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portée; il était bouillant et généreux. M. de Lescure se mit alors à la tête de ses paysans, qui vinrent se réunir à lui, et tous ensemble se rassemblèrent à Bressuire pour marcher sur Thouars. Les femmes de tous les chefs distribuaient des cocardes et des drapeaux; on s'exaltait par des chants, on marchait comme à une croisade. L'armée ne traînait point avec elle de bagages; les paysans, qui ne voulaient jamais rester long-temps absents, portaient avec eux le pain nécessaire à la durée de chaque expédition, et, dans les cas extraordinaires, les paroisses averties préparaient des vivres pour ceux qui en manquaient. Cette armée se composait d'environ trente mille hommes, et fut appelée la grande armée royale et catholique. Elle faisait face à Angers, Saumur, Doué, Thouars et Parthenay. Entre cette armée et celle du Marais, commandée par Charette, se trouvaient divers rassemblements intermédiaires, dont le principal, sous les ordres de M. de Royrand, pouvait s'élever à dix ou douze mille hommes.

Le grand rassemblement commandé par MM. de Bonchamps, d'Elbée, de Lescure, de Larochejacquelein, Cathelineau, Stofflet, arriva devant Thouars le 3 mai, et se prépara à l'attaquer dès le 4 au matin. Il fallait traverser le Thoué, qui entoure la ville de Thouars presque de toutes parts. Le général Quétineau fit défendre les passages. Les Vendéens canonnèrent quelque temps avec l'artillerie qu'ils avaient prise aux républicains, et tiraillèrent sur la rive avec leur succès accoutumé. M. de Lescure voulant alors décider le passage, s'avance au milieu des balles, dont son habit est criblé, et ne peut entraîner qu'un seul paysan. Mais Larochejacquelein accourt, ses gens le suivent; on passe le pont, et les républicains sont refoulés dans la place. Il fallait pratiquer une brèche, mais on manquait des moyens nécessaires. Henri de Larochejacquelein se fait élever sur les épaules de ses soldats, et commence à atteindre les remparts. M. d'Elbée

attaque vigoureusement de son côté, et Quétineau, ne pouvant résister, consent à se rendre pour éviter des malheurs à la ville. Les Vendéens, grâce à leurs chefs, se conduisirent avec modération; aucun excès ne fut commis envers les habitants, et on se contenta de brûler l'arbre de la liberté et les papiers des administrations. Le généreux Lescure rendit à Quétineau les égards qu'il en avait reçus pendant sa détention à Bressuire, et voulut l'engager à rester dans l'armée vendéenne, pour le soustraire aux sévérités du gouvernement, qui, ne lui tenant pas compte de l'impossibilité de la résistance, le punirait peut-être de s'être rendu. Quétineau refusa généreusement, et voulut retourner aux républicains pour demander des juges.

CHAPITRE XI.

Levée d'une armée parisienne de 12 mille hommes; emprunt forcé; nouvelles mesures révolutionnaires contre les suspects.

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Effervescence croissante des

jacobins à la suite des troubles des départements. - Custine est nommé général en chef de l'armée du Nord. Accusations et menaces des jacobins; violente lutte des deux côtés de la convention. - Formation d'une commission de douze membres, destinée à examiner les actes de la commune. Assemblée insurrectionnelle à la mairie. Motions et complots contre la majorité de la convention et contre la vie des députés girondins; mêmes projets dans le club des Cordeliers. La convention prend des mesures pour sa sûreté. - Arrestation d'Hébert, substitut du procureur de la commune. Pétitions impérieuses de la commune. Tumulte et scènes de désordres dans toutes les sections. Événements principaux des 28, 29, et 30 mai 1793. Dernière lutte des montagnards et des girondins. — Journées du 31 mai et du 2 juin. Détails et circonstances de l'insurrection dite du 31 mai. - Vingtneuf représentants girondins sont mis en arrestation. Caractère et résultats politiques de cette journée. Coup-d'œil sur la marche de la révolution. Jugement sur les girondins.

Les nouvelles des désastres de la Vendée concourant avec celles venues du Nord, qui annonçaient les revers de Dampierre, avec celles venues du Midi, qui portaient que les Espagnols devenaient menaçants sur les Pyrénées, avec tous les renseignements arrivant de plusieurs provinces, où se manifestaient les dispositions les moins favorables, ces nouvelles répandirent la plus grande fermentation. Plusieurs départements voisins de la Vendée, en apprenant le succès des insurgés, se crurent autorisés à envoyer des troupes pour les combattre. Le départe

ment de l'Hérault leva six millions et six mille hommes,

et envoya une adresse au peuple de Paris, pour l'engager à en faire autant. La convention, encourageant cet enthousiasme, approuva la conduite du département de l'Hérault, et autorisa par-là toutes les communes de France à faire des actes de souveraineté, en levant des hommes et de l'argent.

La commune de Paris ne resta point en arrière. Elle prétendait que c'était au peuple parisien à sauver la France, et elle se hâta de prouver son zèle, et de déployer son autorité en organisant une armée. Elle arrêta que, d'après l'approbation solennelle donnée par la convention à la conduite du département de l'Hérault, il serait levé dans l'enceinte de Paris une armée de douze mille hommes, pour marcher contre la Vendée. A l'exemple de la convention, la commune choisit, dans le conseil général, des commissaires pour accompagner cette armée. Ces douze mille hommes devaient être pris dans les compagnies des sections armées, et sur chaque compagnie de cent vingt-six il devait en partir quatorze. Suivant la coutume révolutionnaire, une espèce de pouvoir dictatorial était laissé au comité révolutionnaire de chaque section, pour désigner les hommes dont le départ était sujet à moins d'inconvénients. «En conséquence, disait l'arrêté de la commune, tous les commis non mariés de tous les bureaux existant à Paris, excepté les chefs et souschefs, les clercs de notaires et d'avoués, les commis de banquiers et de négociants, les garçons marchands, les garçons de bureaux, etc.... pourront être requis d'après les proportions ci-après : sur deux, il en partira un; sur trois, deux; sur quatre, deux; sur cinq, trois; sur six, trois; sur sept, quatre; sur huit, quatre; et ainsi de suite. Ceux des commis des bureaux qui partiront conserveront leurs places, et le tiers de leurs appointements. Nul ne pourra refuser de partir. Les citoyens requis feront connaître au comité de leur section ce qui manque à leur

équipement, et il y sera pourvu sur-le-champ. Ils se réuniront immédiatement après pour nommer leurs officiers, et se rendront tout de suite à leurs ordres. »

Mais ce n'était pas tout que de lever une armée, et de la former aussi violemment, il fallait pourvoir aux dépenses de son entretien; et pour cela, il fut convenu de s'adresser aux riches. Les riches, disait-on, ne voulaient rien faire pour la défense du pays et de la révolution; ils vivaient dans une heureuse oisiveté, et laissaient au peuple le soin de verser son sang pour la patrie; il fallait les obliger à contribuer au moins de leurs richesses au salut commun. Pour cela, on imagina un emprunt forcé, fourni par les citoyens de Paris, suivant la quotité de leurs revenus. Depuis le revenu de mille francs jusqu'à celui de cinquante mille, ils devaient fournir une somme proportionnelle qui s'élevait depuis trente francs jusqu'à vingt mille. Tous ceux dont le revenu dépassait cinquante mille francs devaient s'en réserver trente mille, et abandonner tout le reste. Les meubles et immeubles de ceux qui n'auraient point satisfait à cette patriotique contribution, devaient être saisis et vendus à la réquisition des comités révolutionnaires, et leurs personnes regardées comme suspectes.

De telles mesures, qui atteignaient toutes les classes, soit en s'adressant aux personnes pour les obliger à prendre les armes, soit en s'adressant aux fortunes pour les faire contribuer, devaient éprouver une forte résistance dans les sections. On a déjà vu qu'il existait entre elles des divisions, et qu'elles étaient plus ou moins agitées suivant la proportion dans laquelle s'y trouvait le bas peuple. Dans quelques-unes, et notamment celles des QuinzeVingts, des Gravilliers, de la Halle-au-Blé, on déclara qu'on ne partirait pas tant qu'il resterait à Paris des fédérés et des troupes soldées, lesquelles servaient, disait-on, de gardes-du-corps à la convention. Celles-ci résistaient

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