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plaisir de me réunir à vous pour les repousser ces calomnies; mais appelé à l'administration par la République entière, je ne puis plus songer à des intérêts particuliers, qu'autant qu'ils se trouvent liés à la cause commune.

Si je parle encore avec attendrissement de Paris, c'est que je ne pense pas que Paris soit la ville que l'on voudrait perdre; je crois que c'est la République, que c'est la liberté tout entière que l'on s'efforce d'anéantir dans son berceau; on n'y réussira pas ; et pendant que nos armées prospèrent au-dehors, vous n'oublierez pas que c'est à vous à faire triompher au-dedans les principes par l'uuion avec vos frères de tous les points de la Ré→ publique. Son unité ne serait pas parfaite si elle se bornai à réunir des lieux et des hommes par des lois uniformes; il faut encore l'union des cœurs et des volontés, et ce ne seront pas ceux qui ont fait les plus grands sacrifices que l'on accusera de ne pas savoir comme on sert son pays. ▸

1er novembre. Signé PACHE.

Cette lettre touchante fut bien accueillie par la Commune. On décida qu'elle serait imprimée, affichée, envoyée aux quarantehuit sections, et que les citoyens de Paris seraient invités à loger les fédérés. Cette mesure, dictée par le seul sentiment, était certainement la plus habile que l'on pût prendre. Le contact des hommes des départemens et ceux de Paris ne pouvait manquer d'amener l'harmonie d'opinions,

La promenade et les chants des fédérés que nous avons vu dénoncer à la tribune, aliéna un peu les bonnes dispositions de la Commune. Elle prit des renseignemens sur le fait, et comme quelques cavaliers revêtus de l'uniforme, que portaient les régimens de l'École Militaire avaient été remarqués dans ce rassemblement, elle écrivit à leur commandant dont elle espérait obtenir plus facilement des renseignemens. Il chercha naturellement à diminuer la gravité des faits.

Réponse du citoyen Sauvigny, commandant en chef provisoire de la cavalerie nationale à l'Ecole Militaire.

⚫ Citoyen président, j'ai pris sur l'affaire qui s'est passée hier... les informations que je pouvais prendre. Les deux compagnies qui sont dans la rue de Varenne ont planté l'arbre de la liberté; elles ont prié à cette fête civique nos amis les Marseillais; tout s'est passé dans l'ordre. Après le repas, ils ont été tous ensemble dans les rues de Paris, chantant des chansons patriotiques.

» La chose coupable qu'ils se sont permise dans ces chansons, était, m'a-t-on dit, un refrain où il était question de Marat à la guillotine. Ils n'ont point appelé la mort sur la tête du ci-devant roi, comme on l'a publié à la Commune. Tous, sans exception, se sont accordés à nier le fait, non qu'ils respectent plus le cidevant roi qu'un homme qui les a calomniés, mais ils n'ont pas pensé à lui.

» Je les blâme d'avoir provoqué la haine du peuple contre leur ennemi déclaré; ils avaient les tribunaux pour l'y traduire, et tout homme libre et républicain doit être esclave de la loi. Je les blâme d'avoir parcouru les rues de Paris en attroupement trèsnombreux; mais il ne m'est pas parvenu qu'ils aient causé du désordre: j'ai su, au contraire, qu'on leur criait et qu'ils répondaient : Vive la nation, et que dans les lieux où ils se sont arrêtés, eux et les autres citoyens s'embrassaient fraternellement.

> Je crois que leur attroupement était illicite, et que, selon les circonstances, ce tort pouvait devenir plus grave. Si on veut sonder les intentions, elles n'avaient aucun mauvais sujet. Le patriotisme avait donné à la fête une gaieté franche, mais inconsidérée; elle a été terminée à 8 heures du soir, heure à laquelle les cavaliers sont rentrés dans leur caserne. Tel est le naïf exposé de ce qui s'est passé. J'attends les ordres de l'assemblée générale de la Commune par l'organe du citoyen président. Les deux compagnies qui se sont écartées de leurs devoirs sont consignées. La réponse que je recevrai décidera de la punition qu'elles doi

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Le conseil-général renvoya cette lettre au directeur du jury d'accusation. D'ailleurs, une vive méfiance s'était emparée de la population des faubourgs. On disait que quarante mille hommes étaient réunis pour en opérer le désarmement.

Séance du club des Jacobins du 4 novembre.

< On fait lecture de la correspondance. Un citoyen de Rouen écrit que le club de cette ville est désert, que les habits bleus règnent despotiquement, et qu'on fait circuler des papiers infàmes... La société d'Auxerre annonce qu'il passe dans cette ville un grand nombre de gardes nationaux qui se disent destinés à contenir, à Paris, le parti de Marat et de Robespierre: huit cents de ces gardes séjournent à Auxerre : « Nous croyons, disent > nos frères d'Auxerre, qu'il serait bon de demander aux mi› nistres, pourquoi ils font venir une si grande quantité de trou> pes du pays de Barbaroux. » On fait lecture du procès-verbal de la première séance tenue par la société de Mayence, le 23 octobre, dans la plus belle salle du palais de l'électeur...

» Bazire. On a combiné un système de diffamation contre les Parisiens; il importe d'éclairer les départemens à cet égard. Le comité de surveillance a été chargé de faire un rapport sur la situation de Paris; je m'en suis occupé. Je vais donner à la société lecture de mon travail. (Suit une longue histoire de la législative, par laquelle Bazire cherche à prouver que le parti Brissot est au fond très-peu occupé des intérêts de la révolution, qu'il eut, sous la monarchie, pour unique but de s'emparer du pouvoir; qu'en ce moment c'est encore la fin qu'il se propose, et que c'est là l'origine de sa haine contre Paris qui seul lui fait obstacle. Nous laisserons de côté cette longue démonstration qui ne serait ici qu'une redite, et nous recueillerons un seul passage curieux de ce discours.)

› Je révèlerai, quelque jour, des faits importans dont la publicité serait inutile et même dangereuse aujourd'hui. Je dois

néanmoins vous faire part d'un trait frappant et qui caractérise la journée du 2 septembre. Quelques domestiques de madame de Lamballe prennent le costume de sans-culottes, s'arment de piques, vont aux prisons de la Force, et là ils égorgent plusieurs prisonniers avec atrocité afin d'acquérir du crédit auprès des assassins, et en profiter pour sauver leur maîtresse. Mais tant de crimes deviennent inutiles: madame de Lamballe tombe en des mains cruelles, et périt d'une manière que ma plume se refuse à décrire. Il est probable que les domestiques de plusieurs autres prisonniers ont fait comme ceux de madame de Lamballe : il est probable aussi que le massacre de Versailles a été exécuté par des domestiques de la reine qu'on a vus à la tête de l'attroupement. Ces faits dévoilent aux hommes judicieux le secret de tant de brigandages qu'on attribuait à des Parisiens et auxquels les Parisiens ont mis un terme. Les citoyens de Paris s'exercent maintenant à la patience; ils se livrent paisiblement à leurs travaux, tandis que leurs rues retentissent de cris séditieux que profèrent des bouches étrangères. L'avenir éclairera tant de mys

tères... »

› On demande que le discours soit distribué aux citoyens des tribunes.

» Boissel. Les tribunes sont tout Paris. Or, la distribution proposée exigerait une somme trop forte... »

Après quelques débats, la société arrête que le discours de Bazire sera distribué aux membres de la société, et aux tribunes.

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» Bentabolle. Je vais faire part à la société d'un fait qui n'est pas indifférent. Il est établi sur des preuves, et ces preuves sont des dépositions qui existent au comité de surveillance. L'événement que je vous annonce prouve qu'il existe dans cette ville une coalition dont les chefs doivent être de grands personnages et dont le but est de diviser les citoyens pour allumer la guerre civile. Hier, au boulevart du Temple, devant un café, des dragons de la liberté, au nombre de six cents environ, tous à cheval, le sabre nud à la main, et précédés de trompettes, faisaient retentir les airs d'une chanson dont voici le refrain; je ne le chanterai T. XX. 13

pas, je le prononcerai; le voici : A la guillotine, Marat, Danton, Robespierre. Ils répétaient ce refrain plusieurs fois, et ils criaient ensuite: Vive la nation! vive Roland! point de procès au roi! Je vous' demande, citoyens, si, quand on voit de pareilles choses, on peut disconvenir qu'il n'y ait des projets sinistres. Le fait que je vous dénonce est bien avéré : un membre de cette société a failli avoir la tête tranchée parce qu'il voulait engager les dragons à rentrer dans l'ordre. Vous savez que cette semaine doit être employée à la justification de Robespierre et à la discussion sur le mode de jugement de Louis XVI. — Je dois dire aussi qu'on a attesté que parmi ces dragons de la liberté se trouvent des fédérés. »

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Un dragon de la liberté. Je vais vous révéler un autre fait. Nous avions résolu de faire expulser du corps les officiers qui nous paraissaient suspects, parce que nous voulons être purs jacobins. Hier, nous avons été en députation à cet effet, chez le général Santerre; il nous a répondu qu'il n'avait pas envie de faire une armée de capucins, et que ceux que nous dénoncions comme des suppôts de jeux, se battraient mieux que les autres. Quant à ceux que nous accusions d'aristocratie, le général ne nous a pas répondu directement; il nous a dit qu'il fallait obéir aux chefs; mais, lui avons-nous objecté, si nous avions le comte d'Artois à notre tête, il faudrait donc aussi lui obéir? Le général s'est tiré de là en disant qu'il ne voulait entendre aucune plainte contre les officiers; que, dès qu'on avait passé sous l'étendard, on devait une obéissance aveugle et l'on ne pouvait invoquer la déclaration des droits de l'homme; c'est à vous, nos braves frères, à nous aider en cette circonstance; c'est à vous à nous tirer du précipice: voyez si nous pouvons vivre sous de te's hommes, avec des hommes qui sont soudoyés pour crier : A la lanterne les patriotes!

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› N. J'ai été témoin, près le Palais-Royal, de cette promenade scandaleuse des dragons; il faut demander que les coupables soient punis. Pourquoi serions-nous abattus? Nous ne sommes pas moins de taille aujourd'hui que le 10 août.

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