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avec beaucoup de tranquillité (1): l'arrêté de la commune, relatif à mon éloignement pendant la nuit, n'eut pas son exécution. Il aurait été trop pénible pour les municipaux de m'aller chercher,

corridors de la salle, ne voulant point entrer dans son enceinte, de peur d'être trahi par mon émotion. Je me plaçai de manière à ne rien perdre de ce qui serait dit.

» BARRÈRE présidait l'assemblée.

» Le Roi étant arrivé à la barre, le président lui adressa la parole en ces termes : « Louis, la nation française vous accuse. La Convention nationale a décrété, le 3 décembre, que vous seriez jugé par elle, et le 6, que vous seriez traduit à sa barre. On va vous lire l'acte énonciatif des délits qui vous sont imputés. Vous pouvez vous asseoir. >>

» L'acte d'accusation ayant été lu, le président interpella le Roi sur chaque article. Après avoir répondu, Sa Majesté demanda copie de l'acte d'accusation, la communication des pièces, et qu'il lui fût accordé un conseil.

La demande du Roi fut mise en délibération. Sa Majesté sortit avec les personnes qui l'escortaient et attendit dans la salle des conférences la décision de l'assemblée. La délibération traîna en longueur; enfin la demande du Roi lui fut accordée, il retourna au Temple vers six heures du soir ; je le suivis jusqu'à la porte. » (Dernières années de Louis XVI.)

(Note des nouveaux éditeurs.)

(1) Louis XVI et Charles Ier. s'attendaient également à leur sort, mais, avec des vertus différentes; tous deux ne portèrent point le même caractère de résignation devant leurs juges.

<< Tandis qu'on lisait l'acte d'accusation de Charles, le prisonnier, assis dans son fauteuil, regardait quelquefois la haute cour et quelquefois la galerie, puis il se leva de nouveau et se

chaque fois que le Roi aurait eu besoin de mon

service.

Le lendemain douze, le Roi n'eut pas plus tôt aperçu un municipal, qu'il s'informa s'il y avait une décision sur la demande qu'il avait faite de voir sa famille. On lui répondit qu'on attendait encore les ordres. Il pria ce même municipal d'aller s'informer de la santé des Princesses et de celle de monsieur le Dauphin, et de leur annoncer qu'il se portait bien. Le commissaire l'assura à son retour que sa famille jouissait d'une bonne santé. Le Roi me donna ordre de faire monter le lit de son fils chez la Reine où ce jeune Prince avait passé la nuit sur un des matelas de cette Princesse. Je priai Sa Majesté d'attendre la décision de la Convention. « Je ne compte sur aucun » égard, sur aucune justice, me répondit Sa Ma» jesté, mais attendons. »

Le même jour'une députation de la Convention composée des quatre députés, Thuriot, Cambacérès, Dubois-Crancé et Dupont-de-Bigorre, apporta le décret qui autorisait le roi à prendre un

retourna pour regarder les gardes et les spectateurs; après quoi il se rassit avec un maintien sévère et sans marquer la moindre émotion jusqu'à ces mots : « Charles Stuart, tyran, traître. » Alors il se mit à rire, toujours tourné, comme il l'était, en face de la haute cour. » ( Collection des mémoires relatifs à la révolution d'Angleterre.)

(Note des nouveaux éditeurs. }

conseil. Le roi déclara qu'il choisissait M. Target, à son défaut M. Tronchet, ou tous les deux, si la Convention nationale y Consentait. Les députés firent signer au Roi sa demande, et signèrent après lui. Le Roi ajouta qu'il serait nécessaire qu'on lui fournit du papier, des plumes et de l'encre. Sa Majesté donna l'adresse de la maison de campagne de M. Tronchet, et dit qu'elle ignorait où demeurait M. Target.

Le 13 au matin, la même députation revint au Temple, et dit au Roi que M. Target avait refusé d'être son conseil, que l'on avait envoyé chercher M. Tronchet; et que sans doute il viendrait dans la journée : elle lui fit ensuite lecture de plusieurs lettres adressées à la Convention par MM. Sourdat, Huet, Guillaume et Lamoignon de Malesherbes ancien premier président de la cour des aides de Paris, et depuis ministre de la maison du Roi. La lettre de M. de Malesherbes était conçue en

ces termes.

"

Paris, le 11 décembre 1 1792.

:

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>> Citoyen président, j'ignore si la Convention » donnera à Louis XVI un conseil pour le défendre, et si elle lui en laisse le choix dans ce cas» là, je désire que Louis XVI sache que, s'il me >> choisit pour cette fonction, je suis prêt à m'y » dévouer. Je ne vous demande pas de faire part >> à la Convention de mon offre, car je suis bien » éloigné de me croire un personnage assez im»portant pour qu'elle s'occupe de moi; mais j'ai

» été appelé deux fois au conseil de celui qui fut >> mon maître, dans le temps que cette fonction >> était ambitionnée par tout le monde ; je lui dois >> le même service, lorsque c'est une fonction que » bien des gens trouvent dangereuse; si je con>> naissais un moyen possible pour lui faire connaî>> tre mes dispositions, je ne prendrais pas la li>>berté de m'adresser à vous. J'ai pensé que, dans » la place que vous occupez, vous aurez plus de » moyens que personne pour lui faire passer cet » avis. Je suis avec respect,>>

Signé : « LAMOIGNON DE MALESHERBES. »

Sa Majesté répondit à la députation

:

>> Je suis sensible aux offres que me font les » personnes qui demandent à me servir de con

seil; et je vous prie de leur en témoigner ma >> reconnaissance. J'accepte M. de Malesherbes » pour mon conseil; si M. Tronchet ne peut me » prêter ses services, je me concerterai avec >> M. de Malesherbes pour en choisir un autre (1). »

(1) Auprès du beau nom de Malesherbes, consacré désormais par le respect et l'admiration des hommes, se trouve celui de M. de Sèze, qui partagea son noble dévouement. D'autres jurisconsultes, moins éminens par leurs talens, briguèrent aussi l'honneur dangereux d'élever la voix pour la défense d'un souverain détrôné. L'un d'eux, M. Guillaume, nommé dans la page précédente, ne pouvant obtenir la faveur qu'il sollicitait, fit du moins imprimer un mémoire pour le Roi. L'on trouvera le début de ce mémoire note H, avec des renseignemens sur l'homme courageux qui l'osa publier en présence de la Convention.

Le 14 décembre, M. Tronchet eut une conférence avec Sa Majesté, comme le permettait le décret. Le même jour, M. de Malesherbes fut introduit à la tour; le Roi courut au-devant de ce respectable vieillard qu'il serra tendrement dans ses bras, et cet ancien ministre fondit en larmes à la vue de son maître, soit qu'il se rappelât les premières années de son règne, soit plutôt qu'il n'envisageât dans ce moment que l'homme vertueux aux prises avec le malheur. Comme le Roi avait la permission de conférer avec ses conseils en particulier, je fermai la porte de sa chambre, afin qu'il pût parler plus librement à M. de Malesherbes. Un municipal m'en fit des reproches, m'ordonna de l'ouvrir, et me défendit de la fermer à l'avenir; je rouvris la porte; mais Sa Majesté était déjà dans la tourelle qui lui servait de cabinet.

Le Roi et M. de Malesherbes parlèrent très-haut dans cette première conférence. Les commissaires qui étaient dans la chambre prêtèrent l'oreille à leur conversation et purent l'entendre. M. de Malesherbes étant sorti, je rendis compte à Sa Majesté de la défense qui m'avait été faite par le municipal, et de l'attention avec laquelle les commissaires avaient écouté la conférence; je la suppliai de fermer elle-même la porte de sa chambre, quand elle serait avec ses conseils, ce qu'elle fit.

Le quinze, le Roi reçut la réponse relative à sa famille. Le décret portait en substance: «< que la

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