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lomon. Nous rapportons ces opinions moins pour les adopter, que pour montrer que de très-habiles gens y ont donné leur créance, tels que le P. Kircher, jésuite. Ce qu'on peut dire des Ethiopiens, c'est qu'ils ne se soucient guère de la littérature profane, et que par conséquent ils n'ont guère de livres grecs ni latins sur des sujets historiques ou philosophiques, car ils ne s'appliquent qu'à la littérature sacrée, qui fut d'abord extraite des livres grecs, et ensuite traduite dans leur langue. Il sont schismatiques et sectateurs d'Eutychès et de Nestorius.

S V. Bibliothèques arabes.

Les Arabes d'aujourd'hui ne connaissent que bien faiblement les lettres; mais vers le dixième siècle, et surtout sous le règne d'Almanzor, aucun peuple ne les cultivait avec plus de succès. Aux temps d'ignorance qui couvrirent pendant plusieurs années toute l'étendue de l'Arabie, avant Mahomet, le calife Almamon, le premier, fit succéder la vive lumière des sciences chez les Arabes; il fit traduire en leur langue un grand nombre de livres qu'il avait forcé Michel III, empereur de Constantinople, de lui laisser choisir dans sa bibliothèque et dans tout l'empire, après l'avoir vaincu dans une bataille,

S VI.-Maroc, Fez, Alger, Gaza, Damas.

Le roi Manzor ne fut pas moins assidu à cultiver les lettres. Ce grand prince fonda plusieurs écoles et bibliothèques publiques à Maroc, où les Arabes se vantent d'avoir la première copie du Code de Justinien.

Eupennas dit que la bibliothèque de Fez est composée de trente-deux mille volumes, et quelques-uns prétendent que toutes les Décades de Tite-Live s'y trouvent, avec les ouvrages de Pappus d'Alexandrie, fameux mathématicien, ceux d'Hippocrate, de Galien et de plusieurs autres bons auteurs, dont les écrits ne sont pas parvenus jusqu'à nous, ou n'y sont venus que très-imparfaits.

Selon quelques voyageurs, il y a à Gaza une autre belle bibliothèque d'anciens livres, dans la plupart desquels on voit des figures d'animaux et des chiffres à la manière des Égyptiens; ce qui fait présumer que ce sont quelques restes de la bibliothèque d'Alexandrie.

Il y a une bibliothèque à Damas, où François Rosa de Ravenne trouva la philosophie mystique d'Aristote en arabe, qu'il publia dans la suite.

On a vu, par ce que nous avons déjà dit, que la bibliothèque des empereurs grecs' n'a point été conservée, et que celle des sultans est très-peu de chose ; ainsi, ce qu'on trouve à cet égard dans Baudier et d'autres auteurs qui en racontent des merveilles, ne doit point prévaloir sur le récit simple et sincère

qu'ont fait sur le même sujet les savans judicieux envoyés à Constantinople pour essayer de recueillir, s'il était possible, quelques lambeaux de ces précieuses bibliothèques. D'ailleurs, le mépris que les Tures en général ont toujours témoigné pour les sciences des Européens, prouve assez le peu.de cas qu'ils feraient des auteurs grecs et latins; car s'ils les avaient eus en leur possession, on ne voit pas pourquoi ils auraient refusé de les communiquer à la réquisition du premier prince de l'Europe.

§ VII. Perse moderne.

Il y avait anciennement une très-belle bibliothèque dans la ville d'Ardwil en Perse, où résidaient les Mages, au rapport d'Oléarius dans son Itinéraire. La Boulaye-Le-Goux dit que les habitans de Sabea ne se servent que de trois livres, qui sont le livre d'Adam, celui du Divan et l'Alcoran; un écrivain jésuite assure aussi avoir vu une bibliothèque superbe à Alger.

Pour connaître quels sont les manuscrits qu'on a apportés de chez les Grecs en France, en Italie et en Allemagne, et ceux qui restent encore à Constantinople entre les mains de particuliers et dans l'île de Pathmos et les autres îles de l'Archipel, dans le monastère de Saint-Basile à Caffra, anciennement Théodosia, dans la Tartarie Crimée et dans les autres états du Grand Turc, on peut consulter l'excellent traité du P. Possevin, intitulé Apparatus sacer, et la relation

du voyage que fit l'abbé Sevin à Constantinople, en elle est insérée dans les Mémoires de l'Académie des Belles-Lettres, tome vii.

1729;

CHAPITRE TROISIÈME.

EUROPE.

Le grand nombre des bibliothèques, tant publiques que particulières, qui font aujourd'hui un des principaux ornemens de l'Europe, nous amèneraient à des détails qui nous entraîneraient hors du plan que nous nous sommes tracé; nous nous contenterons donc d'indiquer les plus considérables, soit par la quantité, soit par le choix des livres qui les composent,

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L'Angleterre, et encore plus l'Irlande, possédaient de savantes et riches bibliothèques, que les incursions fréquentes des habitans du Nord détruisirent dans la suite. Il'n'y en a point qu'on doive plus regretter que la grande bibliothèque fondée à York par Egbert, archevêque de cette ville; elle fut brûlée avec la cathédrale, le couvent de Sainte-Marie, et plusieurs autres maisons religieuses sous le roi Etienne. Alcuin

parle de cette bibliothèque, dans son épître à l'église d'Angleterre.

Vers ces temps, un nommé Gauthier ne contribua pas peu, par ses soins et par son travail, à fonder la bibliothèque du monastère de Saint-Alban, qui était très-considérable; elle fut pillée, aussi bien qu'une autre, par les pirates danois.

par

La bibliothèque formée dans le douzième siècle Richard de Burg, évêque de Durham, chancelier et trésorier de l'Angleterre, fut aussi fort célèbre. Ce savant prélat n'omit rien pour la rendre aussi complète que le permettait le malheur des temps; et il écrivit lui-même un traité intitulé Philobiblion, concernant le choix des livres, et la manière de former une bibliothèque. Il y représente les livres comme les meilleurs précepteurs, en s'exprimant ainsi : « Hi sunt » magistri, qui nos instruunt sine virgis et ferulis, » sine cholerá, sine pecunia: si accedis, non dor» miunt; si inquiris, non se abscondunt; non obmur» murant, si oberres; cachinnos nesciunt, si ignores. »

L'Angleterre possède aujourd'hui des bibliothèques très-riches en tous genres de littérature et en manuscrits fort anciens. Une des plus remarquables est la bibliothèque Bodleyenne d'Oxford, élevée, si l'on peut se servir de ce terme, sur les fondemens de celle du dục de Humphry et de sir Thomas Bodley, nommé ambassadeur en plusieurs cours européennes, sous le règne de la reine Elisabeth; elle contient aujourd'hui 400,000 volumes imprimés et 25,000 manuscrits. On

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