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Peut-être ne fut-il jamais fi grand qu'en fervant
ainfi fon émule.

CHAP.

1648.

Il dégagea lui-même le Maréchal de Grammont, III. qui pliait avec l'aîle gauche; il prit le Général 10 Aouft Beck. L'Archiduc fe fauva à peine avec le Comte de Fuenfaldagne. Les Impériaux & les Efpagnols, qui compofaient cette armée, furent difTipés; ils perdirent plus de cent drapeaux, & trente-huit piéces de canon; ce qui était alors très confidérable. On leur fit cinq mille prifonniers, on leur tua trois mille hommes, le refte déferta, & l'Archiduc demeura fans armée.

Ceux qui veulent véritablement s'inftruire peuvent remarquer que depuis la fondation de la Monarchie jamais les Français n'avaient gagné de fuite tant de batailles & de fi glorieufes par la conduite & par le courage.

Tandis que le prince de Condé c) comptait ainfi les années de fa jeuneffe par des victoires, & que le Duc d'Orléans, frère de Louis XIII, avait auffi foutenu la réputation d'un fils de Henri Juillet IV & celle de la France, par la prife de Gra- 1644. velines, par celle de Courtrai & de Mardik le Vicomte de Turenne avait pris Landau avait chaffé les Espagnols de Trêves & rétabli l'Electeur.

il ;

Nov.

1644.

Il gagna avec les Suédois la bataille de Lavin- Nov. gen, celle de Sommerhaufen, & contraignit le 1647. Duc de Bavière à fortir de fes États à l'âge de près de quatre-vingt ans. Le Comte de Harcourt prit Balaguier, & battit les Efpagnols. Ils perdirent 1645. en Italie Portolongone. Vingt vaiffeaux & vingt galères de France, qui compofaient prefque toute la marine rétablie par Richelieu, battirent la flotte Espagnole fur la côte d'Italie.

Ce n'était pas tout; les armes Françaises avaient encore envahi la Lorraine fur le Duc Charles IV, Prince guerrier, mais inconftant, imprudent & malheureux, qui se vit à la fois dépouillé de fon Etat par la France, & retenu prifonnier par les Efpagnols. Les alliés de la France preffaient la € ) Son père était mort en 1646.

1646.

puiffance Autrichienne au midi & au nord. Le CHAP Duc d'Albuquerque, Général des Portugais, gaIII. gna contre l'Espagne la bataille de Badajoz. Torftenfon défit les Impériaux près de Tabor, & remporta une victoire complette. Le prince d'Orange à la tête des Hollandais, pénétra jufques dans le Brabant.

Mai

1644. Mars

1645.

Le roi d'Espagne, battu de tous côtés, voyait Le der le Rouffillon & la Catalogne entre les mains des nier Duc de Guife Français. Naples révoltée contre lui, venait de à Na fe donner au Duc de Guife, dernier Prince de ples. cette branche d'une maison fi féconde en hommes 1647. illuftres & dangereux. Celui-ci qui ne paffa que pour un avanturier audacieux, parce qu'il ne réuffit pas, avait eu du moins la gloire d'aborder feul dans une barque au milieu de la flotte d'Efpagne, & de défendre Naples, fans autre fecours que fon courage.

A voir tant de malheurs qui fondaient sur la Maifon d'Autriche, tant de victoires accumulées par les Français, & fecondées des fuccès de leurs alliés, on croirait que Vienne & Madrid n'attendaient que le moment d'ouvrir leurs portes, & que l'Empereur & le Roi d'Efpagne étaient prefque fans Etats. Cependant cinq années de gloire à peine traversées par quelques revers, produifirent que très peu d'avantages réels, beaucoup de fang répandu, & nulle révolution. S'il y en eut une à craindre, ce fut pour la France; elle touchait à fa ruine au milieu de ces profpérités apparentes.

ne

CHAPITRE QUATRI E ME.

LA

Guerre civile.

Mazarin A Reine Anne d'Autriche, Régente abfolue, premier avait fait du Cardinal Mazarin, le maître de la Miniftre. France; & le fien. Il avait fur elle cet empire,

qu'un

qu'un homme adroit devait avoir für une femme née avec affez de faibleffe pour être dominée, & CHAP. avec affez de fermeté pour perfifter dans fon choix.

IV.

Potier

de Beau

On lit dans quelques mémoires de ces temslà, que la Reine ne donna fa confiance à Mazarin, qu'au défaut de Potier Evêque de Beauvais, qu'elle avait d'abord choifi pour fon Miniftre. On peint cet Evêque comme un homme incapable: il eft à croire qu'il l'était, & que la évêque Reine ne s'en était fervie quelque tems que com- vais. me d'un fantôme, pour ne pas effaroucher d'abord la nation par le choix d'un fecond Cardinal & d'un étranger. Mais ce qu'il ne faut pas croire, c'est que Potier eût commencé fon miniftère paffager par déclarer aux Hollandais qu'il falait qu'ils fe filent Catholiques s'ils voulaient demeurer dans l'alliance de la France. Il aurait donc dû faire la même propofition aux Suédois. Prefque tous les hiftoriens rapportent cette abfurdité, parce qu'ils l'ont lue dans les mémoires des courtisans & des frondeurs. Il n'y a que trop de traits dans ces mémoires, ou falfifiés par la paffion, ou rapportés fur des bruits populaires. Le puéril ne doit pas être cité, & l'abfurde ne peut être cru. Il eft très vraisemblable que le Cardinal Mazarin était Miniftre défigné depuis longtems dans l'efprit de la Reine, & même du vivant de Louis XIII. On ne peut en douter quand on a lû les mémoires de La Porte premier valet de chambre d'Anne d'Autriche. Les fubalternes témoins de tout l'intérieur d'une Cour favent des choses que les Parlemens & les chefs de parti même ignorent, ou ne font que foup

çonner.

Mazarin ufa d'abord avec modération de fa puiffance. Il faudrait avoir vécu longtems avec un Miniftre, pour peindre fon caractère, pour dire quel degré de courage ou de faibleffe il avait dans l'efprit, à quel point il était ou prudent ou fourbe. Ainfi fans vouloir deviner ce qu'était Mazarin, on dira feulement ce qu'il fit. Il affecta, dans les commencemens de fa grandeur, auSiécle de Louis XIV. I

tant de fimplicité que Richelieu avait déployé de CHAP. hauteur. Loin de prendre des gardes & de marIV. cher avec un fafte royal, il eut d'abord le train le plus modefte; il mit de l'affabilité & même de la molleffe par-tout où fon prédéceffeur avait fait paraître une fierté inflexible. La Reine voulait faire aimer fa régence & fa perfonne, de la Cour & des peuples, & elle y réuffiffait. Gafton, Duc d'Orléans, frère de Louis XIII, & le Prince de Condé, appuyaient fon pouvoir, & n'avaient d'émulation que pour fervir l'Etat.

ces,

Il falait des impôts pour foutenir la guerre Finan contre l'Efpagne & contre l'Empereur. Les finances en France étaient depuis la mort du grand principe de tout. Henri IV auffi mal adminiftrées qu'en Efpagne, & en Allemagne. La régie était un cahos, l'ignorance extrême, le brigandage au comble: mais ce brigandage ne s'étendait pas fur des objets auffi confidérables qu'aujourd'hui. L'Etat était huit fois moins endetté; on n'avait point des armées de deux cent mille hommes à foudoyer, point de fubfides immenfes à payer, point de guerre maritime à foutenir. Les revenus de l'Etat montaient dans les premières années de la régence à près de foixante & quinze millions de livres de ce tems. C'était affez s'il y avait eu de l'œconomie dans le Ministère: mais en 1646 & 47 on eut befoin de nouveaux fecours. Le Sur - Intendant était alors un payfan Siennois nommé PartiLe Sur- celli Emeri, dont l'ame était plus baffe que la dant E- naiffance, & dont le fafte & les débauches indignaient la nation. Cet homme inventait des reffources onéreufes & ridicules. Il créa des charges de controlleurs de fagots, de jurés vendeurs de foin, de confeillers du Roi crieurs de vin; il vendait des lettres de nobleffe. Les rentes fur l'Hôtel-de-Ville de Paris ne fe montaient alors qu'à près d'onze millions. On retrancha quelques quartiers aux rentiers; on augmenta les droits d'entrée; on créa quelques charges de Maîtres des Requêtes; on retint environ quatre-vingt mille écus de gages aux Magiftrats.

Inten

meri.

Il eft aifé de juger combien les efprits furent foulevés contre deux Italiens, venus tous deux CHA P. en France fans fortune, enrichis aux dépens de IV. Murmu la nation, qui donnaient tant de prife fur eux. Le Parlement de Paris, les Maîtres des Requê-res. tes, les autres Cours, les rentiers s'ameutèrent. En vain Mazarin ôta la fur- intendance à fon confident Emeri, & le relégua dans une de fes terres: on s'indignait encor que cet homme eût des terres en France; & on eut le Cardinal Mazarin en horreur, quoique dans ce tems-là même il confommât le grand ouvrage de la paix de Munfter. Car il faut bien remarquer que ce fameux traité & les barricades font de la même année 1648.

Les guerres civiles commencèrent à Paris comme elles avaient commencé à Londres, pour un peu d'argent.

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Le Parlement de Paris en poffeffion de véri- 1647. fier les édits de ces taxes s'oppofa vivement aux nouveaux édits; il acquit la confiance des peuples, par les contradictions dont il fatigua le Ministère.

On ne commença pas d'abord par la révolte; les efprits ne s'aigrirent & ne s'enhardirent que par degrés. La populace peut d'abord courir aux armes & fe choifir un chef, comme on avait fait à Naples. Mais des Magiftrats, des hommes d'Etat procèdent avec plus de maturité, & commencent par observer les bienséances, autant que l'efprit de parti peut le permettre.

Le Cardinal Mazarin avait cru qu'en divifant adroitement la Magiftrature, il préviendrait tous les troubles, mais on oppofa l'inflexibilité à la foupleffe. Il retranchait quatre années de gages à toutes les Cours fupérieures, en leur remettant la Paulette, c'est-à-dire en les exemptant de payer la taxe inventée par Paulet fous Henri IV, pour s'affurer la proprieté de leurs charges. Ce retranchement n'était pas une léfion, mais il confervait les quatre années au Parlement, penfant le défarmer par cette faveur. Le Parlement mé

Parle

ment.

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