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gueur. Enfin, sur l'avis du conseil des ministres, la Convention donna carte blanche au général Montesquiou, déclarant en outre qu'elle renonçait à l'article du traité de 1782 par lequel la France garantissait à cette République, la conservation de sa constitution.

Montesquiou, libre de ses actes, réussit facilement à amener les magistrats à un arrangement par lequel il fut convenu que les troupes bernoises évacueraient la ville au plus tard le 1er décembre. M. Châteauneuf retourna le 29 reprendre son consulat. Il ne se passa aucun autre événement sur la frontière du midi.

Ici se termine la série, fort longue certainement, des événemens militaires qui occupèrent le mois d'octobre. Notre narration, comme les précédentes, a été calquée sur celle de Servan, et du prince de Hardenberg. Il ne nous reste que quelques mots à y ajouter.

La lecture des pièces nous a inspiré quelques doutes que nous croyons devoir communiquer à nos lecteurs.

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Les indications que nous avons recueillies sur les singulières négociations qui précédèrent la retraite des Prussiens, nous mettent sur la voie d'expliquer quelques demarches de nos généraux, auxquelles autrement on ne trouverait point de motifs. raisonnables. Que signifie par exemple cette double conférence qui eut lieu, le 11., sous les murs de Verdun, l'une entre Dillon et Kalkreuth, l'autre entre Kellermann et Manstein! Nous savons que Dillon était assez disposé à donner des avis aux coalisés; et nous savons aussi que Kellermann avait jusque-là voulu agir plus franchement que Dumourier ne l'avait permis. Or, pourquoi deux conférences si elles avaient lieu pour s'entendre sur les ́ mêmes choses et traiter les mêmes questions? Faut-il croire que Dillon, dans le compte rendu de la sienne, insérée page 89 de ce volume, a rapporté tout ce qu'il avait entendu? Non, ce n'est pas chose probable. Pourquoi plus tard cette rencontre entre les commissaires de la Convention et ce même Kalkreuth?

C'est d'une manière toute autre que les généraux ennemis s'y prennent avec Kellermann, lorsqu'ils veulent l'arrêter et gagner une marche; ils lui font des propositions de paix.

Il n'y a pas de moindres questions à se faire sur la conduite de Custine. D'abord on peut dire qu'il fut entraîné à l'expédition de Mayence. Celle-ci lui était commandée autant par les patriotes allemands que par les patriotes de Strasbourg; et la prévoyance lui ordonnait de ne pas encourir les accusations mortelles qu'il eût eu à subir, lorsque l'occasion, étant passée, le public, la Convention eussent appris quel important succès il avait manqué. Lorsqu'on étudie sa marche, il semble en effet que c'est à contrecœur qu'il obtient ses conquêtes; car au moindre prétexte il hésite et s'arrête. On a dit, pour la justification de ce général, que tous ses faux mouvemens furent l'effet de l'irrésolution de son caractère, de la crainte qu'il avait d'éprouver un échec, lorsqu'il agissait sans ordres du ministère.

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Mais à ces allégations il y a à opposer ses inutiles démarches en Allemagne, où il perdit, comme à plaisir, un temps qu'il pouvait employer à prendre Coblentz et à enfermer les Prussiens de ́ce côté du Rhin sans routes pour fuir, sans magasins pour vivre; il y a મે opposer sa conduite de forban, la plus propre à nous aliéner toutes les sympathies germaniques, et ses prédications malhabiles contre la bourgeoisie si nombreuse et si puissante dans les villes des bords du Rhin. Enfin si Custine avait voulu dissiper le temps d'une armée française afin de donner à l'ennemi les moyens d'échapper, il n'eut pas fait autrement.

DOCUMENS COMPLÉMENTAIRES

AU

MOIS D'OCTOBRE 1792.

cry de

Ces documens se composent 1o du rapport de Rolland sur la situation de Paris, rapport qui, comme nous l'avons vu, provoqua ou prépara l'accusation de Louvet contre Robespierre ; 2o d'un pamphlet de Brissot dirigé contre les Jacobins, et 3° d'une brochure de Tallien sur les événemens de septembre. Nous avons devoir ajouter cette dernière brochure, qui se compose seulement de quelques pages, parce que plusieurs écrivains, trompés par la similitude du titre : La vérité sur les journées de septembre, l'ont confondue avec celle de Méhée fils. Cette confusion a donné lieu à une polémique qui pourrait, dans quelques années, embarrasser les historiens. La réimpression que nous faisons ici rendra désormais impossible une erreur de ce genre.

DU

MINISTRE DE L'INTÉRIEUR ROLAND

SUR LA SITUATION DE PARIS.

(Séance du 29 octobre 1792.)

La Convention nationale m'a chargé, par son décret du 26, de lui rendre compte sous trois jours de l'état où se trouvent les autorités publiques à Paris depuis le 10 août, des obstacles que l'exécution des lois éprouve en cette ville, et des moyens d'y remédier.

Elle a senti que le tableau de ce qui est se compose nécessairement des faits ou de l'inaction du jour, et des faits précédens dont ils sont la suite ou le résultat nécessaire. Elle m'oblige de jeter un coup d'œil sur le passé : je le ferai rapidement; je serai réservé dans les jugemens, mais précis et sévère dans l'exposé des faits; car je cherche la vérité pour la connaître, je la présente pour qu'elle soit utile, sans autre passion que de me rendre tel moi-même en remplissant mes devoirs.

La révolution du 10 août, à jamais glorieuse et célèbre, cette belle époque à laquelle nous devons la République, et qui ne doit être confondue avec aucun autre événement, n'a pu arriver et s'effectuer que par un grand mouvement dont l'effet se propage et se fait sentir long-temps encore après que la cause dont il est le produit a perdu son action. Un nouvel ordre de choses a dû naître : nous en avons le principal résultat dans la Convention, qui doit assurer les destinées de la France. Une organisation provisoire des pouvoirs communaux de la ville de Paris s'est faite à cette époque: elle était nécessaire; elle a été utile; mais, eût-elle été la cause d'une grande révolution, dont elle n'était réellement

que l'effet, il ne faudrait pas moins en relever les inconvéniens, s'il en existe, et qu'il soit pressant de les détruire. A Dieu ne plaise que je veuille considérer les personnes, juger les intentions, confondre le zèle aveugle aves la malveillance, ou l'inexpérience en administration avec la volonté d'usurper une autorité légale ! Je n'ai point sur cet objet d'opinion à établir, mais des faits à présenter. Pour satisfaire pleinement à la loi, je suivrai dans leur marche le département et la Commune, ensemble ou séparément, suivant la nature des faits ou la concurrence des événemens; j'examinerai l'effet de leurs opérations et de leur conduite par rapport aux propriétés et à la sûreté individuelle, ces deux grands objets de toute association, dont la conservation, l'intégrité, font le but et la preuve d'un bon gouvernement, d'une sage administration.

Il serait absurde de prétendre, injuste d'exiger que le bouleversement d'une révolution n'entraîne pas quelques malheurs particuliers, quelques opérations irrégulières : c'est la chute ou la perte d'arbres et de plantes dans le voisinage d'un fleuve débordé dont le cours rapide occasione des dégâts en surmontant de grands obstacles; mais il faut soigneusement distinguer ce qui appartient à la nature des choses de ce qui peut résulter des passions ou des desseins prémédités de quelques individus ; car on doit endurer avec courage, tolérer avec patience, adoucir ou effacer à force de sagesse et de vigilance ce qui vient de la nécessité, tandis qu'il faut surveiller avec attention, contenir avec force, réprimer avec sévérité ce qui résulterait de l'extravagance, de l'ambition ou des entreprises de la scélératesse.

Ainsi l'examen scrupuleux des faits en masse, le froid calcul de leur cause et de leur influence doivent précéder tout jugement

et toute mesure.

La cour avait vu tourner contre elle les précautions mêmes qu'elle avait prises pour anéantir la liberté; Louis XVI, enfermé au Temple avec sa famille, n'offrait plus qu'un grand exemple des vicissitudes humaines, de la stupidité des rois, et du sort qui les attend lorsqu'ils veulent être injustes dans un siècle éclairé.

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