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› Un membre de la Convention dit que les mandataires du peuple sont en proie à trois grands fléaux, savoir : le bureau, comité et les journalistes. Il fait à cet égard des observations de détail qui obtiennent de vifs applaudissemens. Il demande que les députés jacobins aient la faculté de s'assembler dans la salle de la société les jours de la semaine où elle n'a pas de séance, afin qu'ils puissent concerter et communiquer ensuite à la société les moyens de sauver la patrie. Je sais, dit-il, que d'abord nous ne serons pas trois cents, mais nous serons le levain, et nous en attirerons d'autres. Je demande qu'il soit décidé si l'invitation aux députés se fera par quinze ou vingt d'entre eux, ou si la société fera elle-même cette invitation.

» Fabre d'Eglantine. On n'a pu vous exprimer à quel point le scandale est poussé à la Convention; on y refuse la parole avec une insolence et un despotisme qui n'ont pas d'exemple. Il me paraît évident que les intrigans ont pris la résolution de se perpétuer dans la salle actuelle, afin d'éviter l'influence des tribunes. Il n'y pas soixante hommes dans les tribunes; elles sont remplies de femmes dont la voix impuissante, si elle s'élevait, donnerait le moyen d'appeler le ridicule. Il s'agit de mettre un terme à cette intrigue; elle s'est dévoilée plusieurs fois avec une turpitude visible; tous ceux dont les yeux peuvent être dessillés le sont aujourd'hui. — Les premiers jours, toute la Convention était réunie contre la députation de Paris; mais nous en sommes venus à une espèce d'équilibre, de manière que déjà plusieurs épreuves ont été douteuses. - Je crois qu'il faut que la société écrive une lettre d'invitation à tous les membres de la Convention pour se réunir ici; nous verrons combien nous nous trouverons. Peut-être aurons-nous quelques faux frères, mais nous les reconnaîtrons. Je désire aussi que les citoyens de Paris fassent une pétition, mais une pétition énergique, dans laquelle on demandera à la Convention, en lui traçant ses devoirs, ce qu'elle veut faire pour le peuple. En même temps que vous préparerez cette pétition, les députés prendront ici les moyens de l'appuyer efficacement. Si par ce moyen l'intrigue et les intrigans ne sont pas dé

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joués, il faut que la cité de Paris, dans un manifeste signé par trois cent mille citoyens, et nous les trouverons, proclame sa profession de foi politique, dévoile l'intrigue et demande le rappel et des constituans et des législatifs.

> Ne doutez nullement que, malgré les journaux et les jérémiades en placards, la voix de Paris, ainsi noblement exprimée, ne soit entendue de toute la République ; vous atteindrez par ce moyen plusieurs buts à la fois : ramener l'ordre dans la Conven. tion, apprendre à l'empire ce qu'est Paris, non l'envahisseur de la liberté, non un ramas de brigands, mais le centre du patriotisme, mais le généreux conquérant de la liberté........... (Applaudissemens.)

» Garnier. Je demande que tous mes collègues ici présens se lèvent en même temps que moi et jurent de former la faction du salut public; fussent-ils douze seulement, ils se grossiront comme un torrent et feront frémir les intrigans. C'est ici que doit être le foyer de toutes les combinaisons qui peuvent sauver la patrie. L'assemblée législative a eu une Montagne; Moïse sur une montagne fut chercher ses lois; la Montagne de la Convention donnera aussi des lois à la France. Faisons la déclaration solennelle de cette ligue sainte du salut public.

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› Plusieurs membres de la Convention se lèvent et déclarent qu'ils se réuniront pour sauver la patrie; l'un d'eux s'écrie : Je jure que la patrie est sauvée. » (Journ, du Club, n. CCLXXXIX.)

-Dans cette même séance, les Jacobins, instruits que les Marseillais houvellement arrivés manquaient de tout, même de coucher, quelques personnes offrirent aussitôt leurs lits; et deux commissaires furent nommés, soit pour porter ces secours, soit pour en administrer d'autres. Mais ces commissaires furent assez mal reçus à la caserne, en sorte que, pour leur attirer plus de respect et de confiance, on leur adjoignit deux membres de la Convention.

Nous passons sur plusieurs des débats de cette société qui n'offrent qu'une répétition de ce que nous venons de voir: des bruits

menaçans d'une part, des appels à la résistance et à l'union contre l'ennemi commun, de l'autre; et la recherche des moyens propres à le perdre dans l'opinion publique.

SÉANCE DU 26 OCTOBRE.

» N..... J'ai un grand poids sur le coeur; il faut que je vous dise franchement mon opinion. Nos ennemis ont rempli leur but; ils ont jeté parmi nous des discussions qui n'y devaient pas être; ils voulaient mettre de l'inquiétude dans les esprits, et diviser Paris et les départemens: où est leur but? Vous devez vous rappeler que, lors de la fuite à Varennes, on ne voulait pas le jugement du roi, qui aurait dû être mené à l'échafaud dès ce moment-là; et nous aurions cent mille hommes qui ont été égorgés. Que fit-on? on amena l'affaire du Champ-de-Mars. Quels furent les auteurs de la pétition, et quels sont les intrigans qui nous mènent aujourd'hui? Faites les rapprochemens, et vous verrez les mêmes moyens et les mêmes individus. La question du jugement de Louis XVI est sans cesse repoussée par l'ordre du jour ; car ces gens-là craignent les revenans. Je demande que cette question soit appelée avec acharnement jusqu'à ce que nous ayons été voir guillotiner toute la famille ci-devant royale. Si une fois ces têtes-là ne sont plus sur des épaules, nous n'aurons plus de troubles.

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› Legendre. On a dit que les Parisiens ne demandaient le procès de Louis XVI que pour faire oublier les comptes de leurs corps administratifs; et l'on se plaint encore que la députation de Paris ne dit rien; elle est convenue de ne rien dire; elle ne dira rien, car elle veut que les intrigans se démasquent d'euxmêmes; et avec leurs vieux péchés elle les terrassera... ( Journal du Club, n. CCXC).

La société était dans ces dispositions, lorsqu'à la séance du 28 le secrétaire donna connaissance du paragraphe suivant, extrait d'un journal ayant pour titre Courrier du Midi : « Le roi › prend son mal en patience; il est sûr de sa vie et de sa liberté; › il a dit que, puisque le peuple était content de la République,

» il l'était aussi. Déjà plusieurs sections de Paris ont prononcé

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qu'il n'avait encouru que la déchéance, etc. » (Journal du Club, n. CCXCI.)

-La veille, c'est-à-dire le 26, une députation du tribunal criminel du 17 août, vint se présenter à la barre du club).

«Citoyens, dit Lhuilier, orateur de cette députation, depuis long-temps le zèle du tribunal criminel déplaît à une espèce d'hommes ennemis de la République ; depuis long-temps on le calomnie hier, à la Convention, on l'a traité de tribunal de sang; un seul mot cependant peut le justifier; c'est que tous ceux qu'il a condamnés ont avoué leurs crimes et dénoncé des complices. Ce matin, nous nous sommes présentés à la Convention; je ne sais par quelle fatalité le président a pu se méprendre; il ne pouvait pas ignorer nos motifs; mais il est aussi scélérat que celui qui nous a calomniés hier: il a dit à la Convention : Le tribunal criminel, inquiet sur sa position et craignant d'être destitué, propose d'être entendu. On voit toute la perfidie de ces expressions. Demain le tribunal doit être admis à la barre; je viens, en son nom, prier les députés jacobins, nos frères, de vouloir bien appuyer notre demande. Le tribunal criminel ne sollicite pas sa conservation; mais il veut, en descendant du siége, rester et paraître aussi pur que lorsqu'il y est monté par le vœu du peuple. (Applaudissemens.)

› Thuriot accuse le ministre de l'intérieur d'avoir répandu une calomnie, en disant que le vol du garde-meuble avait été le ré'sultat d'un plan combiné par des hommes qu'il désignait assez en ne les désignant pas : il assure que ce vol avait été combiné dans les prisons de la Force, un mois avant le 10 août : il pense qu'à présent pour couvrir la calomnie, l'on voudrait destituer le tribunal et faire évader les voleurs. En reprochant au pouvoir exécutif des fautes ou au moins des faiblesses, il dit que, dans la nuit du 2 au 3 septembre, il s'était transporté chez le ministre de la guerre, qui n'avait imaginé d'autre expédient dans le péril, que de transférer la Convention et le trésor; et que s'étant rendu ensuite chez Danton, avec plusieurs de ses confrères désespérés,

ce fut le seul homme qu'il trouva disposé à sauver le vaisseau de l'état. Thuriot dénonce aussi un parti qui veut conduire insensiblement la Convention à rapporter le décret portant abolition de la royauté: il invite la société à former de nouveau un comité de surveillance, et les bons patriotes en général à se mettre en sentinelle devant la maison du ministre Roland, et à faire l'énumération des députés qui y entrent journellement pour dîner. (Journal du club, n. CCXCI.)

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- A la séance du 29, Robespierre prit la parole pour encourager ses amis à s'armer de courage contre les calomnies que leurs ennemis répandaient sur leur compte. La société décréta l'impression de ce discours, et sa distribution aux sociétés affiliées. Nous avons hésité un moment si nous devions insérer ici cette harangue, qui est fort longue; nous avons enfin pensé que nos lecteurs seraient curieux de connaître, sur l'époque où nous sommes, le jugement d'un homme qui plus tard joua un si grand rôle. Ce discours eut une très-grande publicité; Robespierre l'inséra dans ses Lettres à ses commettans; et c'est à ce recueil que nous l'empruntons.

› Citoyens, je veux vous entretenir aujourd'hui d'un sujet qui n'a point encore été traité, que je sache, par aucun écrivain politique. Je parle du pouvoir de la calomnie. Il fallait une révolution telle que la nôtre pour le déployer dans toute son étendue. Je vais vous révéler les prodiges qui l'ont signalé; et vous conviendrez que ce sera puissamment contribuer aux progrès de l'esprit public et de la vérité.

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› Sous le régime despotique, tout est petit, tout est mesquin; la sphère des vices, comme celle des vertus, est étroite. Sous l'ancien gouvernement, la puissance de la calomnie se bornait à diviser les frères, à brouiller les époux, à élever la fortune d'un intrigant sur la ruine d'un honnête homme; elle n'opérait de révolutions que dans les antichambres et dans le cabinet des rois; le plus noble de ses exploits consistait à déplacer des ministres ou à chasser des courtisans. Notre révolution lui a ouvert une im

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