Page images
PDF
EPUB

d'équité. Et Johnson lui-même n'est sur aucun sujet une autorité méprisable.

Il est sûr que le pouvoir des juges d'équité ne saurait être de changer, de leur chef, le droit écrit, c'est-à-dire les actes de parlement, et ainsi faire violence aux lois. Leur charge consiste seulement, comme on le prouvera dans la suite, à trouver des réparations pour les cas auxquels le bien public exige qu'on remédie, et auxquels les tribunaux ordinaires, gênés par leurs formes et anciennes institutions, ne sauraient pourvoir; ou en d'autres termes, les cours d'équité ont le droit d'administrer la justice aux individus, sans être gênés, non par les lois mais par les difficultés attachées à la robe et que les jurisconsultes ont de temps en temps inventées dans les tribunaux ordinaires, et auxquelles les juges qui y siégent ont donné leur sanction.

On reconnut bientôt à Rome la nécessité d'un emploi de cette nature, et cela par les mêmes raisons alléguées ci-dessus. Car il est assez remarquable que le corps de la robe, en Angleterre, en refusant d'adopter le code des lois romaines, tel qu'il existait dans les

derniers temps de l'empire, se soit seulement assujetti aux mêmes difficultés qu'éprouvaient les anciens jurisconsultes de Rome, pendant qu'ils élevaient l'édifice de ces mêmes lois. Et on peut aussi observer que les jurisconsultes anglais, ou les juges, se sont servis à-peu-près des mêmes expédiens que ceux que les jurisconsultes romains avaient adoptés.

Le préteur, dans l'ancienne Rome, s'était arrogé, par , par la suite du temps, cette charge de juge d'équité, comme une addition au pouvoir judiciaire qu'il possédait auparavant (1). Au commencement de l'année de son élection, le préteur déclarait les changemens, pour les cas nouveaux et épineux, qu'il se proposait de faire pendant le temps de sa préfecture; dans le choix et sur la propriété desquels il était sans doute dirigé, soit par ses propres observations, pendant qu'il

(1) Le préteur possédait ainsi deux branches distinctes d'autorité judiciaire, de la même manière que la cour de l'échiquier en Angleterre, qui, suivant l'occasion, s'assemble tantôt comme cour ordinaire, et tantôt comme cour d'équité.

était hors de charge, soit par les instructions d'habiles jurisconsultes sur ce sujet. Le préteur montrait cette déclaration in albo, comme on l'exprimait. Les jurisconsultes modernes ont fait plusieurs conjectures sur la vraie signification de ces mots; une de leurs suppositions, qui paraît des plus vraisemblables, est que l'edictum du préteur, ou articles qui contenaient les nouvelles décisions pour les cas futurs, était écrit sur une muraille blanche, à côté de son tribunal.

Entre les cas auxquels avaient pourvu les préteurs romains comme juges d'équité, on peut mettre les fils émancipés, et les parens d'alliance (cognati), quant au droit d'héritage. Par la loi des douze-tables on supposait que les premiers avaient cessé d'être enfans de leur père, et en conséquence on leur refusait leur portion à l'hérédité paternelle : quant aux parens d'alliance, il n'en était pas question dans l'article des lois qui traitaient du droit de succession, n'étant fait mention que des parens de sang (agnati). Ainsi, par l'édit undè liberi le préteur permettait aux émancipés de prétendre à l'héritage de leur père (ou grand-père ),

conjointement avec leurs frères ; et par celui d'undè cognati les parens d'alliance étaient mis en possession de l'héritage d'un allié, quand il n'y avait point de parent de sang. Ces deux genres d'hérédité n'étaient cependant pas appelés hæreditas, mais seulement ·bonorum possessio; ces dénominations étant très-exactement distinguées, quoique l'effet qui en résultait fût exactement le même (1).

(1) Comme l'autorité des pères, à Rome, était sans bornes, et durait toute leur vie il arrivait assez souvent qu'on émancipait des fils, soit pour la sùreté ou la satisfaction des personnes qui formaient quelque entreprise avec eux. Cette autorité des pères avait été portée si loin par les lois de Romulus, confirmées ensuite par celle des douze-tables, qu'ils pouvaient vendre leurs fils comme esclaves jusqu'à trois fois, siaprès la première ou seconde ils venaient à recouvrer leur liberté ; ce n'était donc qu'à la troisième fois que les fils redevenaient libres, qu'ils pouvaient entièrement se soustraire à l'autorité paternelle. Sur cette maxime de droit étaient fondées la formalité particulière et la méthode d'émanciper les fils. On apportait d'abord des balances et quelque monnaie de cuivre ; sans ces formalités, tout aurait été nul; et ensuite le père faisait une vente en due forme de son fils à la personne nommée pour l'acheter,

De même, les lois des douze-tables n'avaient fixé de réparation que pour les cas de vol, et il n'y était point fait mention de ceux où les biens se trouvaient enlevés de force (action qu'on ne regardait pas à Rome d'aussi mauvais œil que le vol, qui était considéré comme un crime particulier aux esclaves). A la suite du temps le préteur accorda indemnisation à ceux à qui il arriverait d'être privés de leurs biens par violence, et les autorisa à exiger quatre fois la valeur de la perte, de ceux qui avaient commis le fait malicieusement. Si cui dolo malo bona

rapta esse dicentur et in quadruplum JUDI

CIUM DABO.

,

ni

De plus, ni la loi des douze-tables, celles qui se firent ensuite dans les assemblées du peuple, n'avaient pourvu qu'à trèsde cas de fraude. En ceci, de même, le

peu

qui devait aussitôt l'affranchir : ces cérémonies se répétaient trois fois. Les témoins devaient être présens, outre un homme pour tenir les balances (libripens), et un autre (antestatus) pour rappeler aux témoins, dans l'occasion, l'importance de l'affaire qu'ils avaient devant les yeux.

« PreviousContinue »