Page images
PDF
EPUB

pouces de haut sur six pouces de large; il représente en bas-relief un combat entre les Turcs et les Polonais, lorsque Jean Sobieski les obligea de décamper de devant Vienne qu'ils avaient assiégée. Ce vase a été trouvé par M. de Lowendhal.

DESCRIPTION DE DEUX BOUCLIERS VOTIFS, PLACÉSs dans ce cabinet.

[merged small][ocr errors]

On voit dans ce même cabinet deux magnifiques boucliers d'argent, destinés sans doute à être suspendus dans les temples; le premier fut trouvé dans le Rhône, en 1656, par des pêcheurs d'Avignon. Ce fameux bouclier votif', que M. Spon a fait graver dans ses recherches d'antiquités, représente une action mémorable de la continence du jeune Scipion, qui ne lui a pas fait moins d'honneur que toutes ses conquêtes. Lorsque ce jeune héros eut pris d'assaut Carthage-la-Neuve (Carthago nova), aujourd'hui Carthagène, l'an 210 avant J.-C., on lui amena parmi les captives une jeune personne d'une rare beauté. Quoique sensible aux traits de l'amour, il n'abusa point de son triomphe; dès qu'il sut qu'elle était promise au jeune Allutius, prince des Celtibériens en Es

'On donne ordinairement le nom de bouclier votif à ceux qui, par leur forme ou leur grandeur, et plus encore par la richesse de leur matière, paraissent n'avoir jamais été d'aucun usage dans les combats, mais avoir uniquement été faits dans l'intention de les offrir aux dieux, pour les remercier d'une victoire remportée.

pagne, il respecta les prémices de leur union, et n’usa des droits de la victoire, que pour joindre, aux charmes et à la dot de la princesse, tout ce que ses parens lui avaient apporté pour le prix de sa rançon; il la remit entre les mains de son père et de son amant, et dit à ce dernier : Je vous l'ai gardée avec soin, pour que le présent que je voulais vous en faire fût digne de vous et de moi : soyez ami de la République, voilà toute la reconnaissance que j'exige de vous.

Les peuples témoins d'une action si vertueuse et si pure, la consacrèrent sur un bouclier votif, et Scipion ne put refuser ce monument de leur reconnaissance et de leur admiration, auquel la gloire de Rome même était intéressée. Il est très-présumable qu'au retour de l'expédition, le bouclier de Scipion périt au passage du

Rhône.

Ce bouclier s'est très-bien conservé sous le sable de ce fleuve, et peut-être mieux que s'il eût été placé dans aucun des temples auquel il pouvait être destiné; il est d'argent pur et parfaitement rond; il a vingt-six pouces de diamètre, et pèse quarante-deux marcs; le goût naïf et tout uni qui règne dans le dessin, dans les attitudes et dans les contours des figures, fait connaître la manière simple de ce siècle.

Comme ce bouclier était couvert d'un limon endurci, qui l'avait rendu extrêmement noir, les pêcheurs qui le trouvèrent crurent qu'il était de fer; un orfèvre, à qui ils le firent voir, les entretint dans cette erreur pour en tirer un meilleur parti; et en effet, ils le lui

à

donnèrent pour peu de chose. L'orfèvre l'ayant nettoyé et poli, n'osa le produire en entier, il le coupa en quatre, et fit passer chaque morceau en différentes villes; celui qu'il envoya à Lyon, y fut porté à un curieux nommé Mey, qui fit revenir et souder les trois autres. Après la mort de cette personne, le bouclier passa son gendre, fameux négociant de la même ville, mais qui, par la suite, éprouva tant de disgrâces dans le commerce, que ce même bouclier, qu'on qualifiait alors de médaillon, devint une de ses plus grandes ressources. Il l'adressa au P. de La Chaise (en 1697), qui le fit acheter au roi'.

Description du second bouclier.

Bouclier d'Annibal.

Ce second bouclier votif semble avoir appartenu à Annibal; il est très-bien conservé, exactement rond, à peu près de la même grandeur et du même poids que le précédent; il a vingt-sept pouces de diamètre, et pèse quarante-trois marcs; mais il n'est pas, à beaucoup près, aussi chargé de figures et d'ornemens. On y a seulement représenté, au centre, un lion sous un palmier; et au bas, dans une espèce d'exergue, les membres épars de divers animaux, surtout de sangliers.

En 1714, un fermier de la terre de Passage en Dau

Voyez Mém. de l'acad. des Belles-Lettres, tome I, page 183, et tome IX, page 154.

phiné, près de Vienne, en labourant son champ, eut sa charrue accrochée par une grosse pierre, dont l'ébranlement rendit quelque son; il employa le reste de la journée à l'enlever, et en étant enfin venu à bout, il trouva au-dessous le bouclier dont il est question. Il le porta le soir même au seigneur du lieu (Gallien de Chabons, conseiller au parlement de Grenoble), qui, ravi d'une aussi belle découverte, donna sur-lechamp à son fermier quittance d'une année entière de sa ferme, lui recommandant seulement le secret sur la découverte et sur la récompense; ensuite il renferma précieusement ce bouclier, qu'il appelait une table de sacrifice, dans une armoire de la sacristie de la chapelle, et l'on n'en eut connaissance qu'après sa mort. Ses héritiers apprirent alors toute l'histoire par son livre de raison, où il avait écrit que, si jamais on se défaisait de cette antiquité, il fallait que ce fût pour avoir en échange un fonds capable d'entretenir un chapelain au château de Passage. Ils résolurent de suivre cet ordre testamentaire; ils envoyèrent le bouclier, toujours appelé table de sacrifice, à M. de Boze , pour savoir s'il conviendrait au cabinet du roi. S. M. l'agréa, le fit payer le double de sa valeur intrinsèque, et il fut placé à côté de celui de Scipion'.

Il paraît bien étonnant que deux monumens de cette espèce, si rares aujourd'hui, les deux seuls même que l'on connaisse, l'un fait en Afrique, l'autre

Voyez Histoire de l'académie des Belles Lettres, tome IX, p. 156.

en Espagne, l'un pour le plus redoutable des Carthaginois, l'autre pour le vainqueur de Carthage, se soient comme rassemblés dans un même canton des Gaules si éloigné, et y aient été trouvés au bout de près de deux mille ans, pour être réunis dans un des cabinets du monde le plus digne de les posséder, et le plus propre à les conserver.

On remarque encore dans ce dépôt une patère d'or, trouvée en mars 1774, dans la ville de Rennes ; elle a 9 pouces 5 lignes de diamètre, et pèse 5 marcs 3 onces et quelques grains. Au centre de la patère est un bas-relief représentant un défi, entre Hercule et Bacchus, à qui boira le plus. Le limbe est orné de seize couronnes ou encadremens, où sont enchâssées autant de médailles antiques en or. On trouve une ample description et une gravure de cette patère, de son bas-relief et des seize médailles qui l'entourent, dans le premier volume, page 225, des Monumens de Millin.

Depuis la révolution, on a transféré, dans ce dépôt, les antiquités contenues dans le trésor de la Sainte-Chapelle du Palais de Paris; antiquités dont fait partie le célèbre camée en agate onyx, représentant l'apothéose d'Auguste. Il n'existe dans aucun cabinet de l'Europe un camée d'une aussi grande dimension: sa longueur est d'environ 1 pied, et sa largeur de 10 pouces ; brisé au 7 mars 1618, il fut réparé en 1810; enlevé par des voleurs, on parvint heureusement à le retrouver quelques mois après.

« PreviousContinue »