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Peuple républicain, n'imite point les rois

Dont la fureur a tant de fois

Puni les crimes par des crimes!

Renais chez les mortels, aimable égalité;
Viens briser le glaive anarchique :
Revenez, douces lois, justice, humanité;
Sans les mœurs point de liberté,
Sans vertu, point de république.
(Juin 1794.)

L'ANGLETERRE.

(FRAGMENT D'UNE ÉLÉGIE SUR LA MORT DE HOCHE.)

Quand l'aigle a ralenti son vol audacieux;

Quand la paix triomphante, et descendant des cieux,
A la voix des Français vient sourire à la terre,
Debout sur des débris, l'orgueilleuse Angleterre,
La menace à la bouche, et le glaive à la main,
Réclame encor la guerre, et veut du sang humain!
Elle dont le trident, asservissant les ondes,
Usurpa les trésors et les droits des deux mondes!
Rendons aux nations l'héritage des mers;
Entendez, mes enfants, la voix de l'univers
Déléguer aux Français la vengeance publique;
Voyez Londres pâlir au nom de l'Italique 1;
De ce chef renommé vous savez les exploits :
Lorsque le vent du Nord, rugissant dans les bois,
Avait interrompu les jeux sous la feuillée,
Le récit des combats prolongeait la veillée.
Le céleste chasseur glaçait l'onde et les airs;
Nos familles, trompant la rigueur des hivers,

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Près de l'ardent foyer s'assemblaient en silence;
Les guerriers du héros racontaient la vaillance;
Muets, nous écoutions; les vieillards attendris
S'écriaient en pleurant : Que n'est-il notre fils!
Vous aussi, vous pleuriez, le courage a ses larmes :
Au bruit de ses hauts faits vos mains cherchaient des armes ;
Vous vouliez près de lui la gloire et le danger :
Eh bien! sous ses drapeaux courez donc vous ranger!
Et vous, des guerriers francs élite magnanime,
Les Alpes sous vos pas ont abaissé leur cime;
Vous franchîtes les monts; vous franchirez les flots.
Des tyrans de la mer punissez les complots:
Ils combattront pour l'or; vous, pour une patrie.
Si jadis un Français, des rives de Neustrie ',
Descendit dans leurs ports, précédé par l'effroi,
Vint, combattit, vainquit, fut conquérant et roi,
Quels rochers, quels remparts deviendront leur asile,
Quand Neptune irrité lancera dans leur île
D'Arcole et de Lodi les terribles soldats,

Tous ces jeunes héros vieux dans l'art des combats,
La grande nation à vaincre accoutumée,

Et le grand général guidant la grande armée?
(1798.)

1 Guillaume le Conquérant.

CHANT DU 44 JUILLET.

Dieu du peuple et des rois, des cités, des campagnes, De Luther, de Calvin, des enfants d'Israël,

Dieu que le Guèbre adore au pied de ses montagnes, En invoquant l'astre du ciel !

Ici sont rassemblés sous ton regard immense
De l'empire français les fils et les soutiens,
Célébrant devant toi leur bonheur qui commence,
Égaux à leurs yeux comme aux tiens.

Rappelons-nous les temps où des tyrans sinistres Des Français asservis foulaient aux pieds les droits; Le temps, si près de nous, où d'infâmes ministres Trompaient les peuples et les rois.

Des brigands féodaux les rejetons gothiques
Alors à nos vertus opposaient leurs aïeux;
Et, le glaive à la main, des prêtres fanatiques
Versaient le sang au nom des cieux.

Princes, nobles, prélats, nageaient dans l'opulence;
Le peuple gémissait de leurs prospérités;
Du sang des opprimés, des pleurs de l'indigence,
Leurs palais étaient cimentés.

En de pieux cachots l'oisiveté stupide,
Afin de plaire à Dieu, détestait les mortels;
Des martyrs, périssant par un long homicide,
Blasphemaient au pied des autels.

Ils n'existeront plus, ces abus innombrables:
La sainte liberté les a tous effacés;

Ils n'existeront plus, ces monuments coupables:
Son bras les a tous renversés.

Dix ans sont écoulés; nos vaisseaux, rois de l'onde, A sa voix souveraine ont traversé les mers:

Elle vient aujourd'hui des bords d'un nouveau monde Régner sur l'antique univers.

Soleil, qui, parcourant ta route accoutumée,
Donnes, ravis le jour, et règles les saisons;
Qui, versant des torrents de lumière enflammée,
Muris nos fertiles moissons;

Feu pur, œil éternel, âme et ressort du monde,
Puisses-tu des Français admirer la splendeur!
Puisses-tu ne rien voir dans ta course féconde
Qui soit égal à leur grandeur!

Que les fers soient brisés! Que la terre respire!
Que la raison des lois, parlant aux nations,
Dans l'univers charmé fonde un nouvel empire,
Qui dure autant que tes rayons!

Que des siècles trompés le long crime s'expie!
Le ciel pour être libre a fait l'humanité :
Ainsi que le tyran, l'esclave est un impie,
Rebelle à la Divinité.

(1790.)

A L'ÉGALITÉ.

Égalité douce et touchante,
Sur qui reposent nos destins,
C'est aujourd'hui que l'on te chante
Parmi les jeux et les festins.

OEUVRES ANCIENNES.

10

Ce jour est saint pour la patrie;
Il est fameux par tes bienfaits :
C'est le jour où ta voix chérie
Vint rapprocher tous les Français.

Tu vis tomber l'amas servile
Des titres fastueux et vains,
Hochets d'un orgueil imbécile,
Qui foulait aux pieds les humains.

Tu brisas des fers sacriléges;
Des peuples tu conquis les droits;
Tu détrônas les priviléges;

Tu fis naître et régner les lois.

Seule idole d'un peuple libre,
Trésor moins connu qu'adoré,
Les bords du Céphise et du Tibre
N'ont chéri que ton nom sacré !

Des guerriers, des sages rustiques,
Conquérant leurs droits immortels,
Sur les montagnes helvétiques
Ont posé tes premiers autels;

Et Franklin, qui, par son génie, Vainquit la foudre et les tyrans, Aux champs de la Pensylvanie T'assure des honneurs plus grands!

Le Rhône, la Loire et la Seine,
T'offrent des rivages pompeux :
Le front ceint d'olive et de chêne,
Viens y présider à nos jeux !

Répands ta lumière infinie,
Astre brillant et bienfaiteur;

Des rayons de la tyrannie
Tu détruis l'éclat imposteur.

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