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« souvent au cher gage que la terre qui t'a donné la « naissance a confié à tes soins la liberté qu'elle << espéra autrefois de la fleur des talens et des vertus, « elle l'attend maintenant de toi; elle se flatte de « l'obtenir de toi seul. Honore les vives espérances « que nous avons conçues, honore les sollicitudes de << ta patrie inquiète. Respecte les regards et les bles«sures de tes braves compagnons qui, sous ta ban<< nière, ont hardiment combattu pour la libertė; res«pecte les ombres de ceux qui périrent sur le champ << de bataille; respecte les opinions et les espérances <«< que les États étrangers ont conçues de nous, de << nous qui leur avons promis pour eux-mêmes tant « d'avantage de cette liberté, laquelle, si elle s'éva<«< nouissait, nous plongerait dans le plus profond << abîme de la honte; enfin respecte toi toi-même; ne « souffre pas, après avoir bravé tant de périls pour << l'amour des libertés, qu'elles soient violées par toi<< même, ou attaquées par d'autres mains. Tu ne peux << être vraiment libre que nous ne le soyons nous<< mêmes. Telle est la nature des choses: celui qui «<empiète sur la liberté de tous, est le premier à << perdre la sienne et à devenir esclave. >>>

Milton urait pu écrire l'histoire comme Tite-Live

et Thucydide. Johnson n'a cité que les louanges données au Protecleur par le poète, pour metre en contradiction le républicain avec lui-même le beau passage que je viens de traduire montre ce qui faisait le contrepoids de ces louanges. Aux jours de la toutepuissance de Bonaparte, qui aurait osé lui dire qu'il n'avait obtenu l'Empire que pour protéger la liberté ? Cependant Milton aurait mieux fait d'imiter quelques fermes démocrates qui ne se rapprochèrent jamais de Cromwell, et le regardèrent toujours comme un tyran: mais Milton n'était pas démocrate.

Sur ces ouvrages aujourd'hui complètement oubliés, reposa la réputation du grand écrivain pendant sa vie; triste réputation qui empoisonna ses jours, et que n'a point consolée l'impérissable renommée sortie de la tombe du poète. Tout ce qui tient aux entraînemens des partis et aux passions du moment, meurt comme eux et avec elles.

Les réactions de la Restauration en Angleterre furent beaucoup plus vives que les réactions de la Restauration en France, parce que les convictions étaient plus profondes, et les caractères plus prononcés. Le retour des Bourbons n'a point étouffé les réputations de la République ou de l'Empire, comme

le retour des Stuart étouffa la renommé de Milton. Il

est juste aussi de dire que, le poète ayant écrit en latin la plupart de ses disquisitions, elles restèrent inaccessibles à la foule.

AFFRANCHISsement de LA GRÈCE.

De même qu'il avait demandé la liberté de la presse, l'Homère anglais remplit un devoir filial en se déclarant pour l'affranchissement de la Grèce. Camoëns avait déjà dit : « Et nous laissons la Grèce dans la ser<< vitude! >> Milton écrit à Philarès « qu'il voudrait voir « l'armée et les flottes de l'Angleterre employées à « délivrer du tyran ottoman la Grèce, patrie de l'élo«quence, » ut exercitus nostros et classes, ad liberandam ab ottomannico tyranno Græciam, eloquentiæ patriam.

Si ces vœux avaient été exaucés, le plus beau monument de l'antiquité existerait encore : les Vénitiens ne firent sauter une partie du temple de Minerve qu'en 1682; Cromwell aurait conservé le Parthénon dont lord Elgin n'a dérobé que les ruines. Milton avait encore ici une de ces idées qui appartiennent aux

générations actuelles et qui de nos jours a porté son fruit.

Qu'il soit permis au traducteur de Milton de lui faire hommage de quelque lignes qui ont préparé la délivrance de la Grèce :

<< Il s'agit de savoir si Sparte et Athènes renaîtront, << ou si elles resteront à jamais ensevelies dans leur <<< poussière. Malheur au siècle témoin passif d'une « lutte héroïque; qui croirait qu'on peut, sans péril << comme sans pénétration de l'avenir, laisser immoler << une nation! cette faute ou plutôt ce crime serait « tôt ou tard suivi du plus rude châtiment.

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« Des esprits détestables et bornés, qui, s'imaginant «< qu'une injustice par cela seul qu'elle est consommée, «< n'a aucune conséquence funeste, sont la peste des << États. Quel fut le premier reproche adressé pour « l'extérieur, en 1789, au gouvernement monarchique « de la France? Ce fut d'avoir souffert le partage de << la Pologne. Ce partage, en faisant tomber la bar«rière qui séparait le Nord et l'Orient du Midi et de << l'Occident de l'Europe, a ouvert le chemin aux << armées qui tour à tour ont occupé Vienne, Berlin, << Moscou et Paris.

<< Une politiqne immorale s'applaudit d'un succès << passager elle se croit fine, adroite, habile; elle

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