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malgré lui. C'était dans les plaines d'Hochstet auprès de Donavert.

CHAP.

Après la première charge on vit encor un effet XVIII. de ce que peut la fortune dans les combats. L'ar- 20 Sept. mée ennemie & la Française, faifies d'une ter- 1703. reur panique, prirent la fuite toutes deux en même tems, & le Maréchal de Villars se vit. presque seul, quelques minutes, fur le champ de bataille: il rallia les troupes, les remena all combat, & remporta la victoire. On tua trois mille Impériaux: on en prit quatre mille: ils perdirent leur canon & leur bagage. L'Electeur fe rendit maître d'Augsbourg. Le chemin de Vienne était ouvert. Il fut agité dans le Conseil de l'Empereur, s'il fortirait de fa capitale.

Bataille

La terreur de l'Empereur était excufable, il était alors battu partout. Le Duc de Bourgog- 6 Sept. ne, ayant fous lui les Maréchaux de Tallard & de Vauban, venait de prendre le vieux Brifac. Tallard venait non-feulement de reprendre Landau, mais il avait encor défait auprès de Spire, le Prince de Heffe, depuis Roi de Suède, qui voulait fecourir la ville. Si l'on en croit le de Spire. Marquis de Feuquières, (cet Officier & ce ju- 14 Nov. ge fi inftruit dans l'art militaire, mais fi févère 1703. dans fes jugemens) le Maréchal de Tallard ne gagna cette bataille que par une faute & par une méprife. Mais enfin il écrivit du champ de bataille au Roi: Sire, votre armée a pris plus d'étendarts & de drapeaux, qu'elle n'a perdu de fimples foldats.

Cette action fut celle de toute la guerre où la bayonnette fit le plus de carnage. Les Français par leur impétuofité avaient un grand avantage en fe fervant de cette arme. Elle eft devenue depuis plus menaçante que meurtrière. Le feu foutenu & roulant a prévalu. Les Allemans

au jeu, livré à l'Empereur, ont fait avec lui leur fortune, &c. Il entend par ces mots, livré à l'Empereur, une intrigue que les Miniftres de l'Electeur de Bavière formaient alors pour faire la paix avec l'Autriche, dans le tems que la France combattait pour lui,

& les Anglais s'accoutumèrent à tirer par diviCHAP. fions avec plus d'ordre & de promptitude que XVIII, les Français. Les Pruffiens furent les premiers

qui chargèrent leurs fufils avec des baguettes de fer. Le fecond Roi de Pruffe les difciplina de forte qu'ils pouvaient tirer fix coups par minute très aifément. Trois rangs tirant à la fois, & avançant enfuite rapidement, décident aujourd'hui du fort des batailles. Les canons de campagne font un effet non moins redoutable. Les bataillons que ce feu ébranle n'attendent pas l'attaque des bayonnettes, & la cavalerie achève de les rompre. Ainfi la bayonnette effraye plus qu'elle ne tue, & l'épée eft devenue abfolument inutile à l'infanterie, La force du corps, l'adreffe, le courage d'un combattant ne lui fervent plus de rien. Les bataillons font devenus de grandes machines, dont la mieux montée dérange néceffairement celle qui lui eft oppofée. C'eft précifément par cette raifon que le Prince Eugène a gagné contre les Turcs les célèbres batailles de Témifvar & de Belgrade, où les Turcs auraient eu probablement l'avantage par leur nombre fupérieur, s'il y avait eu ce qu'on appelle une mêlée. Ainfi l'art de fe détruire eft nonfeulement tout autre de ce qu'il était avant l'invention de la poudre, mais de ce qu'il était il y a cent ans.

Cependant la fortune de la France fe foutenant d'abord fi heureusement du côté de l'Allemagne on préfumait que le Maréchal de Villars la poufferait encor plus loin, avec cette impéL'Elec- tuofité, qui déconcertait la lenteur Allemande. teur de Mais ce même caractère, qui en faifait un chef deman- redoutable, le rendait incompatible avec l'Elecde pour teur de Bavière. Le Roi voulait qu'un Général Son ne fût fier qu'avec l'ennemi; & l'Electeur de malheur Bavière fut affez malheureux, pour demander Général un autre Maréchal de France.

Bavière

un autre

que Villars lui-même fatigué des petites intriVillars gues d'une Cour orageufe & intéreffée, des irréfolutions de l'Electeur, & plus encor de

lettres du Miniftre d'Etat Chamillard plein de prévention contre lui comme d'ignorance, de- CHAP. manda au Roi fa retraite. Ce fut la feule ré- XVIII. compenfe qu'il eut des opérations de guerre les plus favantes & d'une bataille gagnée. Chamillard pour le malheur de la France l'envoya dans le fond des Cévennes, réprimer des payfans fanatiques, & il ôta aux armées Françaifes le feul Général qui pût alors, ainfi que le Duc de Vendôme, leur infpirer un courage invincible. On parlera de ces fanatiques dans le chapitre de la religion. Louis XIV avait alors des ennemis plus terribles, plus heureux, & plus irréconciliables que ces habitans des Cévennes.

CHAPITRE DIX-NEUVIEME.

Perte de la bataille de Blenheim ou d'Hochftet, & fes fuites.

y AE Duc de Marlboroug était revenu vers les Marlbo Pays-Bas au commencement de 1703 avec la mê-rong fais me conduite & la même fortune. Il avait pris la forti changer Bonn, réfidence de l'Electeur de Cologne. De- ne. là il avait repris Hui, Limbourg, & s'était rendu maître de tous le Bas-Rhin. Le Maréchal de Villeroi, au fortir de fa prifon, commandait en Flandre, & n'était pas plus heureux contre Marl boroug, qu'il l'avait été contre le Prince Eugène. En vain le Maréchal de Boufflers venait de remporter, avec un détachement de l'armée un petit avantage au combat d'Eckeren, contre Obdam Général Hollandais. Un fuccès qui n'a point de fuite, n'est rien.

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Cependant, fi le Général Anglais ne marchait pas au fecours de l'Empereur, la Maifon d'Autriche femblait perdue. L'Electeur de Bavière était maître de Paffau. Trente mille Français fous les ordres du Maréchal de Marfin, qui avait

fuccédé à Villars, inondaient le pays au-delà du CHAP. Danube. Des partis couraient dans l'Autriche. XIX. Vienne était menacée d'un côté par les Français

& les Bavarois, de l'autre par le Prince Ragotski, à la tête des Hongrois combattans pour leur liberté, & fecourus de l'argent de la France & de celui des Turcs. Alors le Prince Eugène accourt d'Italie; il vient prendre le commandement des armées d'Allemagne : il voit à Heilbron le Duc de Marlboroug. Ce Général Anglais, que rien ne gênait dans fa conduite; & que fa Reine & les Hollandais laiffaient maître de fes defleins, marche au fecours du centre de l'Empire. Il prend d'abord avec lui dix-mille Anglais d'infanterie & vingt-trois__efcadrons. Il hâte fa marche il arrive vers le Danube auprès de Donavert, vis-à-vis les lignes de l'Electeur de Bavière, dans lesquelles environ huit mille Français & autant de Bavarois retranchés, gardaient les pays conquis par eux. Après deux heuresCombat de combat, Marlboroug perce à la tête de trois de Do- bataillons Anglais, renverfe les Bavarois & les 2 Juillet Français. On dit qu'il tua fix mille hommes 1704. & qu'il en perdit prefque autant. Peu importe à un Général le nombre des morts quand il vient à bout de fon entreprise. Il prend Donavert: il paffe le Danube : il met la Bavière à contribution.

navert.

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Le Maréchal de Villeroi, qui l'avait voulu fuivre dans fes premières marches, l'avait tout d'un coup perdu de vue, & n'apprit où il était, qu'en apprenant cette victoire de Donavert.

Le Maréchal de Tallard, avec un corps d'environ trente mille hommes, vient pour s'oppofer à Marlboroug par un autre chemin & fe joint à l'Electeur; dans le même tems, le Prince Eugène arrive, & fe joint à Marlboroug.

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Enfin les deux armées fe rencontrent affez près de ce même Donavert, & dans les mêmes campagnes où le Maréchal de Villars avait remporté une victoire un an auparavant. Il était alors dans les Cévennes. Je fais, qu'ayant reçu

une lettre de l'armée de Tallard, écrite la veille de la bataille, par laquelle on lui mandait CHA P. la difpofition des deux armées, & la manière XIX. dont le Maréchal de Tallard voulait combattre, il écrivit au Président de Maifons fon-beau-frère, que fi le Maréchal de Tallard donnait bataille en gardant cette pofition, il ferait infailliblement défait. On montra la lettre à Louis XIV, elle a été publique.

d'Hoch

L'armée de France, en comptant les Bava- Basaille rois, était de quatre-vingt-deux bataillons & de fet cent foixante efcadrons; ce qui faifait à-peuprès foixante mille combattans parce que les corps n'étaient pas complets. Soixante-quatre bataillons & cent cinquante-deux efcadrons compofaient l'armée ennemie, qui n'était forte que d'environ cinquante-deux mille hommes; car on fait toujours les armées plus nombreufes qu'elles ne le font. Cette journée, fi fanglante & fi décifive, mérite une attention particulière. On Fautes a reproché bien des fautes aux Généraux Français; la première était, de s'être mis dans la néceffité de recevoir la bataille, au lieu de laiffer l'armée ennemie fe confumer faute de fourage, & de donner au Maréchal de Villeroi le tems de tomber fur les Pais-Bas dégarnis, ou de s'avancer en Allemagne. Mais il faut confidérer, pour réponse à ce reproche, que l'armée Fran çaise étant un peu plus forte que celle des alliés, pouvait efpérer de la défaire, & que la victoire eût détrôné l'Empereur. Le Marquis de Feuquières compte douze fautes capitales, que firent l'Electeur, Marfin & Tallard, avant & après la bataille. Une des plus confidérables était, de n'avoir point un gros corps d'infanterie à leur centre, & d'avoir féparé leurs deux corps d'armée. J'ai entendu fouvent de la bouche du Maréchal de Villars, que cette difpofition était inexcufable. Le maréchal de Tallard était à l'aîle droite, Tallard, l'Electeur avec Marfin à la gauche. Le Maréchal de Tallard avait dans le courage toute l'ardeur & la vivacité Française, un efprit actif, per

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