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règne de la liberté et de l'égalité! Je demande qué les membres de la Commune répondent sur leurs têtes de la sûreté de tous les prisonniers. (Les applaudissemens recommencent et se prolongent.)

L'assemblée décrète unanimement la proposition.

Une députation de la Commune se présente à la barre.

M. le maire. Ma tête a toujours été dévouée à la liberté de mon pays: elle tombera avant que le maire de Paris cesse de remplir son devoir. (On applaudit.) Je ne suis pas à gémir des excès qui se commettent chaque jour. J'ai souvent été désespéré de mon impuissance; mais j'ai toujours fait ce qui a dépendu de moi pour le maintien de l'ordre et le rétablissement de la tranquillité. Il est temps qu'elle règne, et que Paris devienne la ville sûre pour tous les citoyens. Ce n'est pas le peuple qui se livre à ces excès; ce sont des hommes perfides qui se mêlent au milieu de lui, et, sous les dehors d'un patriotisme exagéré, lui font commettre des horreurs dont il est le premier à gémir. Aussitôt que vous pouvez l'éclairer, aussitôt il reconnaît ses torts. Nous avons parmi nous, personne n'en peut douter, des agens payés par nos ennemis. J'ai appris qu'il y avait de la fermentation autour des prisons. Je me suis rendu à la Conciergerie, et le peuple a promis que tous les prisonniers seront respectés. (On applaudit.) Je l'ai conjuré d'arrêter le premier qui porterait la main sur un prisonnier, et il l'a promis. Le moment premier, le moment d'insurrection est passé. On persuade au peuple qu'il est toujours en insurrection. On lui dit qu'on va faire une Constitution, on lui fait accroire qu'il est sans lois. On lui dit: Vous allez retomber dans les fers si vous ne continuez à déployer votre énergie. C'est par ces manœuvres abominables qu'on veut faire du peuple le plus doux un peuple sanguinaire et féroce. Ils veulent, ceux-là, non pas nous conduire à la liberté, mais nous entraîner à l'esclavage; car l'anarchie nous aurait bientôt replongés dans les fers. J'ai donné les ordres les plus précis et les plus vigoureux. M. le commandant-général était absent; je ne doute point qu'il ne vienne bientôt vous rendre compte des mesures qu'il aura

prises. Dans ces momens de crises, il importerait que les magistrats fussent les premiers avertis. Eh bien ! je le dis avec douleur, c'est toujours moi qu'on avertit le dernier. (On murmure d'indignation.) Les citoyens devraient toujours se porter à la municipalité, ils me trouveraient toujours prêt; quand on est averti du mal avant qu'il commence, on le prévient toujours; mais il est bien difficile de l'arrêter lorsqu'on n'a pas été prévenu. Vous avez mandé la Commune par un décret. Elle attend vos ordres. (On applaudit.)

M. le président notifie à M. le maire et à la députation les décrets rendus ce matin, et celui qui vient de l'être sur la proposition de M. Vergniaud.

M. Pétion. On a parlé de mandats d'arrêts comme émanés de la Commune, mais la Commune n'en a aucune connaissance. Ces mandats ont été décernés par un comité de police de sùreté, duquel sont membres quelques représentans de la Com

mune.

M. Vergniaud. Dans la loi qui attribue à la Commune de Paris le droit de décerner des mandats d'arrêts, il n'y a pas un seul article qui l'autorise à déléguer ce droit. La Commune, qui a été soustraite à la surveillance de la commission administrative, aurait même dû informer le corps législatif, au moins dans les vingt-quatre heures, des mandats d'arrêt qu'elle aurait pu décerner. Mais enfin, puisque la loi ne s'explique pas à cet égard, il est de son devoir, et de son devoir rigoureux, de se faire rendre compte de ces mandats d'arrêt.

M. Kersaint. Je demande que la Commune soit tenue de nous rendre compte de tous les mandats d'arrêt qu'elle a décernés ou fait décerner, de la quantité de personnes qui ont été arrêtées, et de la nature des délits dont elles sont prévenues. (On applaudit.)

Cette proposition est décrétée.

M. Santerre, commandant général. Je viens de recevoir un de

vos décrets qui me mande à votre barre. Je m'empresse de m'y rendre. Qu'il me soit permis de vous assurer que les désordres dont on nous menace n'auront point lieu. La garde nationale est active; elle ne refuse aucun service. Cette nuit, quand j'ai été instruit du vol, j'ai requis une force nombreuse, et deux heures après toutes les barrières étaient gardées. Je vais encore doubler la force, c'est un reste d'aristocratie qui expire. Ne craignez rien, elle ne pourra jamais se relever. (On applaudit.)

La section armée du Théâtre-Français offre à l'assemblée une compagnie pour sa sûreté. (On applaudit.)

La députation est introduite aux honneurs de la séance.

Une députation de la section du Contrat-Social présente une pétition pour que la peine de mort soit portée contre le vol dans ce moment, afin d'arrêter les brigandages, et qu'il soit établi douze tribunaux criminels pour juger les prévenus dans les vingtquatre heures.

Du 18 septembre, à neuf heures du matin.

Un député de l'administration du département d'Indre-et-Loire annonce qu'une disette effroyable se fait sentir à Tours, malgré les mesures multipliées prises pour la prévenir ; que la municipalité a été obligée, par l'autorité des commissaires de l'assemblée nationale, de réduire la taxe du pain de trois sous trois deniers, à deux sous la livre; ce qui l'oblige à des indemnités envers les boulangers de plus de 2,000 livres par jour. Il demande un secours de 300,000 livres pour subvenir à cette dépense momentanée, et pour l'établissement d'un atelier de charité, et se plaint de ce que dans ce moment de crise, plusieurs administrateurs ont donné leur démission. Il dénonce les émissaires qui semblent n'avoir été envoyés de Paris dans les départemens, que pour agiter le peuple et propager les séditions.

Sur la proposition de M. Baignoux, cette pétition est renvoyée au ministre de l'intérieur, qui pourvoira aux besoins de la ville de Tours, avec les fonds qui sont en sa disposition.

On lit une lettre du maréchal de camp Maskinski, commandant dans le département des Ardennes. Il annonce qu'en arrivant à Sedan il a trouvé cette ville dans une état de désolation inconcevable; que le peuple, agité par les craintes d'une invasion, et irrité par les trahisons des anciens chefs militaires, s'est porté à des violences envers plusieurs particuliers suspects; mais que ses soins ont bientôt rétabli le calme. Il ajoute qu'il est parvenu à mettre cette place dans un état imposant de défense. Cinq mille hommes composent la garnison au-dedans. Ainsi, aucune inquiétude fondée ne peut être conçue sur la défense de cette place.

M. François de Neufchâteau. Puisqu'il est question de camps intermédiaires, je crois devoir vous communiquer des vues qui m'ont été fournies par M. Salles, ci-devant député à l'assemblée constituante, et actuellement à la Convention nationale. Dans les départemens de la Meurthe et des Vosges, on a considéré qu'il était impossible que les gardes nationaux sédentaires, malgré leur bonne volonté, pussent résister dans les villes et villages ouharceler verts, et l'on en sent facilement les raisons. Mais, pour l'ennemi, pour retarder, pour couper sa marche, ils peuvent faire un service très-utile dans des redoutes et dans de petits camps. Les administrations de ces deux départemens ont en conséquence chargé des ingénieurs de choisir des postes avantageux et des positions militaires. On y place de l'artillerie, et l'on y forme de petits camps où cent hommes campent pendant deux jours, et sont relevés par cent autres. Des signaux sont établis, au moyen desquels quatre à cinq mille gardes nationaux peuvent se réunir en un instant dans ces camps, où ils ont chacun un poste déterminé à l'avance. Ce système de défense est très-bon; mais pour qu'il s'exécute d'une manière uniforme et complète, il faut qu'il soit dirigé par un centre unique d'autorité; il faut que des règles soient établies pour l'établissement et l'approvisionnement de ces postes. Déjà M. Kersaint vous avait proposé un système de défense partielle à peu près semblable. Je demande que le comité militaire nous en fasse son rapport.

Cette proposition est décrétée.

On lit une lettre du maire de Paris.

Monsieur le président, hier les esprits étaient agités. On répandait les bruits les plus alarmans; le peuple s'attroupait dans les lieux publics. Un homme qui était au carcan sur la place de la maison commune, courait des risques pour sa vie. Je m'y suis rendu à temps, et le peuple à écouté la voix de la raison et de la justice. On parlait de se rendre de nouveau aux prisons, notamment à celle de la Conciergerie. J'y suis allé sur-le-champ; j'ai harangué les citoyens égarés par des suggestions perfides; je leur ai proposé d'arrêter eux-mêmes le premier qui voudrait aller violer cet asile, et porter une main barbare sur la personne d'un prisonnier. J'ai été vivement applaudi. Il est aisé de s'apercevoir que ce n'est qu'un très-petit nombre d'hommes qui, dans les groupes, cherche à échauffer les esprits. J'ai requis le commandant général de faire doubler les postes de réserve, et de faire faire des patrouilles nombreuses. Il n'est arrivé ce matin aucun événement; mais il est besoin d'une surveillance très-active de la part des personnes qui ont l'autorité en main.

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M. Charlier. Il y a des agitateurs de plusieurs espèces. Vous avez entendu, par exemple, M. Billaud de Varennes vous dénoncer la municipalité de Châlons comme contre-révolutionnaire. Cette dénonciation a été réfutée et par le témoignage des commissaires du conseil exécutif, et par une adresse remplie de sentimens patriotiques, qui vous a été envoyée par le conseil général de la Commune, et dont vous avez décrété l'impression avec une mention honorable. Eh bien ! malgré ces témoignages, la dénonciation n'a pas moins produit son effet. Plusieurs de nos frères d'armes, trompés par ces suggestions, ont braqué leurs canons devant la maison commune, ont voulu assassiner le maire. Je demande que l'assemblée venge le civisme de cette commune, et qu'elle ordonne que le décret qu'elle a rendu à cet égard, soit envoyé sur-le-champ à Châlons, afin que ma malheureuse patrie

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