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sacrés nous apprennent que saint Jean ne vécut dans le désert que de miel et de Sauterelles. Strabon rapporte, d'après Artémidore, qu'il existe sur les rivages du golfe Arabique une nation qui se nourrit de Sauterelles ; les hommes qui forment celle-ci les prennent en allumant de grands feux dans les ravins, quand les vents du printemps soufflent avec violence; alors les Insectes qu'ils apportent se trouvent aveuglés par la fumée et tombent sur la terre. Après les avoir recueillis, ces peuples acridophages les broient mêlés avec de la saumure, et ils en font des gâteaux qu'ils mangent. Artémidore ajoute que ces hommes ne vivent guère que jusqu'à quarante ans, parce qu'il s'engendre dans leur peau des vers qui les font périr. Agatharchide fait un conte semblable sur les nations acridophages, et préten dque les hommes qui les composent sont dévorés à l'intérieur par des Insectes ailés qui se développent dans leurs organes. Dans la relation du voyage autour du monde de l'amiral Drack il est aussi question de la mort prématurée des naturels d'une région de l'Éthiopie, qui se nourrissent toute l'année de Sauterelles et dans les viscères desquels il s'engendre des Insectes ailés qui les tuent. Buffon, qui sans doute n'avait pas appesanti son génie sur ce fait, dit que, quoique extraordinaire, il ne lui paraît pas incroyable, et Valmont de Bomare semble l'accepter sans critique. Mais Niebühr, ainsi que l'indique la saine physiologie, a émis dans sa description de l'Arabie que ce genre de nourriture, si répandu dans quelques contrées, n'était nullement malfaisant.

Dans différents pays de l'Afrique, les Sauterelles sont encore considérées comme un précieux comestible, et on les livre au commerce, après les avoir salées ou fait sécher pour les conserver. Au Sénégal, on en réduit une espèce en poudre, et l'on en fait du pain ; en Arabie, quand les récoltes manquent, on les fait moudre ainsi que du blé pour le même usage. A Maroc, on mange également ces Insectes après les avoir fait sécher sur les toits; et les habitants de Bagdad les prisent tellement que les personnes qui ont visité cette ville assurent que l'on en apporte parfois une telle quantité sur les marchés qu'ils y font baisser le prix de la viande. Les voyageurs s'accordent à dire que, dans les pays chauds, ces Orthoptères ont une chair semblable à celle des Écrevisses, et d'un goût fort agréable. En 1693, l'Allemagne éprouva uné irruption de ces redoutables Insectes, et quelques personnes en mangèrent.

La Sauterelle émigrante, qui est longue de deux pouces et demi, offre une couleur brune et ses ailes sont verdâtres; elle a souvent ravagé les campagnes de l'Europe, surtout celles de la Russie et de la Pologne (Pl. 23). Mais d'autres espèces de ce genre, et celles de quelques groupes voisins, concourent aussi à dévaster la végétation, et il faut leur faire partager et peut-être leur rapporter en partie tout ce que nous venons de dire sur les Sauterelles, parce que les zoologistes n'ont pas pu apprécier au juste quelles étaient les espèces dont il est question dans les écrits de diverses époques.

ORDRE DES HÉMIPTÈRES.

Insectes offrant ordinairement quatre ailes différentes, dont les supérieures sont presque toujours demi-cornées. Bouche représentant un suçoir articulé, non roulé.

Les Hémiptères n'éprouvent que des métamorphoses incomplètes, et en général leur Larve, qui est agile et ressemble déjà à l'Insecte parfait, ne se distingue de la Nymphe qu'en ce qu'elle n'offre point les rudiments d'ailes que l'on observe sur celle-ci; les modifications successives ne consistent qu'en des mues.

Ces Insectes vivent ordinairement à la surface des végétaux et des animaux, et il en est un grand nombre qui habitent les eaux douces. La forme de leurs ailes varie beaucoup; souvent leur base est dure et coriace, et ressemble aux élytres des Coléoptères, tandis que leur extrémité est mince, transparente et analogue aux ailes des Hyménoptères; particularité à laquelle est dû le nom d'Hemiptères, qui veut dire demi-ailes. Quelques-uns de ces Hexapodes ont toutes leurs ailes entièrement membraneuses et transparentes, et d'autres sont totalement dépourvus de ces organes; mais malgré ces anomalies ils n'en doivent pas moins être rapportés à ce groupe par la conformation de leur bouche, qui est un de ses caractères fondamentaux.

Cet ordre se compose des Insectes qui, par la consistance et la forme de leur dermato-squelette et de leurs ailes, se rapprochent le plus des Coléoptères. Leurs antennes sont parfois fort petites, et outre leurs yeux à réseau, quelques genres présentent sur le sommet de la tête deux ou trois petits yeux lisses. Le corselet ressemble parfois, par sa forme, à celui des Coléoptères ; et son écusson, qui est fort petit ou même n'existe pas sur quelques espèces, acquiert d'énormes dimensions chez d'autres, et va même jusqu'à cacher l'abdomen en entier. Celui-ci n'offre rien de remarquable, seulement dans quelques genres il est terminé par un oviducte en tarière. Sur le plus grand nombre de ces animaux, on trouve un tarse composé de trois articles.

La bouche des Hemiptères représente un bec formé par une sorte de gaire cylindrique ou conique, qui, dans les espèces vivant des sucs des animaux, est en général très-robuste et repliée en are sous la tête, et qui, chez celles qui se nourrissent de végétaux, est au contraire ordinairement très-grêle et appliquée contre le sternum entre les pattes; sa longueur est parfois telle, qu'elle égale celle de l'Insecte ou même parfois dépasse son abdomen en arrière. Cette gaîne présente sur sa région supérieure une gouttière, et l'on rencontre dans celle-ci quatre soies cornées, roides et acérées, dont deux sont supérieures et deux inférieures. Enfin, une pièce triangulaire ou conique recouvre la base

de cette espèce de suçoir. A l'exception des Thrips, chez lesquels on en découvre quelques vestiges, ces Insectes n'offrent point de palpes.

Depuis les recherches de Savigny, on s'accorde à considérer la bouche des Hémiptères comme n'étant qu'une modification de l'organisation que l'on rencontre chez les Coléoptères. En effet, ainsi que dans ceux-ci, elle se compose de six pièces. La supérieure, ou l'appendice triangulaire ou conique, représente le labre; l'inférieure, ou la gouttière alongée, est formée par la lèvre inférieure, qui s'est extraordinairement prolongée; et l'on regarde les deux soies supérieures comme étant des mandibules rudimentaires, et les deux qui se trouvent au-dessous comme représentant les mâchoires.

Le bec des Hémiptères n'est propre qu'à absorber des fluides, et les soies qu'il contient agissent comme des stylets pour percer les vaisseaux des animaux et des plantes, et extraire les liquides qui y circulent. Mais ceux-ci ne sont point introduits par une sorte d'aspiration; aussi est-ce à tort que l'on a donné le nom de suceurs à ces Insectes.

L'ordre des Hémiptères a été divisé par Latreille en deux sousordres, les Hétéroptères, qui ont des élytres demi-cornés, et les Homoptères, chez lesquels les ailes supérieures sont sub-membraneuses. Nous n'admettons pas cette division dans laquelle il confond des genres qui n'ont nullement les caractères qu'il impose à ses sousordres. Ces Insectes ne formant d'ailleurs que quatre petites familles, une sous-division est inutile.

FAMILLE DES GÉOCORISES.

Antennes plus longues que la tête et insérées près du bord interne des yeux. Elytres demi-cornés. Membres marcheurs ; tarses trimérés.

Ces Hexapodes, que l'on nomme aussi Punaises de terre, vivent aux dépens des végétaux et des animaux et sucent leurs humeurs à l'aide de leur rostre.

SCUTELLÈRES. Scutellera. Corps déprimé, très-large; écusson couvrant tout le ventre et les ailes. Antennes filiformes à cinq articles. On en trouve sous toutes les latitudes; leur nom provient de l'espèce de bouclier que forme leur immense écusson. La Scutellère siamoise, qui fréquente les potagers, est rouge avec des raies noires longitudinales:

PENTATOMES. Pentatoma. Corps court, déprimé; écusson ne couvrant pas les ailes; rostre quadriarticulé. Antennes filiformes à cinq articles.

Ces Hémiptères se trouvent sur les plantes et se nourrissent de leurs sucs; on les voit aussi attaquer les Insectes; ils exhalent ordinairement

une odeur désagréable. Les œufs d'une espèce de ce genre, suivant Kirby et Spence, outre le couvercle demi-sphérique qu'ils offrent, sont pourvus d'un appareil extraordinaire on sorte d'arbalète cornée servant à en soulever la calotte et à en opérer mécaniquement l'ouverture. Le Pentatome orné, qui se rencontre sur les crucifères, est agréablement marqué de rouge et de noir.

LYGÉES. Lygous. Corps plat en dessus; corselet trapézoïde; rostre quadriarticulé. Antennes à quatre articles.

Le nom de Lygée, qui signifie obscur, a été donné à ces Insectes par Fabricius pour rappeler leurs couleurs sombres. Ils vivent sur les végétaux et y forment parfois des sociétés si nombreuses et si tassées qu'ils en changent la couleur; mais cependant on les voit moins se nourrir de leurs sucs que des Insectes qui les fréquentent; tel est le Lygée aptère, dont les individus forment une masse rouge sur le pied des arbres ou des murailles.

PUNAISES. Cimex. Corps totalement inailé, excessivement déprimé. Antennes à quatre articles.

La Punaise des lits, si funeste à notre repos, et qui est malheureusement trop commune parmi nous, tourmente aussi quelques Oiseaux ; on prétend qu'elle n'a été connue en Angleterre qu'après l'immense incendie qui consuma une partie de Londres en 1666, et qu'elle y fut apportée avec des bois de construction venant d'Amérique; Mouffet dit qu'à son apparition les dames anglaises en furent extrêmement effrayées. Le continent, moins favorisé, possédait cet Insecte depuis longtemps, puisque Dioscoride en parle. On s'étonne que des médecins aient pu employer ces dégoûtants animaux à l'intérieur, pour arrêter des fièvres intermittentes. On les conseillait aussi dans quelques affections des voies urinaires.

BÉDUVES. Reduvius. Corps plat en dessus : tête pédiculée. Bec court, très-aigu.

Les Insectes de ce genre se rencontrent dans les deux mondes ; mais ils sont peu nombreux en Europe. Leur piqûre est très-douloureuse et tue les petits animaux. Les Larves et les Nymphes ont la singulière habitude de se couvrir tout le corps de poussière ou de toiles d'Araignée, pour se dérober à la vue des Insectes, et surtout des Punaises de lit, dont elles font leur proie et qu'elles attaquent par surprise. Le Réduve masqué vit dans nos demeures, et possède une teinte d'un brun noirâtre avec des ailes noires, quand, devenu adulte, il s'est dépouillé de son enveloppe trompeuse.

HYDROMÈTRES. Hydrometra. Corps très - alongé, linéaire, inailé; les quatre membres postérieurs excessivement grèles et longs. La finesse du corps de ces Insectes les a fait nominer Punaises aiZOOLOGIE ÉLÉMENTAIRE, TOMÉ 11.

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guilles par Geoffroy. Ils marchent avec facilité sur l'eau. L'Hydromètre des étangs, qui est très-commune sur les bords des eaux stagnantes, est de couleur noire et longue de six lignes environ.

FAMILLE DES HYDROCORISES,

Elytres demi-cornés; membres postérieurs ordinairement aplatis et disposés en rames; tarses d'un ou de deux articles. Antennes plus courtes que la tête, insérées et cachées sous les yeux.

Ces Insectes, que l'on nomme aussi Punaises d'eau, se composent d'Hémiptères aquatiques qui se font remarquer par l'ampleur de leurs yeux, et vivent de liquides animaux. Ils saisissent leur proie avec leurs pattes de devant, qui se replient en forme de pince, et ils la tuent en la perçant avec leur rostre et en insinuant leur salive venimeuse dans la plaie; leur piqûre est excessivement douloureuse pour l'homme.

NEÈPES. Nepa. Corps sub-elliptique, très-déprimé, terminé par deux longues soies; cuisses antérieures renflées.

Les Népes vivent dans la vase des mares et se nourrissent d'autres Insectes aquatiques; leurs œufs sont curieux par leur conformation; ils ressemblent à une graine et sont couronnés d'une aigrette formée par des poils.

RANATRES. Ranatra. Corps linéaire; abdomen portant deux filets sétacés; membres marcheurs longs.

Ces Hexapodes, qui habitent l'Europe et l'Inde, se rencontrent dans la vase des marais, mais ils volent cependant assez bien quand cela leur plaît; ils sont d'une extrême nonchalance et leurs membres ne leur servent guère qu'à marcher; Latreille dit qu'ils nagent lentement. On considère les soies qui terminent leur ventre comme des oviductes ou des organes respiratoires.

La Ranatre linéaire, qui habite nos mares, a une couleur terne. Cet Insecte, appelé aussi Scorpion aquatique, vole parfois le soir.

NOTONECTES. Notonecta. Corps alongé, cylindrique; un écusson; tarses à deux articles, les postérieurs aplatis, ciliés.

Presque tous ces Insectes habitent l'Europe, et on les trouve dans ses mares sous leurs différents états. Ils nagent avec une grande facilité à l'aide de leurs tarses en rame; mais c'est ordinairement sur le dos qu'ils se placent pendant leurs mouvements, ce que l'on a voulu rappeler par leur dénomination. Tous sont carnassiers et se nourrissent d'Insectes. La Notonecte glauque se découvre très-communément dans les eaux dormantes.

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