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qu'un autre; dominé par un amour-propre excessif, il ne veut pas dire ce que les autres ont dit et comme ils l'on dit. Si on a trouvé une vérité, un principe avant lui, pour ne pas rester en deçà, il passe outre et tombe dans l'exagération : souvent il touche à la folie, à l'atrocité, mais il professe des principes que les malintentionnés redoutent et abhorrent.-Danton ne ressemble nullement aux deux premiers; jamais il ne sera dictateur ou tribun, ou le premier des triumvirs, parce que, pour l'être il faut de longs calculs, des combinaisons, une étude continuelle, une assiduité tenace, et Danton veut être libre.....

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› Leurs adversaires forment-ils vraiment une faction? Leur chef prétendu est un homme qui parle beaucoup, écrit beaucoup, se remue beaucoup; il a de l'ambition, de la jalousie; il voudrait bien avoir à sa disposition les premiers postés de la République; il en a déjà fait l'essai : nous avons eu des ministres de sa façon; il prend plaisir à régenter; Roland ne s'en aperçoit pas, et se perd dans l'estime publique..... Brissot n'est pas sans talens, sans mérite, mais jamais conception hardie ne sortira de son cerveau; il n'aime pas la royauté, encore moins le roi; mais il n'aime pas non plus le peuple de Paris, à qui il en veut, parce qu'il n'a pas su s'en faire considérer..... Après lui, les plus dangereux de son parti sont Guadet, Vergniaud, Gensonné, qui, pourtant ne le sont pas. Quels sont les autres? Buzot, Barbaroux, Kersaint, etc. Voilà ce qu'on appelle, à bon droit, Brissot et sa coterie.

Pour nous, citoyens, spectateurs intéressés d'un combat dont nous sommes le prix et dont nous payons les frais, avertissons ceux de nos représentans sur lesquels nous croyons pouvoir compter, des piéges qu'on tend à leur amour-propre, à leur irascibilité; ils ont leurs petites passions comme leurs adversaires; mais, ceux-ci, plus modérés, savent mieux se contenir; ils ont plus de patience et savent tourner à leur avantage les fautes généreuses du peuple et ses écarts de la loi, qui ne sont dus qu'à ses principes rigoureux de justice et à son impatience du bien, qui brise les obstacles qu'on cherche à multiplier; car, il faut

bien le dire encore, ce qu'on peut reprocher aux journées des 2 et 3 septembre, par exemple, pourrait bien être l'ouvrage de ceux-là mêmes qui s'élèvent si fort contre. Si on veut absolument que Robespierre, Marat, Danton aient amené, provoqué et dirigé ce supplément, indispensable peut-être à la révolution du 10,.... il faut dire qu'on a vu des hommes du parti en question qui prêchent l'humanité et abhorrent les provocateurs au meurtre; on a vu ces hommes se frotter les mains d'aise à la nouvelle des horreurs qui se commettaient à la faveur des actes de justice du peuple.» (Révolutions de Paris, n. CLXXIV.)

Ainsi, Prud'homme cherchait à rassurer ses lecteurs; le public en effet n'était pas tranquille sur les conséquences de la lutte engagée à la Convention; et il faut croire que cette attente inquiète ne convenait pas aux Girondins, car le Patriote français, le plus habile de leurs journaux, s'efforçait de témoigner de l'indifférence de la population, du calme de Paris; il répète cette assertion plusieurs jours de suite avant et après le 5 novembre; cependant, s'il faut en croire la lettre suivante adressée à la Commune, cette pacifique apparence était complétement trompeuse.

Paris, le 3 novembre, l'an 1er de la République.

• Je ne puis que louer votre zèle, concitoyens, et vous exhorter à la plus grande surveillance. Je n'entends parler que de conspirations, de projets de meurtre et d'assassinat; mais je dois croire que vos soins préviendront tous les malheurs, et que les Parisiens, dont la sûreté et le repos sont commis à votre garde, conserveront, aux yeux de la France et des nations, cette renommée de bravoure et de sagesse qui les a distingués dans tous les temps. Signé, ROLAND.

Les précautions prises par la Commune étajent donc justifiées? mais, d'un autre côté, on se demande si la lettre de Roland n'était pas un moyen pour faire désirer, même par ses adversaires, la loi sur les provocateurs au meurtre? nous ne possédons aucun moyen pour répondre à ce doute.

Nous fermerons ici cette longue parenthèse pour suivre

Robespierre aux Jacobins. Il y eut à l'occasion du discours de Robespierre des écrits plus importans que ceux que nous avons déjà cités, nous en ferons l'objet d'un chapitre complémentaire à la fin du mois de novembre.

CLUB DES JACOBINS.- SÉANCE DU 5 NOVEMBRE.

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On fait lecture de la correspondance.....

Robespierre paraît dans la salle; il est couvert d'applaudisse

mens.

› Merlin. Robespierre est ici ; il ne convient qu'à lui de rendre compte de ce qu'il a fait aujourd'hui; je demande la parole après lui, sur l'ordre du jour, c'est-à-dire sur les subsistances.....

N..... je suis sûr que Robespierre se taira je le connais! > Garnier. Ce jour a été l'un des plus beaux qu'ait vus éclore la liberté; il n'en est aucun qui ait plus honoré la Convention. Les hommes qui n'osaient pas attaquer la journée du 10 août, en poursuivaient les auteurs avec acharnement. La vérité triomphe : Robespierre qu'on a accusé, qu'on a persécuté comme un factieux, se mettant au niveau de sa grandeur, celle d'un républicain, s'est toujours occupé de la chose publique, et s'oubliait lui-même; la vérité a guidé sa plume et son cœur. Sa vertu, d'un côté, son éloquence mâle et naïve de l'autre ont écrasé tous ses ennemis...... Enfin, dans le désespoir, Barbaroux a abandonné son siége de législateur, et il a été se mettre à la barre. Qu'y voulait-il faire? c'est qu'il ne voulait pas regarder en face l'accusé; en effet, comment le vil reptile oserait-il soutenir les regards de l'aigle!

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Citoyens, partout les Jacobins de Paris sont révérés, partout cette enceinte est considérée comme le temple de la Liberté ; si quelquefois des idées exagérées, des opinions trop ardentes viennent y porter le tumulte, le résultat est toujours le bien. Du tumulte de nos débats est sortie la liberté.

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Citoyens, il est temps que des scènes affligeantes ne viennent plus offrir un spectacle scandaleux qui altère la vénération dont l'opinion publique nous environne. Hâtons-nous d'étouffer ce gé

nie malfaisant du soupçon, qui, ne croyant pas à la vertu, empoisonne jusqu'au bien que nous opérons; fixons la patrie, ne voyons qu'elle; que ceux qui sont venus pour la sauver, jurent de ne défendre qu'elle.

Il est temps que le peuple, s'il veut être heureux, sache que les méfiances doivent s'éteindre avec les sources qui les alimentaient; qu'une estime réciproque, ralliant nos forces, multiplie nos moyens... Jurons de ne plus nous occuper des, personnes, et de ne consacrer nos momens qu'à l'achèvement de la Constitution... La Convention doit passer, les législatures qui la suivront, passeront aussi ; nos lois, si elles portent sur les bases sacrées de l'égalité, įront à la postérité la plus reculée. (On applaudit.)

N.... Je demande que la société invite Robespierre à lui confier son discours qu'il a prononcé à la Convention, pour qu'il soit livré à l'impression. Par-là, les Jacobins prouveront qu'en s'attachant à Robespierre, ils n'ont fait que rendre hommage à la vertu incorruptible et à la sévérité des principes républicains.

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Merlin accuse Roland, vertueux, éternellement vertueux, d'oublier les principes, et de s'être servi de la poste pour envoyer aux départemens la diatribe de Brissot, le discours de Buzot et la dénonciation de Louvet. ›

Je demande que la société fasse imprimer et envoie à toutes les sociétés affiliées le discours de Robespierre, et qu'elle joigne à cet imprimé un arrêté dans lequel elle déclarera tout ce qu'elle sait sur Robespierre; les départemens croiront davantage à cette déclaration qu'à toutes celles du vertueux. ›

La motion de Merlin est adoptée.

Bentabolle. Citoyens, ne nous enthousiasmons point. Un préopinant vous a dit que la Convention s'était couverte de gloire en passant à l'ordre du jour sur Robespierre; n'y croyez pas; par la manière dont elle a prononcé son décret, et par son refus d'envoyer le décret aux départemens. L'opinant est inter

rompu.

Thuriot. S'il est prouvé que Roland, au mépris du vœu déclaré

de la Convention, a fait distribuer le discours de Louvet, je dis, moi, qu'il faut poursuivre et punir Roland.

Merlin. Baudouin m'a dit aujourd'hui qu'il avait fait tirer, par ordre de Roland, quinze mille exemplaires du discours de Louvet, et qu'il en avait remis le bon aux commissaires de la salle. Calou, commissaire de 1: salle, atteste le fait.

Manuel. Citoyens, je crois devoir vous faire connaître l'opinion que je devais émettre sur le patriote Robespierre ; je savais qu'il se défendrait lui-même, mais je voulais rendre hommage à la vérité, éclaircir quelques faits; enfin, donner quelques conseils à la Convention.

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Extrait de l'opinion de Manuel.

Robespierre n'est point mon ami; je ne lui ai presque jamais parlé, et je l'ai combattu dans le moment de sa plus grande puissance, dans le moment où personne ne lui contestait celle de sa vertu..... Il est sorti vierge de cette assemblée constituante où la plus corrompue et la plus riche des cours faisait couler son or et ses vices toujours assis à côté de Pétion : c'étaient les gémeaux de la liberté....... Robespierre pourrait nous dire ce qu'un Romain disait au sénat: On m'attaque dans mes discours, tant je suis innocent dans mes actions.

> Oh! combien de fois vous vous tromperez, législateurs, si vous ne jugez les hommes que quand ils parlent! Voulez-vous savoir, disait Démosthènes aux Athéniens, quels sont ceux qui trahissent la patrie? ce sont ceux-là qui parlent autrement qu'ils ne pensent... Robespierre a toujours montré la plus grande austé rité dans les principes; il a toujours voulu n'être rien, lorsque tant de gens étaient si pressés d'être quelque chose... Il faut aussi parler de cette journée où un peuple, méchant comme un roi, voulait faire une Saint-Barthélemy: qui l'a connue mieux que moi, cette journée? Monté sur un tas de cadavres, je prêchai le respect pour la loi ; je cherchai Bosquillon; il avait été mon ennemi; c'était le premier que je devais sauver. Il paraît que Louvet n'avait compté que les bourreaux', lorsqu'il a dit que le nom

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