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AUTRES DÉTAILS SUR MILTON.

Le chantre d'Éden disait que le poète doit être « un vrai poème », ought himself to be a true poem, c'est-à-dire un modèle des choses les meilleures et les plus honorables.

Milton se levait à quatre heures du matin en été, à cinq en hiver. Il portait presque toujours un habit de gros drap gris; il étudiait jusqu'à midi, dînait frugalement, se promenait avec un guide, chanțait le soir en s'accompagnant de quelque instrument: il savait l'harmonie et avait la voix belle. Il s'était longtemps livré à l'exercice des armes. A en juger par le Paradis perdu, il aimait passionnément la musique et le parfum des fleurs. Il soupait de cinq ou six olives et d'un peu d'eau, se couchait à neuf heures et composait la nuit dans son lit. Quand il avait fait quelques

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vers, il sonnait, et les dictait à sa femme ou à ses filles. Les jours de soleil, il se tenait assis sur un banc à sa porte il demeurait dans Bunhill-Row, au bord d'une espèce de chemin.

Au dehors, on accablait d'outrages le lion malade et abandonné; on lui disait : « Parricide de ton roi, « si, par la clémence de Charles II, tu as échappé à << ton supplice, tu n'es maintenant que plus puni. « Vieux, infirme, pauvre, privé des yeux, réduit à « écrire pour vivre, rappelle donc, pour gagner ta « vie, Saumaise de la mort. » On lui reprochait son âge, sa laideur, sa petitesse; on lui appliquait ce vers de Virgile :

Monstrum horrendum, informe, ingens, cui lumen ademptum,

observant que le mot ingens était le seul qui ne s'appliquât pas à sa personne. Il avait la simplicité de répondre (Defensio autoris) qu'il était pauvre, parce qu'il ne s'était jamais enrichi; qu'il n'était ni petit ni grand; qu'à aucun age il n'avait été trouvé laid; que dans sa jeunesse, l'épée au côté, il n'avait jamais. craint les plus hardis. En effet, il avait été très beau, et l'était encore dans sa vieillesse : le portrait d'Adam était le sien (livre Iv du Paradis perdu). Ses cheveux étaient admirables, ses yeux d'une pureté extraordi

naire; on n'y voyait aucune tache, et il eût été impossible de le croire aveugle.

Si l'on ne connaissait la rage des partis, croirait-on qu'on pût jamais faire un crime à un homme d'être aveugle? Mais remercions ces abominables haines, elles nous ont valu quelques lignes admirables. Milton répond d'abord qu'il a perdu la vue à la défense de la liberté, et il ajoute ces paroles de sublimité et de tendresse.

« Dans la nuit qui m'environne, la lumière de la « divine présence brille pour moi d'un plus vif éclat. « Dieu me regarde avec plus de tendresse et de com« passion, parce que je ne puis plus voir que lui. La << Loi divine non-seulement doit me servir de bou<< clier contre les injures, mais me rendre plus sacré; « non à cause de la privation de la vue, mais parce « que je suis à l'ombre des ailes divines qui semblent << produire en moi ces ténèbres. J'attribue à cela « les affectueuses assiduités de mes amis, leurs at<< tentions consolantes, leurs bonnes visites et leurs « égards respectueux. >>

On voit à quelle extrémité il était réduit pour écrire, par le passage d'une de ses lettres à Pierre Heimbach:

« Celle de mes vertus, que vous appelez ma vertu << politique, et que j'aimerais mieux que vous eussiez

<< appelée mon dévouement à ma patrie (doux nom qui << me charme toujours) ne m'a pas trop bien récom« pensé. En finissant ma lettre, si vous en trouvez « quelque partie tracée incorrectement, vous en im<< puterez la faute au petit garçon qui écrit pour moi; << il ignore absolument le latin, et je suis forcé misé<< rablement de lui épeler chaque lettre que je dicte. >> Les maux de Milton étaient encore aggravés par des chagrins doméstiques : j'ai déjà dit qu'il avait perdu sa première femme, Marie Powell, morte en couches; sa seconde femme, Catherine Wood Cock de Hackeney, mourut aussi en couches au bout d'un an. Sa troisième femme, Élisabeth Minshul, lui survécut et le servit bien. Il paraît qu'il fut peu aimé : ses filles, qui jouent un si beau rôle poétique dans sa vie, le trompaient et vendaient secrètement ses livres. Il s'en plaignait. Malheureusement son caractère semble avoir eu l'inflexibilité de son génie. Johnson a dit avec précision et vérité que Milton croyait la femme faite seulement pour l'obéissance et l'homme pour la rébellion.

PUBLICATION DU PARADIS PERDU.

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Il touchait à l'âge de cinquante-neuf ans, lorsqu'en 1667 il songea à publier le Paradis perdu. Il en avait montré le manuscrit, alors divisé en dix livres, à Ellwood, quaker qui a laissé à la littérature anglaise l'Histoire sacrée et la Davideïde. Le manuscrit du Paradis perdu n'était pas de la main de l'auteur : Milton n'ayant pas le moyen de payer un copiste, quelques amis avaient écrit alternativement sous sa dictée. Le Censeur refusait l'imprimatur à cet autre Galilée, découvreur d'astres nouveaux ; il chicanait à chaque vers; il lui semblait surtout que le crime de haute trahison ressortait du magnifique passage où la gloire obscurcie de Satan est comparée à une éclipse, laquelle alarme les rois par la frayeur des révolutions.

Mais comment le docteur Tomkyns ne s'aperçut-il pas des allusions aux mœurs de la dynastie restauréc,

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