Page images
PDF
EPUB

« Je ne chantai donc pas la couronne tombée d'un front innocent; je me contentai de dire une autre couronne, blanche aussi, déposée sur le cercueil d'une jeune fille (1).

Tu dors, pauvre Élisa, si légère d'années!

Tu ne sens plus du jour le poids et la chaleur :
Vous avez achevé vos fraîches matinées,

Jeune fille et jeune fleur.

« M. le Préfet de police, des procédés duquel je n'ai qu'à me louer, m'offrit un meilleur asile aussitôt qu'il eut connu le lieu de plaisance où les amis de la liberté de la presse avaient eu la bonté de me loger pour avoir usé de la liberté de la presse. La fenêtre de mon nouveau réduit s'ouvrait sur un joli jardin. La linote de Lovelace n'y gazouillait pas; mais il y avait force moineaux fringans, lestes, babillards, effrontés, querelleurs on les trouve partout, à la campagne, à la ville, aux balustrades d'un château, à la gouttière d'une geôle; ils se perchent tout aussi gaiement sur l'instrument de mort que sur un rosier. A qui peut s'envoler, qu'importe les souffrances de la terre? >> Ma chanson ne vivra pas plus que celle de Lovelace. (1) Élisa Trisell.

Les Jacobites n'ont laissé à l'Angleterre que le motet du God save the King. L'histoire de cet air est singulière: on le croit de Lulli; les jeunes filles des chœurs d'Esther, charmèrent à Saint-Cyr l'oreille et l'orgueil du grand roi par les accords du Domine, salvum fac Regem. Les serviteurs de Jacques emportèrent la majestueuse invocation dans leur patrie; ils l'adressaient au Dieu des armées, en allant au combat pour leur souverain banni. Les Anglais de la faction de Guillaume, frappés de la beauté du Bardit des Fidèles, s'en emparèrent, Il resta à l'Usurpation et à la Souveraineté du peuple, lesquelles ignorent aujourd'hui qu'elles chantent un air étranger, l'hymne des Stuarts, le cantique du Droit Divin et de la Légitimité. Combien de temps l'Angleterre priera-t-elle encore le maître des hommes de sauver le Roi? Comptez les révolutions entassées dans une douzaine de notes, survivantes à ces révolutions!

Le Domine salvum du rite catholique est aussi un chant admirable: on l'entonnait en grec au xe siècle, lorsque l'empereur de Constantinople paraissait dans l'hippodrome. Du spectacle il passa à l'église: autre temps fini.

PROSE.

TILLOTSON. TEMPLE. BURNET. CLARENDON.

ALGERNON-SIDNEY.

Avec le règne de Charles II, une révolution s'opéra dans le goût et dans la manière des écrivains anglais. Abandonnant les traditions nationales, ils commencèrent à prendre quelque chose de la régularité et du caractère de la littérature française. Charles avait retenu de ses courses un penchant aux mœurs étrangères : Madame Henriette, sœur du roi, la duchesse de Portsmouth, maîtresse de ce roi, Saint-Evremont et le chevalier de Grammont, exilés à Londres, poussèrent de plus en plus la restauration des Stuarts, å l'imitation de la cour de Louis XIV: la prose gagna à ce mouvement du dehors, la poésie y perdit.

Tillotson épura la langue de la chaire sans s'élever à l'éloquence. Le chevalier Temple fut le d'Ossat de

l'Angleterre; mais il est fort inférieur à notre grand diplomate, par les vues et le style de ses Observations, Mélanges et Mémoires. La philosophie compta Loke, la littérature proprement dite, Hamilton, modèle d'élégance et de grâce, Shaftesbury, élève de Locke, et fils d'un père corrompu. Voltaire vante Shaftesbury, ennemi de la religion chrétienne. Les ouvrages de cet auteur ont été réunis sous le titre de Caracteristics of men. Les idées des Caracteristics, que voile d'ailleurs une élocution embarrassée, sont tombées dans le domaine des lieux communs par les apports continuels des ans.

Burnet écrivit l'histoire de la Réformation d'An-gleterre d'une manière partiale et caustique, mais intéressante son plus grand honneur est d'avoir été réfuté par Bossuet. Burnet était un brouillon et un factieux à la manière des Frondeurs : il n'a dans ses mémoires ni la candeur révolutionnaire de Withelocke, ni l'exaltation républicaine de Ludlow.

Le nom de Clarendon réveille le double souvenir d'une ingratitude royale et populaire. L'Histoire de la Rébellion est un ouvrage où les traces du talent disparaissent sous l'empreinte de la vertu. Quelques portraits sont vivement coloriés, mais le genre des portraits est facile; les esprits les plus communs y

réussissent. Clarendon lui-même se réfléchit dans ses tableaux; on ne se lasse pas de retrouver son image.

ses

Algernon-Sidney créa la langue politique Discours sur le gouvernement ont vieilli : Sidney n'est qu'un grand nom, et n'est pas une grande renommée. La mort tragique du fils du comte de Leicester, est le fait saisissable qui donna un corps à des principes encore vagues dans l'opposition errante des Wighs. Dalrymple, et après lui M. Mazure, ont prouvé les disparates de Sidney; il avait le malheur de recevoir l'argent de la France: Louis XIV, par un très mauvais jeu, ne croyait qu'entraver Charles, et renversait Jacques; la corruption de sa politique portait en soi son châtiment. Chez Bacon, l'intégrité n'était pas au niveau de la science; chez Sidney, le désintéressement n'égala pas la fermeté. Dieu nous garde de triompher des misères dont les natures les plus élevées ne sont point exemptes! Le ciel ne nous donne des vertus ou des talens qu'en y attachant des infirmités; expiations offertes au vice, à la sottise et à l'envie. Les faiblesses d'un homme supérieur sont ces victimes noires, nigro pecudes, que l'antiquité sacrifiait aux dieux infernaux : et pourtant ils ne se laissent jamais désarmer!

« PreviousContinue »