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Les nerfs de ces Mollusques sont quelquefois entourés d'une enveloppe fibreuse, et cette structure remarquable qui, dit-on, permet de les injecter, les a parfois fait méconnaître même à des anatomistes fort cẻ. lèbres; c'est ainsi que Poli a représenté ceux de quelques Arches sous le nom de système lymphatique.

Odorat. Les Acéphaliens ne paraissent pas doués du sens de l'odorat. Mais tous les naturalistes ne partagent pas cette opinion, et Tréviranus considère comme des organes olfactifs les lamelles qui environnent la bouche de la plupart de ces Mollusques.

Vision. — On ne rencontre point d'yeux dans ces Mollusques; aussi doit-on considérer la vision comme étant nulle. La finalité organique semble motiver l'absence de ces organes; car à quoi eussent-ils servi à l'immense majorité de ces animaux? Eux qui vivent fixés à une place dont ils ne s'éloignent presque jamais, et qui trouvent leur nourriture moléculaire dans le fluide qui les baigne, et n'ont nul besoin d'aller à sa recherche.

Toucher. La sensibilité générale, ou le tact, est fort développée sur presque tous les Mollusques de cette classe; elle paraît principalement être exquise vers les bords du manteau, qui sont souvent garnis d'appendices tentaculaires très-irritables. Les impressions tactiles sont même si délicates sur quelques-uns de ces animaux, qu'il suffit d'une secousse imprimée à l'eau qui les recèle pour qu'ils ferment immédiatement les valves de leur coquille.

Digestion. Le système digestif des Acéphaliens, comparé dans ses différentes régions avec celui des classes précédentes, décèle manifestement son infériorité. La bouche est ordinairement environnée de deux lèvres simples ou frangés, qui se prolongent en appendices tentaculaires triangulaires, et l'on ne rencontre jamais de dents ni de saillie linguale à l'intérieur de la cavité buccale.

Le tube digestif ne possède que des parois très-minces, et même celles-ci deviennent si délicates au niveau de l'estomac, que l'on dirait que cette cavité en est totalement privée et qu'elle se trouve simplement creusée dans l'intérieur du foie qui l'enveloppe de toutes parts. Ce dernier organe verse la bile par de nombreux canaux qui s'ouvrent dans la cavité gastrique, et chez beaucoup de ces Mollusques, selon Poli, on remarque à l'intérieur de celle-ci des corps singuliers qui s'enfoncent dans le foie, et que l'on a nommés stylets cristallins, à cause de leur forme acérée et de leur transparence; on en ignore l'usage1. Ordinairement, après avoir formé une anse dans le foie, l'intestin se porte vers le dos en se dirigeant en arrière, région où il se termine, par un prolongement libre, dans la cavité du manteau.

Il est probable que la nourriture de ces animaux ne se compose que d'animalcules microscopiques répandus dans la mer ou dans les eaux douces qu'ils habitent; mais on ne sait guère par quels procédés ils

Bucardes, Tellines.

les attirent et les introduisent dans leur bouche; peut-être les appendices buccaux sont-ils destinés à cet effet, peut-être aussi le mouvement respiratoire suffit-il pour les leur apporter.

Respiration.-L'appareil respiratoire des Acéphaliens est construit sur un type qui varie peu. Chez le plus grand nombre de ceux-ci, il se compose de deux paires de branchies représentant de grandes lames semi-lunaires, membraneuses, au nombre de deux de chaque côté, situées entre les lobes du manteau et appliquées les unes contre les autres. « Chacune de ces quatre branchies, dit de Blainville, est ellemême formée de deux lames qui laissent entre elles un espace libre, divisé en un grand nombre de loges verticales ouvertes au bord dorsal, par des cloisons triangulaires nombreuses. Ces lames sont constituées par deux couches de vaisseaux parallèles, verticaux, réunis par d'autres vaisseaux transverses; l'une de ces couches est formée par les ramifications de l'artère branchiale, et l'autre par celles de la veine. Ces ramifications se réunissent dans deux gros troncs qui bordent le dos de la lame branchiale et qui sont en communication, l'un avec l'oreillette de son côté, et l'autre avec le système veineux du reste du corps. »

Quelques groupes de cette classe ont cependant des organes respiratoires qui s'éloignent de la forme que nous venons de décrire; dans les uns les branchies sont pectinées et appliquées sur la région interne du manteau ', et chez les autres elles offrent une structure tout à fait anomale et représentent un réseau à mailles quadrangulaires, qui tapisse l'intérieur de l'une des cavités dont se forme l'animal".

Carus considère aussi comme des organes respiratoires les petites lamelles qui environnent la bouche de beaucoup d'Acéphaliens 3. En outre, cet anatomiste compare le manteau qui enveloppe tout leur appareil d'oxygénation, à la membrane branchiostége des poissons, et, selon lui, les valves des Mollusques qui nous occupent représentent les opercules de ces Vertébrés.

L'eau qui sert à la respiration pénètre par la fente du manteau, et elle ressort par le tube anal que présente fréquemment celui-ci, et par lequel sont expulsés aussi les excréments et les œufs. Carus, qui a fait quelques observations sur ce sujet, dit qu'il résulte de cette action un courant non interrompu, de sorte que, quand le Mollusque est placé dans un vase où il n'est recouvert que d'une couche fort mince de liquide, on remarque dans celui-ci un tourbillonnement continuel. Ce mouvement est dû évidemment aux oscillations que l'on découvre, à l'aide du microscope, dans les cils extrêmement déliés qui recouvrent les branchies de certains Acéphaliens 4. Cette action commence de fort bonne heure, et déjà on s'aperçoit qu'elle a lieu dans l'œuf.

Plusieurs anatomistes, et entre autres Méry, Bojanus et Meckel,

1 Lingules. "Ascidies.

3 Mulettes.

4 Moules.

ont, relativement à la fonction qui fait l'objet de ce chapitre, une opinion qui s'éloigne de celle de tous les naturalistes. Selon eux, les lames branchiales ne représenteraient point l'appareil respiratoire de ces Mollusques, et celui-ci, d'après ces savants, serait deux organes celluleux, noirâtres, situés près du rectum et livrant passage à l'eau par deux fissures. L'analogie de ce qui s'observe dans les classes précé dentes et les cils qui se rencontrent sur les lames branchiales empêchent d'adopter cette théorie.

Un anatomiste, Baer, a aussi démontré, sur quelques Acéphaliens', l'existence d'un système aquifère analogue à celui que nous avons décrit chez les Mollusques de la classe précédente.

Température. La température des Acéphaliens est presque égale à celle du milieu dans lequel ils vivent; J. Davy dit même n'avoir remarqué aucune différence entre des Huîtres et l'eau dans laquelle elles se trouvaient; cependant Pfeiffer dit qu'il a reconnu que l'eau contenant des Bivalves était à 11,25 degrés, tandis que le thermomètre placé dans leurs branchies s'élevait à 11,56.

Circulation. Cette fonction s'opère à l'aide d'un cœur et de vaisseaux. Le premier de ces organes est généralement situé dans la région dorsale des Mollusques de cette classe, qui possèdent deux muscles adducteurs. Chez eux, il offre un ventricule charnu, ordinairement fusiforme, et que certains anatomistes ont considéré comme étant traversé par le rectum; mais ce n'est qu'une fausse apparence qui est due à ce que cet organe se recourbe autour de l'intestin, en rapprochant ses deux extrémités de manière qu'elles semblent se toucher. On trouve en outre deux oreillettes qui reçoivent le sang provenant des branchies. Le système artériel se distribue ainsi qu'il suit. Il est formé à son origine par deux aortes qui naissent du ventricule. L'une d'elles, dont le volume est plus considérable, se dirige en avant vers le muscle adducteur qui s'y trouve, et donne des ramifications à l'estomac, au foie, au pied et aux organes qui les avoisinent, puis elle se recourbe en bas en suivant le bord du manteau; l'autre branche se dirige en arrière, passe sous le rectum et donne des rameaux aux organes environnants, puis elle se termine en parcourant les bords du manteau et en s'anastomosant avec l'extrémité de la branche précédente.

Dans les Acéphaliens qui n'ont qu'un seul muscle adducteur, la situation du cœur n'est pas la même ; il est placé entre le foie et le muscle, et ne possède qu'une seule oreillette bilobée.

Sécrétion. Tréviranus et d'autres anatomistes ont considéré comme des reins rudimentaires deux organes d'une couleur noirâtre ou verdâtre, plus ou moins cylindriformes, situés de chaque côté du rectum, et ayant une structure celluleuse et très-vasculaire. Selon Carus, ceux-ci s'ouvrent à l'extérieur par deux fissures. Ce sont ces organes, dont nous avons déjà parlé, que Méry, Bojanus et Meckel regardent

'Mulettes, Anodontes.

2 Mulettes, Vénus, Solens,

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comme destinés à la respiration, et Poli pensait qu'ils servaient à une sécrétion calcaire. Phosphorescence. Plusieurs de ces Mollusques sont lumineux pendant la nuit. Pline avait déjà signalé ce phénomène pour la Pholade dactyle, sur la phosphorescence de laquelle Réaumur et les académiciens firent ensuite de nombreuses expériences. Les Biphores et les Pyrosomes, d'après les observations de MM. Péron et Lesueur, jouissent de la même propriété.

Reproduction. Ces Mollusques sont considérés comme possédant l'hermaphrodisme suffisant, car il est évident qu'ils se reproduisent sans s'accoupler, mais on ne connaît point positivement chez eux d'organes mâles, et relativement à ceux-ci on se borne à de simples conjectures.

La plupart des Acéphaliens offrent un ovaire volumineux, situé dans la masse du pied, autour des circonvolutions intestinales et au-dessous du foie.

Les organes respiratoires de ces animaux ont des connections avec l'appareil génital. Dans les Mulettes, dit Carus, les deux feuillets extérieurs des branchies méritent d'être décrits. « Au-dessus de chacun d'eux, règne un conduit allant de la partie postérieure du pied vers le tube anal, et que Oken a déjà décrit sous le nom d'Oviducte. Ce conduit offre à sa surface inférieure une longue série d'ouvertures transversales, qui sont les orifices des compartiments de la branchie elle-même. Ces compartiments sont tous perpendiculaires dans la branchie, et séparés les uns des autres par des cloisons. Ils doivent leur existence à la déduction ou à l'écartement de la membrane externe et de la membrane interne de la branchie, qui ne sont unies ensemble qu'au moyen de vaisseaux perpendiculaires dont la présence explique les cloisons. L'ovaire, situé à l'intérieur du pied, fait passer les œufs dans ces compartiments, où ils acquièrent un nouveau degré de développement, en quelque sorte comme dans un utérus. »

Cependant Baster a considéré les oviductes comme des organes males destinés à sécréter le fluide séminal, parce qu'il a remarqué qu'à certaine époque on y rencontrait un liquide lactescent, dont la présence concordait avec le temps où l'appareil génital est en activité, Cuvier dit lui-même que cette liqueur pourrait bien être le fluide fécondant.

La physiologie de l'appareil génital des Acéphaliens est encore enveloppée d'une grande obscurité; et comme elle mérite de fixer l'attention, soit à cause de la manière toute particulière dont elle s'accomplit, soit à cause des controverses auxquelles elle a donné lieu dans ces derniers temps, nous allons entrer dans quelques détails à son sujet, et exposer succinctement les diverses opinions qui ont été émises jusqu'à ce jour, à l'égard de cette importante fonction.

Les anciens n'eurent sur la génération des Bivalves que des idées fort erronées; ils supposaient que ces Mollusques paissaient spontané

ment du limon des eaux parmi lequel un grand nombre d'espèces semblent se complaire. Telle était en effet l'opinion d'Aristote, qui admettait que la nature de ces animaux variait suivant celle du sol, et que c'était le limon vaseux qui produisait les Huîtres, et l'arénacé qui enfantait les Conques. Oppien copia ce grand homme, et reproduisit les mêmes idées dans ses vers. Élien, presque seul, semble ne pas avoir hérité des idées de ses devanciers et de celles de son siècle, car il rapporte que dans la mer Rouge on observe des Conques qui s'accouplent d'une manière si intime, que pendant leurs embrassements, leurs dents s'engrènent parfaitement. Fulgence, dans sa Mythologie, adopte cette singulière opinion.

Les théories des anciens, relativement aux générations spontanées, succombèrent à l'époque de Rédi, qui les combattit par des arguments irrécusables. Cependant, ce savant ne s'étant pas occupé spécialement des Mollusques, ce fut d'abord l'analogie qui seule fit supposer que ces animaux, ainsi que les Insectes, se multipliaient par la même voie que les grandes espèces. Sténon fut, nous pensons, le premier qui établit ce principe relativement aux Bivalves, et dit positivement que les Huîtres et les autres Testacés naissaient d'œufs et non de la putréfaction.

Cette manière de voir, qui était rationnelle, ne fut cependant pas adoptée unanimement, et l'on vit Cassendi, dans sa Physique, et Bonanni, dans un ouvrage moins sérieux, en revenir aux opinions d'Aristote et de l'antiquité. Mais bientôt après ces savants, Leuwenhoeck, imbu de meilleurs principes, entreprit les premières recherches positives qui aient été faites sur ce sujet, afin de démontrer le véritable mode de génération de ces animaux, et de prouver la fausseté des assertions de ses devanciers. Ce célèbre micrographe étudia successivement la génération des Moules, des Huîtres et particulièrement celle des Anodontes. Relativement à ces dernières, il prétendit que certains individus sur lesquels il ne découvrait point d'œufs, contenaient un fluide rempli d'animalcules spermatiques dont il décrivit scrupuleusement les formes. Puis il reconnut qu'il existait d'autres individus qui possédaient des ovaires dans lesquels les œufs se développaient jusqu'à un certain degré, et que ceux-ci passaient ensuite dans les branchies. Il s'assura en outre que ces œufs s'accroissaient dans ce dernier endroit, et même à un tel point qu'on distinguait sur eux, au microscope, une coquille analogue à celle de leur mère.

Ainsi donc, Leuwenhoeck eut la gloire de démontrer positivement la génération des Acéphaliens.

Peu de temps après ce savant, soit qu'ils aient connu ses opinions, soit qu'ils fussent arrivés par l'observation à cette manière de voir, Lister et Poupart admirent l'existence des sexes dans les Acéphaliens. Le premier prétendit même que les Huitres mâles se reconnaissaient à une matière noire qui, dans certaines circonstances, s'épanchait dans les branchies; c'est là ce qui probablement donna lieu à l'opinion populaire que les mâles se distinguent à la bordure noire de leur

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