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été pressés de jouir et de dominer. D'ailleurs, on a beaucoup exagéré ce mépris pour les sciences. Un medressé ou collège pour l'instruction de la jeunesse, et un kithabkhané ou bibliothèque, sont considérés comme des dépendances nécessaires d'un djami ou mosquée du premier ordre. Il y a, à Constantinople, trentecinq bibliothèques publiques, dont la moins considérable renferme plus de mille volumes, et chacune possède un catalogue contenant le titre et un extrait du contenu de chaque volume. Les plus remarquables sont celles de Sainte-Sophié et celle de la mosquée appelée la Solimanie. La plus élégante est celle qui a été fondée par le visir Raghib; mais on n'y trouve guère que de la théologie. Près de cette bibliothèque est une école fondée par le même visir, où cent enfans apprennent à lire. Les Turcs ont leurs poëtes, leurs historiens et leurs théologiens; ils se servent de caractères arabes.

La Porte a donné l'ordre tout récemment de vendre au poids toutes les belles bibliothèques qui sont à Constantinople; on cite, entre autres, celles des princes Moruzi, devenus l'objet de la haine et de la jalousie de ce gouvernement despotique, à cause de leurs richesses, de leur patriotisme et de leurs talens.

Quoiqu'on ne trouve plus maintenant aucun manuscrit grec dans le sérail, il est certain qu'il y en avait plusieurs au 17° siècle. En 1685, M. Girardin, ambassadeur français à la cour ottomane, en acheta quinze des meilleurs par l'entremise du jésuite Bezuier.

Le reste, au nombre de cent quatre-vingts, fut vendu à Constantinople pour 100 livres chaque. S'ils existaient encore dans quelques bibliothèques, il serait facile de les reconnaître par les armes et le cachet du sultan, apposés sur tous les ouvrages qui font partie de la bibliothèque. Les quinze manuscrits que se procura l'ambassadeur français furent envoyés à Paris. L'un d'eux était une copie, sur vélin, de tous les ouvrages de Plutarque; elle fut revue et vérifiée par Wystenbach, qui en fait un grand éloge. Il s'y trouvait aussi une copie d'Hérodote, dont Larcher fait mention. Il paraît que la bibliothèque fut volée vers l'année 1638; car Gravius (Greaves, Anglais) acheta plusieurs manuscrits qu'on lui assura avoir fait partie de la collection du sérail. Il existait aussi, à Constantinople, en 1678, une traduction arabe d'un ouvrage d'Aristote, qu'on croyait perdu. Il y a dans le sérail plusieurs autres bibliothèques, mais l'accès en est constamment défendu. On sait qu'il s'y trouve actuel– lement 1,294 manuscrits, la plupart écrits en arabe, ou traduits dans cette langue du turc et du persan. Ils traitent de théologie, de jurisprudence, de logique, de philosophie, de physique, de grammaire, d'histoire, de philologie et de belles-lettres.

croix

L'édifice qui renferme ces livres a la forme d'une grecque; une des branches sert de vestibule, et les trois autres, ainsi que le centre, forment le corps de la bibliothèque. Dans le vestibule, au-dessus de la porte des salles intérieures, on lit les mots suivans en

arabe: « Entrez en paix. » Il y a douze armoires renfermant des livres, avec portes à deux battans, garmies d'un treillis d'un travail curieux.

SII. - Bibliothèques chinoises.

Il est certain que toutes les nations cultivent les sciences, les unes plus, les autres moins; mais il n'en est aucune où le savoir soit plus estimé que chez les Chinois. Chez ce peuple on ne peut parvenir au moindre emploi qu'on ne soit savant, du moins par rapport au commun de la nation. Ainsi, ceux qui veulent figurer dans le monde sont indispensablement obligés de s'appliquer à l'étude. Il ne suffit pas chez eux d'avoir la réputation de savant, il faut l'être réellement afin de pouvoir parvenir aux dignités et aux honneurs, chaque candidat étant obligé de subir trois examens très-sévères, qui répondent à nos trois degrés de bachelier, licencié et docteur.

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De cette nécessité d'étudier, il s'en suit qu'il doit y avoir en Chine un nombre infini de livres et d'écrits; et que par conséquent les gens riches chez eux doivent avoir formé de grandes bibliothèques.

En effet, les historiens rapportent qu'environ deux cents ans avant J.-C., Chingius, ou Xius, empereur de la Chine, ordonna que tous les livres du royaume (dont le nombre était presqu'infini) fussent brûlés, à l'exception de ceux qui traitaient de la médecine, de l'agriculture et de la divination; s'imaginant par là faire

oublier les noms de ceux qui l'avaient précédé, et que la postérité ne pourrait plus parler que de lui; ses ordres ne furent pas exécutés avec tant de soin, qu'une femme ne pût sauver les ouvrages de Mencius Confucius, surnommé le Socrate de la Chine, et de plusieurs autres, dont elle colla les feuilles contre le mur de sa maison, où elles restèrent jusqu'à la mort du tyran.

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C'est par cette raison que ces ouvrages passent pour être les plus anciens de la Chine, et surtout ceux de Confucius, pour qui ce peuple a une extrême vénération. Ce philosophe laissa neuf livres qui sont, pour ainsi dire, la source de la plupart des ouvrages qui ont paru depuis son temps à la Chine, et qui sont si nombreux qu'un seigneur de ce pays (au rapport du père Trigault), s'étant fait chrétien, employa quatre jours à brûler ses livres, afin de ne rien garder qui sentît les superstitions des Chinois. Spizellius, dans son livre de re litteraria Sinensium, dit qu'il y a sur le mont Lingumen une bibliothèque de plus de trente mille volumes, tous composés par des auteurs chinois, et qu'il n'y en a guère moins dans le temple de Venchung, proche l'école royale.

§ III. Bibliothèques japonaises.

Il y a plusieurs belles bibliothèques au Japon, car les voyageurs assurent qu'il y a dans la ville de Narad un temple magnifique dédié à Xaca, le sage du Pro

phète et le législateur du pays, et qu'auprès de ce temple, les bonzes ou prêtres ont leurs appartemens, dont un est soutenu par vingt-quatre colonnes, et contient une bibliothèque remplie de livres du haut en bas.

S IV. AFRIQUE. — Bibliothèque éthiopienne.

Tout ce que nous avons dit est peu de chose en comparaison de la bibliothèque qu'on disait être dans le monastère de la Sainte-Croix, sur le mont Amara en Ethiopie. L'histoire nous dit qu'Antoine Briens et Laurent de Crémone furent envoyés dans ce pays par Grégoire XIII pour voir cette fameuse bibliothèque, qui est divisée en trois parties, et contient en tout dix millions cent mille volumes, tous écrits sur de beau parchemin et gardés dans des étuis de soie. On ajoute que cette bibliothèque doit son origine à la reine de Saba, qui, lorsqu'elle visita Salomon, reçut de lui un grand nombre de livres, particulièrement ceux d'Enoch sur les élémens et sur d'autres sujets philosophiques, avec ceux de Noé sur des sujets de mathématiques et sur le rit sacré, ainsi que ceux qu'Abraham composa dans la vallée de Mambré, où il enseigna la philosophie à ceux qui l'aidèrent à vaincre les rois qui avaient fait prisonnier son neveu Lot. On y trouvait aussi les livres de Job, aussi bien que les livres d'Esdras, des Sibylles, des Prophètes et des grands-prêtres des Juifs, outre ceux qu'on suppose avoir été écrits par la reine de Saba, et par son fils Memilech, qu'elle eut, dit-on, de Sa

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