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liberté, elle ressuscite : le Christ rompit les chaînes de la mort, en dépit de la garde romaine qui veillait à son sépulcre. On fit part aux souverains de l'avènement nominal de Richard à la puissance de son père : dans le recueil des lettres de Milton, se trouvent celles qu'il adressa à la cour de France. De telles dépêches sont un monument par la nature des faits et par la nature des hommes. L'auteur du Paradis perdu, au nom du fils de Cromwell, écrit ainsi à Louis XIV et au cardinal Mazarin :

Richard, Protecteur de la république d'Angleterre, etc., au sérénissime et puissant prince Louis, roi de France.

« Sérénissime et puissant roi, notre ami et confé« déré,

« Aussitôt que notre sérénissime père Olivier, « Protecteur de la république d'Angleterre, par la « volonté de Dieu l'ordonnant ainsi, quitta cette vie a le 3o 'our de septembre; nous, déclaré légalement « son successeur dans la suprême magistrature (quoi« que dans les larmes et l'extrême tristesse), nõus « n'avons pu faire moins à la première occasion, que « de faire connaître par nos lettres cette matière à

« Votre Majesté. Comme vous avez été un très cordial << ami de notre père et de cette république, nous << avons la confiance que cette nouvelle douloureuse et << inattendue sera reçue par vous avec autant de cha<< grin qu'elle nous en a causé. Notre affaire à présent « est de requérir Votre Majesté d'avoir une telle opi<<nion de nous, comme d'une personne déterminée << religieusement et constamment à garder l'amitié et « l'alliance contractées entre vous et notre père re<< nommé, et, avec le même zele et la même bonne « volonté, à maintenir les traités par lui conclus, et << entretenir les mêmes rapports et intérêts avec Votre « Majesté. A cette intention, c'est notre plaisir que << notre ambassadeur, résidant à votre cour, y reste << accrédité par les pouvoirs qu'il avait autrefois. << Vous lui accorderez le même crédit pour agir en << notre nom, comme si tout était fait par nous-même. « En même temps nous souhaitons à Votre Majesté a toutes sortes de prospérités.

<< De notre cour, à Whitehall, 5 sept. 1658. »

A l'éminentissime seigneur cardinal Mazarin.

<< Quoique rien ne puisse nous arriver de plus amer « et de plus douloureux que d'écrire les tristes nou« velles de la mort de notre sérénissime et très re

« nommé père, cependant nous ne pouvons ignorer « la haute estime qu'il avait pour Votre Éminence et « le grand cas que vous faisiez de lui.

« Nous n'avons aucune raison de douter que Votre << Éminence, de l'administration de laquelle dépend « la prospérité de la France, ne gémisse comme nous « sur la perte de votre constant ami et très dévoué « allié. Nous pensons qu'il est important par nos lét« tres, de vous faire connaître un accident qui doit « être aussi profondément déploré de Votre Éminence « que du roi. Nous assurons Votre Éminence que << nous observerons très religieusement toutes les << choses que notre père, de sérénissime mémoire, << s'était engagé par les traités à confirmer et à ratifier.* « Nous ferous en sorte, au milieu de votre deuil pour << un ami si fidèle, si florissant et applaudi de toutes « les vertus, que rien ne manque à la foi de notre << alliance, pour la conservation de laquelle et pour << le bien des deux nations, puisse le Seigneur Dieu << tout puissant conserver Votre Eminence!

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Milton est ici un grand historien de l'histoire de France et d'Angleterre, Il est curieux de voir Richard faire, comme un vieil héritier des trois couronnes,

ses préparatifs pour régner. Milton écrivait au nom d'un homme investi d'un pouvoir de quelques heures, à un jeune souverain qui devait conduire son arrièrepetit-fils, par la monarchie non contrôlée, à l'échafaud du premier Stuart. Cet échafaud de Whitehall se changea en trône, lorsqu'un sang royal l'eut couvert de sa pourpre, et le Protecteur s'y assit. La France sous le petit-fils d'Henri IV, allait monter de tout ce que l'Angleterre devait descendre sous Charles II et son frère. Il faut toujours que la gloire soit quelque part en s'envolant de la tête de Cromwell, elle se posa sur celle de Louis XIV.

Louis XIV porta le deuil d'un Régicide, et se fut le chantre de Satan, le Républicain apologiste de la mort de Charles Ier, l'ennemi des rois et des cathoques, qui fit part au Monarque absolu, auteur de la Révocation de l'édit de Nantes, de la mort d'Olivier, le Protecteur.

Ce qui parait contraste ici, est harmonie: les hautes renommées se mêlent, comme enfans d'une même famille. Tout ce qui a de la grandeur se touche : deux hommes de sentimens semblables, mais d'esprits inégaux, sont plus antiphatiques l'un à l'autre, que ne le sont deux hommes d'esprit supérieurs, quoique opposés d'opinions et de conduite.

RICHARD CROMWELL. OPINION DE MILTON SUR LA RÉPUBLIQUE, SUR LES DÎMES, SUR LA RÉFORME PARLEMENTAIRE.

Tandis que Milton, au nom de Richard, rappelait aux souverains et à leurs ministres le tendre amour et l'admiration profonde qu'ils avaient pour le juge d'un roi, les factions renaissaient en Angleterre. Les gouvernemens qui ne tiennent qu'à l'existence d'un homme tombent avec cet homme : l'effet cesse avec la cause. L'ancien parti républicain de l'armée se sou→ leva; les officiers que Cromwell avait destitués se réunirent. Lambert se mit à la tête de la bonne vieille cause. Menacé par les officiers, Richard eut la faiblesse de dissoudre la chambre des Communes; la chambre des pairs était nulle.

Les assemblées aristocratiques règnent glorieuse ment lorsqu'elles sont souveraines, et seules investies, de droit ou de fait, de la puissance: elles offrent les plus fortes garanties à la liberté, à l'ordre et à la

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