fon nom fans refpect, et fans concevoir à ce nom l'idée d'un fiècle éternellement mémorable. Si l'on confidère ce prince dans fa vie privée, on le voit à la vérité trop plein de fa grandeur, mais affable; ne donnant point à fa mère de part au gouvernement, mais rempliffant avec elle tous les devoirs d'un fils, et obfervant avec son époufe tous les dchors de la bienféance; bon père, bon maitre, toujours décent en public, laborieux dans le cabinet, exact dans les affaires, penfant julte, parlant bien, et aimable avec dignité.

J'ai remarqué ailleurs qu'il ne prononça jamais les paroles qu'on lui fait dire, lorsque le premier gentilhomme de la chambre et le grand-maître de la garde-robe fe difputaient l'honneur de le fervir: Qu'importe lequel de mes valets me ferve? Un difcours fi groffier ne pouvait partir d'un homme auffi poli et aufli attentif qu'il l'était, et ne s'accordait guère avec ce qu'il dit un jour au duc de la Rochefoucauld, au fujet de fes dettes: Que ne parlez-vous à vos amis? Mot bien différent, qui par lui-même valait beaucoup, et qui fut accompagné d'un don de cinquante mille écus. Il n'eft pas même vrai qu'il ait écrit au duc de la Rochefoucauld: Je vous fais mon com» pliment comme votre ami, fur la charge de

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,, grand maître de la garde- robe, que je vous

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donne comme votre roi. Les hiftoriens lui font honneur de cette lettre. C'eft ne pas fentir combien il eft peu délicat, combien même il eft dur de dire à celui dont on eft le maître, qu'on eft fon maître. Cela ferait à fa place, fi on écrivait à un fujet qui aurait été rebelle: c'est ce que Henri IV aurait pu dire au duc de Mayenne avant l'entière réconciliation. Le fecrétaire du' cabinet Rofe écrivit cette lettre; et le roi avait trop de bon goût pour l'envoyer. C'eft ce bon goût qui lui fit fupprimer les infcriptions faftueufes, dont Charpentier de l'académie française avait chargé les tableaux de le Brun dans la galerie de Verfailles; l'incroyable paffage du Rhin; la merveilleufe prife de Valenciennes, etc. Le roi fentit que la prise de Valenciennes, le paffage du Rhin difaient davantage. Charpentier avait eu raifon d'orner d'infcriptions en notre langue les monumens de fa patrie; la flatterie feule avait nui à l'exécution.

On a recueilli quelques réponses, quelques mots de ce prince, qui fe réduifent à très-peu de chofe. On prétend que, quand il réfolut d'abolir en France le calvinifme, il dit: "Mon grand-père aimait les huguenots, et ne les craignait pas; mon père ne les aimait point, et les craignait : , moi, je ne les aime, ni ne les crains. "

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Ayant donné en 1658 la place de premier prédent du parlement de Paris à M. de Lamoignon. alors maître des requêtes, il lui dit: "Si j'avais connu un plus homme de bien et un plus digne „ fujet, je l'aurais choifi." Il ufa à peu près T. 20. Siècle. Tome III.

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des mêmes termes avec le cardinal de Noailles, lorfqu'il lui donna l'archevêché de Paris. Ce qui fait le mérite de ces paroles, c'eft qu'elles étaient vraies, et qu'elles infpiraient la vertu.

On prétend qu'un prédicateur indifcret le défigna un jour à Versailles, témérité qui n'est pas permife envers un particulier, encore moins envers un roi. On affure que Louis XIV fe contenta de lui dire: Mon père, j'aime bien à prendre ma part d'un fermon, mais je n'aime pas qu'on me le faffe. Que ce mot ait été dit ou non, il peut fervir de leçon.

Il s'exprimait toujours noblement et avec précifion, s'étudiant en public à parler comme à agir en fouverain. Lorfque le duc d'Anjou partit pour aller régner en Espagne, il lui dit, pour marquer l'union qui allait déformais joindre les deux nations: Il n'y a plus de Pyrénées.

Rien ne peut affurément faire mieux connaître fon caractère que le mémoire fuivant qu'on a tout entier écrit de fa main. ()

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"Les rois font fouvent obligés à faire des chofes contre leur inclination, et qui bleffent leur bon naturel. Ils doivent aimer à faire plaifir, et il faut qu'ils châtient fouvent et perdent des gens à qui naturellement ils veulent du bien. L'intérêt de l'Etat doit marcher le premier. On doit forcer fon inclination, et ne pas fe meten état de fe reprocher, dans quelque

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(n) Il est déposé à la bibliothéque du roi depuis quel Ques ques années.

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