Aux champs d'honneur on vit ta gloire; Ton ombre, au milieu de nos rangs, Saura captiver la victoire,
Et punir encor les tyrans.
Ne posez point le glaive, enfants de la victoire : Des Alpes et du Rhin les rapides héros,
Tant qu'il reste à cueillir quelque moisson de gloire, N'ont jamais besoin de repos.
La liberté vous luit; les deux mondes adorent De ce soleil nouveau les rayons bienfaiteurs; Contre un peuple tyran tous les peuples implorent Vos étendards libérateurs.
Aux champs américains, dans l'Inde, son esclave, En traits ensanglantés ses forfaits sont écrits; Outragés comme vous, l'Ibère et le Batave Vers vous ont élevé leurs cris.
Vainqueurs de l'Éridan, de l'Adige et du Tibre, La voix de l'univers a chanté vos succès : Dans Londre épouvanté, dites: La mer est libre : Ainsi l'ordonnent les Français.
C'est là qu'il faut enfin pacifier la terre. Neptune impatient vous attend sur ses bords; Docile à vos destins, de l'avare Angleterre Son trident vous ouvre les ports.
D'un monarque insensé le châtiment s'apprête ; Qu'il expie en tombant l'esclavage des mers : Tous les rois ont cédé; tyran, courbe la tête Sous les vengeurs de l'univers.
HOMMAGE A UNE BELLE ACTION'.
Quel est ce Remi généreux
Qui, s'armant d'un courage heureux, Arrache au Danube en furie
Quarante-deux vaillants soldats,
Blessés au milieu des combats Qu'ont vus les plaines de Hongrie ? Il fut un Remi qui jadis
Dans la Champagne, non Pouilleuse, Reçut l'ampoule merveilleuse, Dont il' oignit, dit-on, Clovis; Mais j'ai dévotion plus grande Au Remi du pays Messin, N'en déplaise au dévot essaim Des amateurs de la légende. Au paradis des vrais croyants, Sous les clefs de Pierre l'apôtre, Il est juste de laisser l'autre ; Par des écrits reconnaissants Il convient de placer le nôtre Au paradis des bienfaisants : Doux et paisible sanctuaire, Qu'ouvrit dans le siècle dernier L'excellent abbé de Saint-Pierre, Digne d'en être le portier.
On lit dans la Gazette de France du 5 décembre 1808: « M. François Remi « aîné, âgé de 43 ans, né à Metz, employé à l'hôpital militaire français de « Neubourg, vit arriver, le 27 avril dernier, à huit heures du soir, sur le Da« nube, un bâtiment à bord duquel se trouvaient 42 soldats grièvement bles«sés, et dont plusieurs avaient des membres amputés. Mais le Danube avait « grossi considérablement; la nuit était obscure; et aucun infirmier n'osait se « hasarder d'aller à bord du bâtiment, qui se tenait éloigné du rivage. Cepen<< dant on entendait les cris et les lamentations des malades, exposés à l'injure « du temps. Le cœur de Remi en fut ému: sans considérer la profondeur de la rivière, et sans égard au danger qu'il courait, il se déshabille, se jette dans « l'eau, nage vers la barque, se charge d'un de ces malheureux, et le dépose « sur le rivage; retourne et en rapporte un second, et ne cesse d'aller et venir << jusqu'à ce que les quarante-deux fussent à terre il était alors onze heures « du soir. »
Aux sons de la trompette épique Si je pouvais unir ma voix,
Je célébrerais les exploits De ce conquérant héroïque Qui, du Bétis à la Baltique, Fait, protége ou punit les rois : J'oserais crayonner l'histoire
Du chef éminent des Français, Tous ces prodigieux succès
Qu'on voit, et qu'on a peine à croire; Et je peindrais son char de gloire, Que, par élans précipités,
Au sein des royales cités
Font voler Mars et la Victoire ; Des peuples dont il est l'appui J'annoncerais les destinées; Des généraux vainqueurs sous lui Je dirais les nobles journées; Et quelquefois je gémirais., En voyant du Danube à l'Ebre Le laurier voisin du cyprès; Mais c'est par une mort célèbre Que s'immortalise un guerrier : Au milieu du champ meurtrier, Autour de la pierre funèbre, S'élève et grandit le laurier.
Cessons des efforts inutiles; Trêve à d'ambitieux discours : Il faut un Homère aux Achilles; Et l'Alexandre de nos jours N'a trouvé que trop de Chériles. Dans notre médiocrité,
Un assez bel emploi nous reste : Par un hommage mérité, De son injuste obscurité
Consolons la vertu modeste.
Voulons-nous louer à propos? Louons des mortels estimables : Celui qui sauve ses semblables Est au premier rang des héros. Vous, dont l'orgueilleuse faiblesse Hors des titres ne voit plus rien, Si le nom de Remi vous blesse, Un beau trait lui sert de soutien; C'est le nom d'un homme de bien : Il a ses titres de noblesse.
Les fiers enfants de Romulus Auraient dans leur place publique Posé la couronne civique
Sur le front de Remigius; Et, pour des nations sensées, Quelques vertus récompensées Valent bien les romans nouveaux, Les opéras à grands chevaux, Les lamentables comédies, Les pitoyables tragédies, Intarissables rapsodies,
Qu'attendent les prix décennaux. (1809.)
SUR LE GUILLAUME TELL DE LEMIÈRE
Lemière, ah! que ton Tell avant-hier me charma! J'aime ton ton pompeux et ta rare harmonie; Oui, des foudres de son génie Corneille lui-même l'arma.
Que des humains la faiblesse est étrange ! Dit, l'autre jour, un député gascon. Depuis neuf ans, émule de Solon,
Avec pitié je vois comme tout change:
Chaque parti devient minorité;
Mais, narguant seul la publique inconstance, Depuis neuf ans, grâce à ma conscience, Je suis toujours dans la majorité.
Or, connaissez-vous en France Certain couple sauvageon, Prisant peu la tolérance:
Messieurs La Harpe et Naigeon?
Entre eux il s'élève un schisme : L'un, étant grave docteur, Ferré sur le catéchisme;
L'autre, athée inquisiteur.
Tous deux braillaient comme pies; Déistes ne sont leurs saints: La Harpe les nomme impies; Naigeon les dit capucins.
› Crassous, membre du sénat (an Ix.)
« PreviousContinue » |