peller l'anidmadverfion publique fur cette feconde démarche de Lafayette.

Au moment où la préfence de M Lafayette à Paris m'a été annoncée, ditil, une idée bien confolante est venue s'offrir à moi. Ainfi, me fuis-je dit, nous n'avons plus d'ennemis extérieurs; ainsi les Autrichiens font vaincus. Cette illufion n'a pas duré long-tems: nos ennemis font toujours les mêmes. Notre fituation extérieure n'a pas changé, & cependant M. Lafayette eft à Paris. Quels puissans motifs l'amènent? Nos troubles intérieurs? Il craint donc que l'affemblée nationale n'ait pas affez de puiffance pour les réprimer? Il se constitue l'organe de fon armée & des honnêtes-gens: ces honnêtes-gens, où font-ils? Cette armée, comment at-elle pu délibérer ? Je n'examine pas fi celui qui nous accufe de voir le vœu des Français dans celui de quelques brigands, ne prend pas le vœu de l'état-major qui l'entoure, pour celui de l'armée toute entière; mais je dis qu'il oublie lui-même la

conftitution, lorfqu'il fe rend l'organe des honnêtes-gens, qui ne lui ont pas donné de miflion; qu'il la viole, s'il a quitté fon pofte fans un congé du miniftre. Je demande donc, d'abord, que le miniftre de la guerre foit interrogé, pour favoir s'il a donné ce congé, & que la commiffion extraordinaire des douze faffe demain fon rapport fur le danger d'accorder à des généraux le droit de pétition ».

Cette fortie faite en préfence de celui qui en étoit l'objet, fut fuivie du plus grand mouvement. Une portion de l'affemblée applaudit avec fracas, & il fe manifefta dans les tribunes une agitation violente. Deux queftions divisèrent les députés, & les animèrent long-tems les uns contre les autres. Le parti jacobin appuya avec force celle élevée par Guadet; & une autre propofée par Ramond, ancien fecrétaire & ami particulier de Lafuyette, fut foutenue par les Feuillans. Celui-ci fit un tableau ferré, mais frappant, de l'état de crife où fe trouvoit la France. Les

« Les circonstances font telles, difoit-il, les périls de la liberté font fi grands, qu'il eft permis de douter, lesquels des ennemis extérieurs ou intérieurs font les plus dangereux. Dans cette crife, tout le monde ne s'exprime pas avec le même courage. Il faut que cette voix que la France eft accoutumée à reconnoître dans les momens difficiles, s'élève encore. M. Lafayette vous dénonce les vrais ennemis publics. Fidèle à la loi, il arrête l'expreffion du vœu d'une armée fidèle qui veut se sacrifier pour la constitution, mais qui ne veut se sacrifier que pour elle. Il vient lui-même vous énoncer fes fentimens, avouer une lettre fur laquelle on affectoit de répandre des doutes. La vie de M. Lafayette n'est qu'une suite de combats contre les defpotifmes de tous les genres; il a facrifié à la révolution fa fortune, fon existence : vous, qui murmurez, rendez les mêmes services à la patrie, & vous aurez enfuite le droit de vous faire entendre ».

Tome IX. 2°. Pa

B

L'orateur demanda que la pétition du général fût renvoyée au comité, pour qu'il s'occupât de remédier aux causes de déforganisation qui étoient dénoncées, & dans la lettre & dans la pétition. Il fallut aller à l'appel nominal pour favoir laquelle des deux motions feroit adoptée, & après le choc le plus violent, l'affemblée rejetta la motion de Guadet à une majorité de trois cents trente-neuf.contre deux cents trente-quatre: le tout fut renvoyé à une commiffion.

L'importance qu'on mettoit alors à la plus légère démarche de Lafayette, donna lieu à mille conjectures. Le bruit fe répandit que fon voyage à Paris n'avoit pas pour objet une fimple pétition au corps législatif, & on difoit affez publiquement, parce qu'on le defiroit peut-être, qu'il fe mettroit à la tête de la garde nationale, & feroit au moins fermer les Jacobins. Ce qu'il y a de certain, c'est que ceux-ci l'appréhendoient beaucoup, & fe montrèrent moins audacieux pendant le

peu de tems qu'il refta dans la capitale. Il est certain encore, qu'une foixantaine de grenadiers, qui pouvoient répondre de leurs camarades, fe préfentèrent chez lui, & lui offrirent de marcher fous fes ordres ou par fes ordres, pour chaffer les Jacobins qui le perdroient nécessairement lui-même, s'il étoit, lui difoient-ils, assez peu prévoyant pour ne pas profiter de l'avantage qu'il avoit fur eux. Lafayette penfa qu'il lui fuffifoit d'avoir pour lui la majorité du corps légiflatif, & refufa l'offre des grenadiers. I accepta néanmoins quelques hommages extérieurs qu'ils lui préfentèrent, tels qu'un arbre de la liberté orné de rubans tricolores & de devises, qu'ils plantèrent dans fa cour, & il retourna à son poste.

Pendant qu'un général d'armée provoquoit la punition des auteurs de la journée du 20 juin, le ministre de l'intérieur, Terrier de Monciel, que le roi avoit donné pour fucceffeur à Roland, n'épargnoit rien pour la rendre également odieuse à