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la faiblesse qu'on met à réprimer les excès de tout genre. Il demande que le pouvoir exécutif soit tenu, sous sa responsabilité, de rétablir l'ordre, d'indiquer les moyens qui pourraient lui manquer.

Marat. Si les autorités ne sont pas respectées, c'est que le respect se mérite, mais ne se commande pas. Ce n'est pas avec des baïonnettes et du canon qu'on arrête, qu'on prévient des insurrections. Le sang a coulé dans le département du Loiret, car les troupes qui y ont été envoyées sont sous la direction des accapareurs qui forment les corps administratifs. Je demande qu'on en confie le commandement à des chefs connus par leur civisme. (Plusieurs voix : A Marat.) Si vous voulez que je vous indique à qui à Santerre.

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Legendre. Je conjure la Convention d'abjurer toute haine particulière, toute personnalité; il existe un parti qui veut sauver Louis XVI, ce parti excite des troubles pour protéger ses desseins, il égare le peuple pour réussir à la faveur des séditions. A Lyon, les émeutes n'ont été causées que par les aristocrates, les gros négocians contre les pauvres. Je demande que tous discours relatifs au procès de Louis XVI soient déposés sur le bureau et imprimés, afin qu'on puisse prononcer incessamment sur cet objet. Saint-André. Je pose en fait que Louis XVI est déjà jugé, que son jugement, prononcé par le peuple, le 10 août, a été confirmé par les assemblées primaires, lorsqu'elles nommèrent les députés à la Convention; il demande que Louis XVI, étant regardé comme jugé, on ne s'occupe plus que de sa punition.

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L'assemblée décrète la motion de Legendre, elle ajourne à mardi la décision sur Louis XVI.

Lacroix appelle la sévérité de la Convention sur ses commissaires qui ont préféré la vie à la stricte observance de leurs devoirs.

On leur présentait la hache et la plume, dit Manuel, ils devaient prendre la hache et se couper la main.

La Convention nationale a décrété qu'elle improuvait la conduite de ses commissaires.]

CLUB DES JACOBINS.

Nous avons fait connaître les séances les plus intéressantes de cette société. Dans celles qui occupèrent les vingt derniers jours de novembre, on ne traita guère d'autres questions que celles que nous avons vu débattre à la Convention. Il faut excepter cependant l'affaire de parti qui resta aussi vive, aussi animée que les premiers jours. On ne cessa de revenir sur les intrigues et les projets des Girondins, de se plaindre des nombreux envois de brochures que Roland faisait imprimer aux frais de l'état et adressait aux départemens. La société était, en effet, constamment ramenée sur ce sujet par la nécessité de se défendre. Plusieurs défections venaient encore de lui être dénoncées. La société de Riom venait de rompre ; celles de Châlons, du Mans, de Valogne, de Nantes, de Lorient, de Bayonne, de Perpignan, etc., adressaient de vives remontrances, demandaient l'expulsion de la faction Robespierre; celle d'Angers écrivait : « Si Marat et Robes› pierre restent encore parmi vous, la société d'Angers vous prie › de ne plus la compter au nombre de vos affiliés. Lisieux exprimait la même opinion; Bordeaux persistait dans sa scission; il est vrai qu'il venait de se former dans cette ville une société populaire qui était dans les meilleurs principes, disait Desfieux. Une querelle assez vive s'engagea à ce sujet entre Boyer-Fonfrède et Terrasson. Le premier fait insérer une lettre dans le Patriote français, pour défendre les Bordelais; le second lui répond dans le journal des Débats des Jacobins. Pourquoi, disait ce dernier, n'y avait-il pas un seul Bordelais à la conquête des Tuileries? Pourquoi la société a-t-elle formé une force armée à la disposition de la Convention, avant même que la Convention ait décrété cette force armée?... C'est qu'alors elle voyait tout par elle-même; : c'est qu'elle n'avait pas alors un comité des Douze pour préparer les travaux, faire les rapports, etc.?

Mais si les Jacobins éprouvaient quelques défections, ils rece

vaient, d'un autre côté, au moins autant d'adhésions, et ce qui augmentait surtout leur crédit, c'était celui qu'on leur supposait. On s'adressait à eux pour appuyer des réclamations, des demandes; les sections de Paris s'y rendaient comme dans un centre de publicité sur leurs décisions politiques; tantôt c'était la section du Pont-Neuf qui venait déclarer qué Roland avait perdu sa confiance; tantôt c'était la section des Tuileries, qui venait demander une communauté d'efforts pour repousser M. d'Ormesson, candidat à la mairie de Paris; tantôt c'étaient les forts de la Halle, qui accouraient faire part de leurs craintes sur une prochaine émeute pour les subsistances, etc. D'autres fois ils recevaient des adresses de provinces ; aucun des généraux alors fameux ne manqua à aller leur rendre hommage. Le 14, Kellerman, avec ses trois aides-de-camp, alla protester devant eux de son dévouement à la République. Le 23, Wimpfenn se présenta à leur tribune. Après avoir parlé magnifiquement de ses exploits sous les murs de Thionville, il annonça qu'il allait rédiger des mémoires; il demanda d'en déposer le manuscrit dans les archives de la société, après que celle-ci en aurait fait parapher les pages. Sur cette próposition, Saint-André fit observer que ce serait en garantir l'exactitude, et que la société ne pouvait ainsi donner un certificat de véracité à une narration qu'elle ne pouvait vérifier. Néanmoins, sur la motion de Robespierre jeune, la proposition de Wimpfenn fut acceptée avec reconnaissance.

Il n'y avait pas que les généraux qui traitassent les Jacobins comme une des autorités de la République; quelques députés des populations qui demandaient leur adjonction à la France en firent autant. Ceux de la Savoie leur apportèrent, le 24, l'hommage de quelques dépouilles enlevées aux satellites des týrans, des casques, des bonnets, etc.

Quant aux discussions, on y parla beaucoup du procès de Louis XVI, médiocrement des subsistances. Il serait surabondant de nous occuper ici des discours qui eurent lieu sur ces sujets; ils n'offrent rien qui n'eût été dit à la Convention. Il en est de même de tout ce qui touchait la question de parti; nous n'y

avons rien trouvé que nous ne connaissions déjà. Un seul fait nous paraît digne d'être recueilli.

A la séance du 14, Chabot, pour accomplir, selon son expression, la promesse qu'il avait faite à la société de lui faire connaître la part que Brissot avait prise aux journées de septembre, donna lecture d'un placard qu'il venait de faire afficher dans Paris. Le journal des débats de la société n'en contient qu'une analyse. Nous avons été assez heureux pour le trouver et nous le réimprimons ici. Il faut remarquer que Merlin attesta la vérité des faits à la tribune des Jacobins.

François Chabot à Jean-Pierre Brissot.

Depuis que j'ai publié, aux Jacobins, ta complicité avec Narbonne, je savais que tu trempais ta plume dans le fiel de la haine et le venin de la calomnie; mais je croyais que le désir de te venger te forcerait à mettre quelque intervalle entre ma diffamation et les services que j'avais rendus à l'humanité, à ma patrie, à toi-même.

› Le bien que je t'ai fait a irrité ton amour-propre au point de compromettre ta prudence; je rends grâce à ton indiscrétion: elle me force à publier la part que nous avons eue l'un et l'autre aux événemens de la révolution. Le public jugera lequel des deux 'a plus vertueusement servi son pays.

» Tu m'appelles un des héros du 2 septembre! Je ne te rappellerai pas à ta conscience; depuis le 10 août, tu n'as plus de pudeur. Mais j'en appelle à celle d'un de nos anciens collègues, i au citoyen Gohier.

Il était à la commission extraordinaire, le 18 août, lorsque je fus te conjurer de provoquer le remplacement du conseil révolutionnaire de la Commune, et de le remplacer par une commission nommée par l'assemblée législative, ou par le conseil exécutif.

■ Tu ne répondis à ma sollicitude que par un rire sardonique qui semblait appeler sur Paris, que tu voulais perdre, les mal

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heurs du 2 septembre, que j'étais loin de prévoir, et que le seul instinct du bien public me faisait présager.

› Mais il faut te démasquer tout entier: c'est de ta bouche même que j'ai appris, le 2 septembre au matin, le complot du massacre des prisonniers, et je t'ai renouvelé ma demande du 18 août; je t'ai conjuré d'engager l'assemblée à se mettre à la tête de la révolution. Je connaissais les bonnes intentions de la majorité des membres du conseil de la Commune; mais je savais aussi à quel état de nullité pouvaient la réduire, et le moment de crise qui avait forcé à tirer le canon d'alarme, et l'agitation générale des esprits, et le zèle trop ardent de quelques hommes exagérés par faiblesse ou par ignorance. Je croyais que l'assemblée pouvait seule mettre un terme à l'anarchie, en se mettant à la tête de la révolution, seul moyen de se soustraire à la domination de la Commune, dont tu commençais à te plaindre.

> Toute ta réponse à mes observations fut que la Constitution réprouvait cette mesure.

› Tu avais trouvé le moyen de me discréditer, même après que j'eus forcé l'assemblée à quelque reconnaissance envers moi. Une trentaine de membres de la Montagne et la majorité du côté droit seulement rendaient justice à mes vues et à mes sentimens. Et je ne suis pas le seul que tu aies empêché de faire le bien dans l'assemblée. Je fus donc forcé de croire, ou que la conspiration était imaginaire, ou que tu la croyais utile, puisque tu ne voulais pas l'empêcher. Depuis cette époque, Danton m'a donné le mot de l'énigme.

› Morande était dans les prisons. Ce Morande avait été témoin ou complice, ou si tu veux, simple dénonciateur de tes escroqueries et de ta bassesse. Tu jouissais déjà de l'idée de la mort de cet ennemi redoutable; et tu n'as déclamé contre ces exécutions populaires, quand elles ont cessé, que parce que le peuple avait refusé de servir d'instrument à tes vengeances personnelles. Ce sentiment a échappé à ton caractère mal déguisé en présence de plusieurs ministres. Tu t'es plaint de ce que le peuple avait épar

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