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de 14,000 volumes imprimés, et de 2,000 manuscrits, dont le plus grand nombre, très-curieux. Le plus rare était le recueil de Godefroy, consistant en 500 cartons, où se trouve un nombre prodigieux de pièces, de mémoires, de lettres originales de papes, de rois, de princes, de ministres, depuis le règne de Philippele-Bel jusqu'à celui de Louis XIV, sans compter près de 100 grands cartons remplis de cartes géographiques, d'estampes, de plans de villes; plus de 500 portefeuilles, contenant des pièces fugitives imprimées, sur toutes sortes de matières; et près de 20,000 pièces en parchemin, médailles et jetons. MM. les prévôts des marchands et échevins, sentant combien un pareil établissement, formé sous leurs auspices, était glorieux pour eux et digne de leur amour pour les lettres, s'empressèrent de concourir aux vues de feu M. Morieau; mais n'y ayant pas encore de local à l'Hôtel-de-Ville, capable de contenir cette bibliothèque, on la plaça à l'hôtel de Lamoignon, rue Pavée, au Marais. Il s'agissait d'arranger toutes ces diverses parties, d'en faire le catalogue, de tenir registre des imperfections, en un mot de mettre ce trésor en état d'être un bien public.

M. de Pontcarré de Viarmes avait prudemment jeté les yeux sur M. Bonamy, pour le charger du soin et de l'arrangement de cette bibliothèque. Cet homme savant qui, par ses talens littéraires et la manière brillante dont il avait rempli les diverses fonctions auxquelles il avait été appelé, avait mérité la qualité de

pensionnaire de l'Académie royale des belles-lettres, et le titre d'historiographe, fut en effet le premier bibliothécaire de cette bibliothèque, et nommé, par délibération du bureau de la ville, le 11 septembre 1760.

M. Bonamy employa les dernières années de sa vie à donner à cette collection une forme régulière et commode au public; M. Ameilhon, sous-bibliothécaire, ne cessa de partager ses soins et ses travaux pendant 16 ans. La nouvelle bibliothèque, à laquelle M. Bonamy avait joint deux mille volumes qui composaient son cabinet, quelque précieuse qu'elle fût, n'était encore que le noyau de celle qui devait un jour devenir digne de la splendeur et de l'étendue de la capitale de la France; de même que Paris, qui, sous son nom de Lutèce, reconnaissait d'abord plusieurs autres villes supérieures à elle; sans doute, comme elle, la bibliothèque, qui en est une dépendance, prendra les mêmes accroissemens. Cette bibliothèque fut ouverte au public, pour la première fois, le 13 avril 1763.

M. Bonamy, inspiré par le génie de notre ville, en avait tracé le caractère dans un distique qu'il avait proposé d'inscrire sur la porte d'entrée, et que voici :

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Corporis immensi dum victum et commoda curat,

Hic animis doctas urbs quoque pandit opes.

Il avait fourni une assez longue carrière, sans écart ni lassitude; ses dernières années ne différaient des premières que par la douce facilité que donne à la vertu une longue et constante habitude. Aussi ferme

dans le bien que complaisant dans le commerce de la vie, tendre à l'égard de ses amis, et obligeant envers tous les hommes, tel fut M. Bonamy.

Il ne faut pas qu'on s'imagine qu'un bibliothécaire public ne soit, en raison d'un savant, que ce qu'est, par rapport à un livre, la table des matières; il ne suffit pas pour lui de connaître sa bibliothèque, il faut qu'il soit lui-même une espèce de bibliothèque vivante. Sans parler de la bibliographie qui, grâce à l'activité infatigable de la presse, devient tous les jours une plus vaste nomenclature, il a besoin d'une érudition assez variée, pour n'être étranger à aucun genre de savoir; d'une érudition qui embrasse assez de détails pour qu'il soit en état d'indiquer à ceux qui viennent le consulter sur les ouvrages qu'ils entreprennent, les sources où ils peuvent puiser; d'une sagacité rare pour deviner les énigmes des consultans, et redresser leurs àpeu-près; d'une politesse, d'une patience à toute épreuve, pour écouter, sans rire, des questions ridicules; pour apprendre aux ignorans ce qu'ils doivent demander; pour leur prêter son savoir, et les renvoyer satisfaits de celui qu'ils s'attribuent: toutes ces qualités se trouvèrent dans M. Bonamy. Il mourut, à Paris, le 8 juillet 1770.

M. Ameilhon (Hubert-Pascal), né à Paris le 5 avril 1730, censeur à l'Académie royale des inscriptions et belles-lettres, membre de la légion-d'honneur, de l'Institut de France, etc., succéda à M. Bonamy, dans la place d'historiographe et de bibliothécaire de la

ville, emploi qu'il occupa jusqu'en 1797, époque à laquelle il fut appelé à celle d'administrateur perpétuel de la bibliothèque de l'Arsenal, où il est décédé le 14 novembre 1811.

De l'hôtel Lamoignon, la bibliothèque de la ville fut transférée dans la maison de Saint-Louis (collége Charlemagne, rue Saint-Antoine). On y joignit les bibliothèques de MM. Gilles Ménage, Charles Guyet et Pierre Daniel, et elle fut ouverte dans ce nouveau local, le 16 juin 1773, où elle resta intacte jusqu'en 1793, qu'elle prit le nom de Bibliothèque de la Commune, nom qu'elle garda jusqu'au moment où elle a été transférée à l'Institut, pour remplacer celle qui y était auparavant, et qui avait disparu dans ces temps d'orages et de persécution.

C'est dans cette bibliothèque (aujourd'hui de l'Institut) que M. Ameilhon puisa ses premières connaissances en bibliographie. Aussi, pénétré de l'utilité immense des bibliothèques, porta-t-il toute son attention et ses soins à la conservation de ces précieux dépôts. Une grande partie des bibliothèques publiques se sont enrichies, par ses soins, des meilleurs ouvrages sur la littérature ancienne; et il veilla à leur conservation avec autant de zèle que de désintéressement. Sa conduite mérite d'autant plus d'éloges que c'était à une époque où, pour défendre la cause des bonnes-letil fallait lutter contre un genre de scytalisme'

'Sur ce parallèle, voyez Diodor. Sicul., Hist. lib. XV, p. 487, s. 58.

bien plus barbare, que celui dont Diodore de Sicile nous a laissé l'histoire, puisqu'il ne s'agissait de rien moins que d'anéantir en France les sources premières des connaissances humaines, pour ne plus répandre, au détriment de tous les autres genres de littérature, que les productions dégénérées de la seule langue qui ait jamais préconisé ses fureurs.

M. Ameilhon a déployé une partie de ses connaissances bibliographiques, en rectifiant le système de la classification des livres. Ce savant n'attendait pas qu'on vînt l'interroger : il cherchait lui-même à connaître le genre auquel on s'appliquait, et bien souvent il révélait à l'auteur des sources inconnues; on pourrait citer plusieurs ouvrages qui sont le fruit de recherches considérables, et qui sont nés dans les cabinets de la bibliothèque de l'Arsenal; entre autres, nous indiquerons l'Histoire de la Diplomatie, par M. de Flassan.

M. Bouquet, avocat au parlement, a été historiographe et bibliothécaire de la ville, avec M. Ameilhon, depuis 1773 jusqu'en 1781; ensuite il y resta seul jusqu'en 1797, où il a passé à celle de l'Arsenal ( ou de MONSIEUR).

M. Nicoleau (Pierre) fut ensuite nommé bibliothécaire de cette bibliothèque, devenue celle de l'Ecole centrale de la rue Saint-Antoine; et, par suite, lors de la suppression des écoles à Paris, cette bibliothèque, qui avait repris son ancien titre en l'an 13 (Bibliothèque de la ville), fut transportée dans l'hôtel des

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