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CONSERVATEUR

LE ROI, la Charte, et les Honnêtes Gens.

TOME DEUXIÈME.

PARIS,

AU BUREAU DU CONSERVATEUR,

CHEZ LE NORMANT FILS, ÉDITEUR,

RUE DE SEINE, No 8.

M. DCCC. XIX.

AP

20 •C76

v.2

IMPRIMERIE DE LE NORMANT, RUE DE SEINE.

LE CONSERVATEUR.

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EXPOSITION

DES DROITS de l'église CATHOLIQUE.

NOTRE siècle sera cité pour ses malheurs, il le sera encore pour l'orgueil de son ignorance. П semble aujourd'hui que le pouvoir de tout dire dépende du droit de n'avoir rien appris. On pardonne volontiers à un évêque de tracer des plans de campagne pour les indépendans du NouveauMonde, aux officiers - généraux de discuter les affaires du clergé; pardonneroit-on à un ecclésiastique de parler des droits de l'Eglise ? Ses réflexions s'adressent moins à l'esprit qu'au bon sens s'il se trompe, qu'on le réfute; s'il expose la vérité, qu'on en profite.

Qu'est-ce que l'Eglise catholique? C'est, répond Bossuet, l'assemblée de fidèles, unis par la même foi, les mêmes sacremens, et soumis aux mêmes pasteurs sous un chef visible qui est le Pápe.

Chargée d'une mission divine, l'Eglise demande à passer sur la terre, non pour en posséder les honneurs et les biens, mais pour y former des fidèles, et les guider vers un royaume qui n'est pas de ce monde. Son fondateur l'envoya comme une étrangère, de céleste origine, marquer d'un signe surnaturel tous les enfans des hommes. Lorsqu'elle apparut à la Grèce et à l'Italie, elle ne leur demanda que quelques gouttes d'eau pour son baptême, un peu de pain et de vin pour son sacrifice, les ruines de quelque vieux monument pour y parler du ciel, et si l'on veut, des ignorans à instruire, des malheureux à consoler, des pauvres

à nourrir. Ce que les lois de l'hospitalité accordent aux étrangers suffit à son établissement.

Pour remplir sa mission de tous les temps ei de tous les lieux, il lui falloit une constitution à l'épreuve des années, invariable au milieu des variations de l'esprit humain, au-dessus des atteintes de toute puissance ennemie; il lui falioit un gouvernement ou étranger au monde, ou susceptible d'être combiné avec les formes de gouvernement reçues parmi les hommes; un cuite, enfin, assez simple pour trouver au désert ses pompes, et assez noble pour étonner les peuples civilisés par sa magnificence..Aussi, comme société, l'Eglise puise en son auteur et en elle-mêine sa hiérarchie, son administration, ses droits et ses devoirs comme société de fidèles, elle ne ressemble en rien à ces réunions d'hommes qu'on nomme peuples. Qu'ils parlent des langues différentes, qu'ils naissent républicains ou sujets d'un despote, qu'ils soient soumis aux lois humaines de Lycurgue ou de Numa, de Dracon ou de Buonaparte, les hommes qui ont la même foi, les mêmes pasteurs et le pape pour chef visible, forment cette Eglise catholique toujours une, et par conséquent toujours indépendante.

Car de quel droit le monarque, qui compte quelques millions de catholiques au nombre de ses sujets, étendroit-il son sceptre sur une consti -* tution qui régit tous les catholiques du monde ? L'unité de dogie, de culte et de ministère résiste à tout changement particl; et puisque l'Eglise est fondée sur cette unité, les princes seroient obligés de l'anéantir dans leurs Etats pour avoir droit de la gouverner.

Et d'ailleurs d'où viendroit à la puissance temporelle la jurisdiction sur les choses spirituelles? La foi seroit-elle réglée par des ordonnances humaines? Les pasteurs releveroient-ils par leur

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sacerdoce d'un autre maître, que de celui qui leur a dit, allez, baptisez toutes les nations; et le culte, expression de la foi ou mode d'administration des sacremens, appartiendroit-il au département de l'intérieur ou de la police?

Sans doute, en devenant catholique, l'homme ne cesse point d'être citoyen. Ses nouvelles obliga tions ne font que perfectionner ses devoirs naturels et civils. Mais, de même qu'il ne dépend point des membres de l'Eglise de s'arracher à l'empire légitime du pouvoir et des lois sociales, de même il ne dépend point de ce pouvoir et de ces lois d'attenter aux droits de l'Eglise, afin de l'y soustraire. Auriezvous entendu parler des sénatus-consultes ou des édits impériaux qui défendoient, avant les tyrans persécuteurs, de verser de l'eau sur la tête des nouveau-nés, d'imposer les mains aux hommes d'un âge mûr, d'expliquer un livre de philosophie morale, de rompre un pain sanctifié, d'oindre le front et la poitrine des infirmes d'une huile bénite par un vicillard, d'avouer ses fautes à un ami? Et cependant changez les noms, voilà l'Eglise tout entière. Le bon sens ne justifiera donc jamais l'intervention forcée de la puissance humaine dans un pareil ordre de choses?

La conversion générale des peuples et des rois au christianisme n'altérera point sa divine constitution. Le jour de son triomphe ne pouvoit être le commencement de son esclavage: en héritant de ses prédécesseurs Constantin ne trouva point dans leur succession des droits qu'ils ne possédoient pas. Sa qualité de fils de l'Eglise l'avertissoit qu'il n'en étoit point devenu le maître. S'imaginer qu'il puisa dans son baptême l'étrange privilége d'asservir la société dont on le faisoit membre, ce seroit croire que les mères ton bent sous la tutelle de leurs enfans à l'instant même où elles les mettent au monde.

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