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l'appellant Monfeigneur, felon l'ufage, le conCHAP. jurant de lui laiffer ce qu'il avait acquis, l'affu XIII. rant de fon zèle & de fon fervice. Ses foumiffions furent auffi inutiles que fa réfiftance, & il

de Fran

falut que le vainqueur des Suédois rendît toutes fes conquêtes.

Ambaf- Alors les Ambaffadeurs de France prétendaient fadeurs la main fur les Electeurs. Celui de Brandebourg ce ne ce- offrit tous les tempéramens pour traiter à Clèves dent pas avec le Comte depuis Maréchal d'Eftrades, Amaux Ele- baffadeur auprès des Etats-Généraux. Le Roi

Heurs.

ne voulut jamais permettre qu'un homme qui le repréfentait cédât à un Electeur, & le Comte d'Eftrades ne put traiter.

Charles-Quint avait mis l'égalité entre les Grands d'Elpagne & les Electeurs. Les Pairs de France par conféquent la prétendaient. On voit aujourd'hui à quel point les chofes font changées, puifqu'aux Diètes de l'empire les Ambaffadeurs des Electeurs font traités comme ceux des Rois.

Quant à la Lorraine, il offrait de rétablit le nouveau Duc Charles V; mais il voulait refter maître de Nanci & de tous les grands chemins.

Ces conditions furent fixées avec la hauteur d'un conquérant; cependant elles n'étaient pas fi outrées qu'elles dûffent défefpérer fes ennemis, & les obliger à fe réunir contre lui, par un dernier effort: il parlait à l'Europe en maitre, & agiffait en même tems en politique.

Il fut aux conférences de Nimégue femer la jaloufie parmi les Alliés. Les Hollandais s'empreffèrent de figner, malgré le Prince d'Orange, qui, à quelque prix que ce fut, voulait faire la guerre; ils difaient, que les Efpagnols étaient trop faibles pour les fecourir, s'ils ne fignaient pas.

Les Espagnols, voyant que les Hollandais avaient accepté la paix, la recurent auffi, disant que l'Empire ne faifait pas affez d'efforts pour la caufe commune.

Enfin les Allemans, abandonnés de la Hol

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lande & de l'Espagne, fignèrent les derniers en laiffant Fribourg au Roi, & confirmant les CHAP. traités de Veftphalie.

Rien ne fut changé aux conditions prefcrites par Louis XIV. Ses ennemis eurent beau faire des propofitions outrées pour colorer leur faibleffe; l'Europe reçut de lui des loix & la paix. Il n'y eut que le Duc de Lorraine, qui ofa refufer l'acceptation d'un traité qui lui femblait trop odieux. Il aima mieux être un Prince errant dans l'Empire, qu'un Souverain fans pouvoir & fans considération dans fes Etats: il attendit fa fortune du tems & de fon courage.

XIII.

gnée.

Dans le tems des conférences de Nimégue, & Paix fiquatre jours après que les Plénipotentiaires de 10 Août France & de Hollande avaient figné la paix, le 1668. Prince d'Orange fit voir combien Louis XIV avait en lui un ennemi dangereux. Le Maréchal de Luxembourg, qui bloquait Mons, venait de recevoir la nouvelle de la paix. Il était tranquille dans le village de St. Denys, & dinait chez l'Intendant de l'armée. Le Prince d'Orange, avec Bataille toutes les troupes, fond fur le quartier du Ma- après la paix. réchal, le force, & engage un combat fanglant, 14 Août long & opiniâtre, dont il efpérait avec raifon une victoire fignalée; car non-feulement il attaquait, ce qui eft un avantage, mais il attaquait des troupes qui fe repofaient fur la foi du traité. Le Maréchal de Luxembourg eut beaucoup de peine à réfifter; & s'il y eut quelque avantage dans ce combat, il fut du côté du Prince d'Orange, puifque fon infanterie demeura maîtreffe du terrain où elle avait combattu.

le Prince

Si les hommes ambitieux comptaient pour quelque chofe le fang des autres hommes d'Orange n'eut point donné ce combat. Il favait certainement que la paix était fignée; il favait que cette paix était avantageufe à fon pays, cependant il prodiguait fa vie & celle de plufieurs milliers d'hommes , pour prémices d'une paix générale, qu'il n'aurait pû empêcher, même en battant les Français. Cette action, pleine d'in

humanité non moins que de grandeur, & plus CHA P. admirée alors que blâmée, ne produifit pas un XIII. nouvel article de paix, & coûta fans aucun fruit

la vie à deux mille Français & à autant d'ennemis. On vit dans cette paix, combien les événemens contre difent les projets. La Hollande contre qui feule la guerre avait été entreprise & qui aurait dû être détruite, n'y perdit rien; au contraire elle y gagna une barrière : & toutes les autres puiffances, qui l'avaient garantie de la deftruction, y perdirent.

Louis Le Roi fut en ce tems au comble de la granXIV arBitre de deur. Victorieux depuis qu'il régnait, n'ayant afl'Europe. fiégé aucune place qu'il n'eût prife, fupérieur en tout genre à fes ennemis réunis, la terreur de l'Europe pendant fix années de fuite, enfin fon arbitre & fon pacificateur, ajoutant à fes Etats la Franche-Comté, Dunkerque, & la moitié de la Flandre ; & ce qu'il devait compter pour le plus grand de fes avantages, Roi d'une nation alors heureufe, & alors le modèle des autres na-· tions. L'Hôtel-de-Ville de Paris lui déféra quelque tems après, en 1680, le nom de Grand avec folemnité, & ordonna que dorénavant ce titre feul ferait employé dans tous les monumens publics. On avait dès 1673 frappé quelques médailles chargées de ce furnom. L'Europe, quoique jaloufe, ne réclama pas contre ces honneurs. Cependant le nom de Louis XIV a prévalu dans le public fur celui de Grand. L'ufage eft le maître de tout. Henri, qui fut furnommé le Grand à fi jufte titre après la mort, eft appellé communément Henri IV; & ce nom feul en dit affez. Monfieur le Prince eft toujours appellé le grand Condé, non-feulement à caufe de fes actions héroïques, mais par la facilité qui fe trouve à le diftinguer, par ce furnom, des autres Prince de Condé. Si on l'avait nommé Condé le Grand, ce titre ne lui fût pas demeuré. On dit, le grand Corneille , pour le diftinguer de fon frère. On ne dit pas, le grand Virgile, ni le grand Homère, ni le grand Taffe, Alexandre le Grand n'est plus con

nu que fous le nom d'Alexandre. Charles-Quint, dont la fortune fut plus éclatante que celle de CHAP. Louis XIV, n'a jamais eu le nom de Grand. Il XIII. n'est resté à Charlemagne que comme un nom propre. Les titres ne fervent de rien pour la postérité; le nom d'un homme, qui a fait de grandes chofes, impofe plus de refpect que toutes les épithètes.

CHAPITRE QUATORZIEME.

Prife de Strasbourg: Bombardement d'Alger: Soumiffion de Gènes : Ambaffade de Siam: le Pape bravé dans Rome : Electorat de Cologne dif puté.

L'Ambition de Louis XIV ne fut point retenue par cette paix générale. L'Empire, l'Espagne, la Hollande, licentièrent leurs troupes extraordinaires. Il garda toutes les fiennes. Il fit de la paix un tems de conquêtes. Il était même fi fûr alors de fon pouvoir, qu'il établit dans Metz & dans 1680. Brifac a) des jurifdictions, pour réunir à fa couronne toutes les terres qui pouvaient avoir été autrefois de la dépendance de l'Alzace ou des JurifdiTrois-Evêchés, mais qui depuis un tems immé-les morial avaient paffé fous d'autres maîtres. Beau-Princes coup de Souverains de l'Empire, l'Electeur Pa- de l'Em pire.

a) Dans la compilation intitulée Mémoires de Madame de Maintenon, on trouve Tom. III. pag. 23. ces mots : les réunions des Chambres de Metz & de Befançon: nous avons cru d'abord qu'il y avait eu une Chambre de Besançon réunie à celle de Metz. Nous avons confulté tous les auteurs ; nous avons trouvé que jamais il n'y eut à Besançon de Chambre inftituée pour juger quelles terres voifines pouvaient appartenir à la France. Il n'y eut en 1680 que le Confeil de Brifac & celui de Metz chargés de réunir à la France les terres qu'on croyait démembrées de l'Alzace & des TroisEvêchés. Ce fut le Parlement de Befançon qui réunit pour quelque tems Mont-Beliard à la France.

latin, le Roi d'Espagne même, qui avait quel-CHAP. ques bailliages dans ces pays, le Roi de Suède XIV. comme Duc des Deux-Ponts, furent cités devant ces Chambres, pour rendre hommage au Roi de France, ou pour fubir la confifcation de leurs. biens. Depuis Charlemagne on n'avait vû aucun. Prince agir ainfi en maître & en juge des Souverains, & conquérir des pays par des arrêts.

L'Electeur Palatin & celui de Trèves furent dépouillés des Seigneuries de Falkembourg, de Gemersheim, de Veldentz, &c. Ils portèrent en vain leurs plaintes à l'Empire affemblé à Ratisbonne, qui fe contenta de faire des protestations.

Ce n'était pas affez au Roi d'avoir la Préfe-aure des dix villes libres de l'Alzace, au même titre que l'avaient eue les Empereurs. Déja dans aucune de ces villes on n'ofait plus parler de liberté. Reftait Strasbourg, ville grande & riche, maîtreffe du Rhin par le pont qu'elle avait fur ce fleuve, & qui formait feule une puiffante République, fameufe par fon arsenal, qui renfermait neuf cent piéces d'artillerie.

Louis Louvois avait formé dès longtems le deffein de s'empare la donner à fon maître. L'or, l'intrigue & la terde Straf bourg. reur, qui lui avaient ouvert les portes de tant de villes, préparèrent l'entrée de Louvois dans Strasbourg. Les Magiftrats furent gagnés. Le peuple fut confterné de voir à la fois vingt mille François autour de leurs remparts; les forts, qui les défendaient près du Rhin, infultés & pris dans un moment; Louvois à leurs portes, & leurs 30 Sept. Bourguemeftres parlant de fe rendre. Les pleurs 1681. & le defefpoir des citoyens amoureux de la li

berté, n'empêchèrent point qu'en un même jour le traité de reddition ne fut propofé par les Magiftrats, & que Louvois ne prît poffeffion de la ville. Vauban l'a rendue depuis, par les fortifications qui l'entourent, la barrière la plus forte de la France.

Le Roi ne ménageait pas plus l'Espagne ; .il demandait dans les Pays-Bas la ville d'Aloft &

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