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même deux grandes bibliothèques, l'une à Constantinople et l'autre à Antioche, sur les frontispices desquelles il fit graver:

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« Alii quidem equos amant, alii aves,

alii feras; mihi verò à puerulo mirandum acquirendi et possidendi libros insedit desi>> derium. »

Théodose le jeune ne fut pas moins soigneux à augmenter la bibliothèque de Constantin-le-Grand; elle ne contenait d'abord que six mille volumes, mais par ses soins et sa magnificence, il s'y en trouva en peu de temps cent mille. Léon l'Isaurien en fit brûler plus de la moitié, afin de détruire les monumens qui auraient pu déposer contre son hérésie pour le culte des images. C'est dans cette bibliothèque que fut déposée la copie authentique du premier concile général de Nicée. Zonare et Cédrène racontent que sous l'empereur Bazile cette bibliothèque renfermait 120,000 volumes. Elle fut brûlée par les Iconoclastes. L'Iliade et l'Odyssée d'Homère y figuraient, écrites en lettres d'or sur un boyau de dragon de la longueur de cent vingt pieds. Il y avait aussi, selon quelques auteurs, une copie des évangiles dont la couverture était une plaque d'or du poids de quinze livres, enrichie de pierreries.

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I

Zonare, historien grec, vivait au seizième siècle; il a composé des annales qui vont jusqu'à la mort d'Alexis Commène, en 1118. La meilleure édition de ces annales est celle du Louvre, 1686-1687, 2 vol. in-fol., qui font partie de la Bysantinę, etc., etc,

Les barbares qui inondèrent l'Europe, détruisirent les bibliothèques et les livres en général; ignorans et grossiers, incapables de sentir tout le charme de la littérature et d'apprécier les chefs-d'œuvre des arts, leur fureur brutale a causé la perte irréparable d'un nombre infini d'excellens ouvrages.

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Le premier de ce temps-là, qui eût du goût pour les lettres, fut Cassiodore, favori et ministre de Théodoric, roi des Goths qui s'établirent en Italie, et qu'on nomma communément Ostrogoths. Cassiodore, fatigué du poids du ministère, se retira dans un couvent qu'il fit bâtir, où il consacra le reste de ses jours à la prière et à l'étude : il y fonda une bibliothèque pour l'usage des moines, compagnons de sa solitude. Ce fut à peu près dans le même temps que le pape Hilaire, premier du nom, fonda deux bibliothèdans l'église de Saint-Étienne, et que le pape Zacharie I, selon Platina, rétablit celle de Saint-Pierre. Quelque temps après, Charlemagne fonda la sienne à l'île Barbe, près de Lyon. Paradin dit qu'il l'enrichit d'un grand nombre de livres magnifiquement reliés ; et Sebellicus, aussi bien que Palmerius, assurent qu'il y mit entre autres un manuscrit des œuvres de saint Denis, dont l'empereur de Constantinople lui avait fait présent. Il fonda encore en Allemagne plusieurs colléges avec des bibliothèques pour l'instruction de la. jeunesse, entre autres, une à Saint-Gall en Suisse, qui était fort estimée. Le roi Pépin en avait fondé une à Fulde par le conseil de saint Bonifacé, l'apôtre de

l'Allemagne; ce fut dans ce célèbre monastère que Ra

ban-Maur ét Hildebert vécurent et étudièrent dans le même temps. Il y avait une autre bibliothèque à la Wrissen, près de Worms; mais celle que Charlemagne fonda dans son palais à Aix-la-Chapelle, surpassa toutes les autres; cependant il ordonna, avant de mourir, qu'on la vendît pour en distribuer le prix aux pauvres. Louis-le-Débonnaire, son fils, lui succéda à l'empire et à son amour pour les arts et les sciences qu'il protégea de tout son pouvoir.

CHAPITRE DEUXIÈME.

BIBLIOTHÈQUES MODERNES D'Asie et d'Afriqué.

SIer. ASIE.-Bibliothèques turques.

Il semble qu'au XIe siècle les sciences se soient réfugiées auprès de Constantin-Porphyrogénète, empereur de Constantinople. Ce grand prince, conservant dans son âme quelques restes de l'ancienne splendeur des Romains, se montra le protecteur des sciences et des arts qu'il encouragea de tout son pouvoir; exemple que ses sujets s'empressèrent de suivre, en cultivant les lettres. Aussi parut-il alors en Grèce plusieurs savans qui, attirés par la réputation du souve

rain, vinrent chercher à l'abri de son trône un appui que l'Europe encore ignorante n'accordait que faiblement au génie.

L'empereur, toujours porté à chérir les sciences, choisit parmi ces hommes ceux qu'il jugea les plus capables de lui rassembler de bons livres dont il forma une bibliothèque publique, à l'arrangement de laquelle il travailla lui-même. Les choses furent en cet état jusqu'à ce que les Turcs se rendirent maîtres de Constantinople. Aussitôt, les sciences forcées d'abandonner la Grèce, se réfugièrent en Italie, en France et en Allemagne, où on les reçut à bras ouverts; et bientôt la lumière commença à se répandre sur le reste de l'Europe, qui avait été ensevelie pendant long-temps dans les ténèbres de l'ignorance la plus grossière.

La bibliothèque des empereurs grecs de Constantinople n'avait pourtant pas été anéantie à la prise de cette ville par Mahomet II. Au contraire, ce sultan avait ordonné très-expressément qu'elle fut conservée, et elle le fut en effet, après avoir été seulement transférée dans quelques appartemens du sérail, jusqu'au règne d'Amurath IV, où ce prince, quoique mahométan peu scrupuleux, dans un violent accès de dévotion, sacrifia tous les livres de la bibliothèque grecque à la haine implacable dont il était animé contre les chrétiens; c'est là tout ce qu'en put apprendre M. l'abbé Sevin, lorsque par ordre du roi, il fit en 1729 le voyage de Constantinople, dans l'espérance de pénétrer jusque dans la bibliothèque du Grand-Seigneur, et

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d'en obtenir des manuscrits pour enrichir celle du roi. Quant à la bibliothèque du sérail, elle fut commencée par le sultan Sélim, le conquérant de l'Égypte, et qui, tout barbare qu'il était, aimait cependant les lettres: mais elle n'était composée que de trois ou quatre mille volumes, turcs, arabes ou persans, sans nul manuscrit grec. Le prince de Valachie, Maurocordato, en avait beaucoup recueilli de ces derniers, et il s'en trouve de répandus dans les monastères de la Grèce : mais il paraît qu'on ne faisait guère de cas de ces précieux morceaux, dans un pays où les sciences et les beauxarts ont fleuri pendant si long-temps.

Les Turcs se sont mêlés à tant de peuples différens, que leur langue a emprunté des expressions à une foule d'idiomes. Ils ne sont pas sans littérature. Il avait été souvent question d'établir une imprimerie à Constantinople, mais les copistes s'étaient toujours opposés, et long-temps d'une manière victorieuse, à l'introduction d'un art qui devait leur faire perdre un état d'où dépendait leur existence; cependant à la fin le gouvernement l'a autorisé, et un assez grand nombre de livres en langue turque sont déjà imprimés.

Suivant Thornton, l'arrogance des Turcs et leur mépris pour la littérature ne viennent pas de la différence de leur religion, qui a produit des effets tout différens chez les Persans et les Arabes; la principale cause de cette brutalité est que les Turcs ont retenu le caractère de leurs ancêtres, pasteurs ignorans et barbares, qui, après avoir conquis des contrées riches et civilisées, ont

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