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rel de la guerre. Dumouriez, malgré ses fautes, malgré ses distractions à Grand-Pré, malgré sa négligence au moment de la retraite, n'en fut pas moins le sauveur de la France, et d'une révolution qui a peut-être avancé l'Europe de plusieurs siècles. C'est lui qui, s'emparant d'une armée désorganisée, défiante, irritée, lui rendant l'ensemble et la confiance, établissant sur toute cette frontière l'unité et la vigueur, ne désespérant jamais au milieu des circonstances les plus désastreuses, donnant après la perte des défilés un exemple de sang-froid inouï, persistant dans ses premières idées de temporisation malgré le péril, malgré son armée et son gouvernement, d'une manière qui prouve la vigueur de son jugement et de son caractère; c'est lui, disons-nous, qui sauva notre patrie de l'étranger et du courroux contre-révolutionnaire, et donna l'exemple si imposant d'un homme sauvant ses concitoyens malgré eux-mêmes. La conquête, si vaste qu'elle soit, n'est ni plus belle ni plus morale.

CHAPITRE III.

tions de la commune.

mune.

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Nouveaux massacres des prisonniers à Versailles. Abus de pouvoir et dilapida- Élections des députés à la convention. — Composition de la députation de Paris. — Position et projets des girondins; caractère des chefs de ce parti; du fédéralisme. État du parti parisien et de la comOuverture de la convention nationale le 20 septembre 1792; abolition de la royauté; établissement de la république. Première lutte des girondins et des montagnards; dénonciation de Robespierre et de Marat. — Déclaration de l'unité et de l'indivisibilité de la république. Distribution et forces des partis dans la convention. tif. - Danton quitte son ministère. tifs, et du comité de constitution.

Changements dans le pouvoir exécuCréation de divers comités administra

pu

Tandis que les armées françaises arrêtaient la marche des coalisés, Paris était toujours dans le trouble et la confusion. On a déjà été témoin des débordements de la commune, des fureurs si prolongées de septembre, de l'impuissance des autorités et de l'inaction de la force blique, pendant ces journées désastreuses: on a vu avec quelle audace le comité de surveillance avait avoué les massacres, et en avait recommandé l'imitation aux autres communes de France. Cependant les commissaires envoyés par la commune avaient été partout repoussés, parce que la France ne partageait pas les fureurs que le danger avait excitées dans la capitale. Mais dans les environs de Paris, tous les meurtres ne s'étaient pas bornés à ceux dont on a déjà lu le récit. Il s'était formé dans cette ville une troupe d'assassins que les massacres de septembre avaient familiarisés avec le sang, et qui avaient

besoin d'en répandre encore. Déjà quelques cents hommes étaient partis pour extraire des prisons d'Orléans les accusés de haute-trahison. Ces malheureux, par un dernier décret, devaient être conduits à Saumur. Cependant leur destination fut changée en route, et ils furent acheminés vers Paris. Le 9 septembre on apprit qu'ils devaient arriver le 10 à Versailles. Aussitôt, soit que de nouveaux ordres fussent donnés à la bande des égorgeurs, soit que la nouvelle de cette arrivée suffit pour réveiller leur ardeur sanguinaire, ils envahirent Versailles du 9 au 10. A l'instant le bruit se répandit que de nouveaux massacres allaient être commis. Le maire de Versailles prit toutes les précautions pour empêcher de nouveaux malheurs. Le président du tribunal criminel courut à Paris avertir le ministre Danton du danger qui menaçait les prisonniers; mais il n'obtint qu'une réponse à toutes ses instances: Ces hommes-là sont bien coupables.

Soit, ajouta le président Alquier, mais la loi seule doit en faire justice.-Eh! ne voyez-vous pas, reprit Danton d'une voix terrible, que je vous aurais déjà répondu d'une autre manière si je le pouvais! Que vous importent ces prisonniers? Retournez à vos fonctions et ne vous occupez plus d'eux....

Le lendemain, les prisonniers arrivèrent à Versailles. Une foule d'hommes inconnus se précipitèrent sur les voitures, parvinrent à les entourer et à les séparer de l'escorte, renversèrent de cheval le commandant Fournier, enlevèrent le maire, qui voulait généreusement se faire tuer à son poste, et massacrèrent les infortunés prisonniers, au nombre de cinquante-deux. Là périrent Delessart et d'Abancour, mis en accusation comme ministres, et Brissac, comme chef de la garde constitutionnelle, licenciée sous la législative. Immédiatement après cette exécution, les assassins coururent aux prisons de la ville, et renouvelèrent les scènes des premiers jours de septem

bre, en employant les mêmes moyens, et en parodiant, comme à Paris, les formes judiciaires. Ce dernier événement, arrivé à cinq jours d'intervalle du premier, acheva de produire une terreur universelle. A Paris, le comité de surveillance ne ralentit point son action : tandis que les prisons venaient d'être vidées par la mort, il recommença à les remplir en lançant de nouveaux mandats d'arrêt. Ces mandats étaient en si grand nombre, que le ministre de l'intérieur, Roland, dénonçant à l'assemblée ces nouveaux actes arbitraires, put en déposer cinq à six cents sur le bureau, les uns signés par une seule personne, les autres par deux ou trois au plus, la plupart dépourvus de motifs, et beaucoup fondés sur le simple soupçon d'incivisme.

Pendant que la commune exerçait sa puissance à Paris, elle envoyait des commissaires dans les départements pour y justifier sa conduite, y conseiller son exemple, y recommander aux électeurs des députés de son choix, et y décrier ceux qui la contrariaient dans l'assemblée législative. Elle se procurait ensuite des valeurs immenses, en saisissant les sommes trouvées chez le trésorier de la liste civile, Septeuil, en s'emparant de l'argenterie des églises et du riche mobilier des émigrés, en se faisant délivrer enfin par le trésor des sommes considérables, sous le prétexte de soutenir la caisse de secours, et de faire achever les travaux du camp. Tous les effets des malheureux massacrés dans les prisons de Paris et sur la route de Versailles avaient été séquestrés, et déposés dans les vastes salles du comité de surveillance. Jamais la commune ne voulut représenter ni les objets, ni leur valeur, et refusa même toute réponse à cet égard, soit au ministre de l'intérieur, soit au directoire du département, qui, comme on sait, avait été converti en simple commission de contributions. Elle fit plus encore, et elle se mit à vendre de sa propre autorité le mobilier des grands hôtels, sur les

quels les scellés étaient restés apposés depuis le départ des propriétaires. Vainement l'administration supérieure lui faisait-elle des défenses: toute la classe des subordonnés chargée de l'exécution des ordres, ou appartenait à la municipalité, ou était trop faible pour agir. Les ordres ne recevaient ainsi aucune exécution.

La garde nationale, recomposée sous la dénomination de sections armées, et remplie d'hommes de toute espèce, était dans une désorganisation complète. Tantôt elle se prêtait au mal, tantôt elle le laissait commettre par négligence. Des postes étaient complètement abandonnés, parce que les hommes de garde, n'étant pas relevés, même après quarante-huit heures, se retiraient épuisés de dégoût et de fatigue. Tous les citoyens paisibles avaient quitté ce corps, naguère si régulier, si utile; et Santerre, qui le commandait, était trop faible et trop peu intelligent pour le réorganiser.

La sûreté de Paris était donc livrée au hasard; et d'une part la commune, de l'autre la populace, y pouvaient tout entreprendre. Parmi les dépouilles de la royauté, les plus précieuses, et par conséquent les plus convoitées, étaient celles que renfermait le Garde-Meuble, riche dépôt de tous les effets qui servaient autrefois à la splendeur du trône. Depuis le 10 août, ce dépôt avait éveillé la cupidité de la multitude, et plus d'une circonstance excitait la surveillance de l'inspecteur de l'établissement. Celui-ci avait fait réquisitions sur réquisitions pour obtenir une garde suffisante; mais soit désordre, soit difficulté de suffire à tous les postes, soit enfin négligence volontaire, on ne lui fournissait point les forces qu'il demandait. Pendant la nuit du 16 septembre, le Garde-Meuble fut volé, et la plus grande partie de ce qu'il contenait passa dans des mains inconnues, que l'autorité fit depuis d'inutiles efforts pour découvrir. On attribua ce nouvel événement aux hommes qui avaient secrètement ordonné

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