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rance des faits. Que non-seulement Roland rendait ses comptes chaque mois à la Convention, mais qu'à sa sortie du ministère il avait fourni un compte général le plus étendu, le plus détaillé. Que ce qu'il sollicitait, c'était l'apurement de ces comptes, c'est-à-dire leur examen par des commissaires de la Convention, et leur rapport à l'assemblée de ce qu'ils les auraient trouvés être. Qu'en conséquence le comité de l'examen des comptes avait chargé de ce soin plusieurs de ses membres; que je savais qu'ils s'étaient transportés plusieurs fois à l'hôtel de l'intérieur; qu'ils s'y étaient fait représenter les minutes et pièces justificatives; qu'ils avaient été édifiés, comme ils devaient l'être, de l'administration d'un homme. que l'on citera longtemps pour son intégrité comme pour son courage; que le plus vif désir de Roland, comme le mien, était que ces commissaires (fissent leur rapport, et que j'invitais tous les bons citoyens à se joindre à moi pour l'obtenir.

[Je fus interrompue dans cette réponse; on la trouvait trop longue; on m'accusait d'aigreur. J'observai que j'usais de mon droit, et qu'il n'y avait point d'aigreur à informer ceux qui ignoraient encore que Roland eût rendu ses comptes, qu'il l'avait fait depuis longtemps.] D. Si je n'avais vu personne dans mes liaisons qui fût ami de Dumouriez?

R. Que personne, à ma connaissance, n'avait d'intimité avec lui parmi celles que je voyais.

D. Si je n'avais pas eu des liaisons avec des traîtres? R. Que toutes les personnes que j'avais été dans le cas de voir étaient tellement connues par leur patriotisme, qu'on ne pouvait même les soupçonner de relations avec des traîtres.

D. Si je savais où était mon mari?

R. Que je l'ignorais.

D. Si je ne connaissais pas un projet de dissoudre les sociétés populaires?

R. Que personne en ma présence n'avait énoncé ni de projet, ni d'opinion de ce genre.

Là s'est terminé un interrogatoire fait après douze jours d'une arrestation non motivée, sans dire à l'interrogée de quoi elle est prévenue ou soupçonnée, sur quels faits par conséquent on devait la questionner.

Sûre de moi, parce que je ne puis que gagner à dire la vérité sur mes sentiments et sur toutes les personnes que j'ai fréquentées, j'ai négligé l'exercice de mes droits, j'ai répondu à tout avec simplicité.

L'interrogatoire était sur deux feuilles; on a demandé ma signature à la fin seulement. J'en ai réclamé copie; on me l'a promise pour le lendemain je ne l'ai pas reçue il y a neuf jours d'écoulés; je l'ai fait demander quatre fois inutilement. Mais en quittant l'administrateur, j'ai couché par écrit tout ce qui venait de se passer: je suis certaine d'avoir rapporté exactement ce qui s'est dit', et je signe, Roland, née Phlipon.

Après avoir envoyé son interrogatoire à Dulaure, Mme Roland l'adressa également à Duperret, député

1. On peut s'en convaincre, en effet, en rapprochant l'interrogatoire reproduit de mémoire par Mme Roland de celui qui a été rédigé et signé par les administrateurs de la police (Appendice, n° XII).

F.

des Bouches-du-Rhône, en lui écrivant la lettre suivante :

Brave citoyen, je vous fais passer mon véritable interrogatoire, dont la publicité est la seule réponse qu'il me convienne de faire aux mensonges de Duchesne et de ses pareils.

<< Si toute communication n'est point encore interdite avec nos amis détenus, dites-leur que l'injustice qu'ils éprouvent est la seule qui m'occupe. Quoi! ce peuple aveuglé laissera donc périr ses meilleurs défenseurs ! Ce pauvre Brissot, décrété d'accusation, est-il vrai qu'il soit arrêté? Mais que me sert de faire des questions? Vous ne pouvez me répondre, et vous ferez bien de brûler ce billet d'une main prétendue suspecte. Je vous honore et vous salue1.

Roland, née Phlipon, à l'Abbaye, 24 juin.

1. Mme Roland parle de cette lettre et de la correspondance qu'elle eut avec Duperret pendant sa détention, dans les Notes sur mon procès et l'interrogatoire qui l'a commencé.

loin dans ce volume.

Voir plus

F

PORTRAITS ET ANECDOTES'.

A Sainte-Pélagie, le 8 août 1793.

Il y a plus de deux mois que je suis incarcérée, parce que j'appartiens à un homme de bien qui s'est avisé d'être vertueux dans une révolution, et de rendre des comptes rigoureux étant ministre. Il a vainement sollicité durant cinq mois qu'on apurât ses comptes et jugeât son administration : l'examen en a été fait; mais comme il n'y avait pas de quoi médire, on n'a point voulu faire de rapport, et l'on a calomnié. L'activité de Roland, ses travaux multipliés, ses écrits sages lui avaient acquis une considération qu'on a crue redoutable; ou du moins les envieux l'ont fait croire telle, pour renverser un

1. Sur l'enveloppe qui renfermait le manuscrit de cette partie des mémoires, se trouvait la note suivante de la main de madame Roland:

« Le 31- août, je ferme ce travail fait à la hâte, comme matériaux, sous le titre de Portraits et anecdotes, commencé le 8 de ce mois, pour réparer ce qui fut perdu. Je ferme également les trois premiers cahiers de mes mémoires commencés le 9, et je suis fort étonnée d'avoir écrit environ trois cents pages en vingt-deux jours, dans mes instants de liberté d'esprit, lorsque je consacrais encore tant de moments au repos, à la rêverie, au clavecin et à la société, à cause du séjour de Mme Pétion, arrivée ici la nuit du 9 au 10; que ne fait-on point en allant toujours!» (Note de M. Barrière.)

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