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trie n'aura plus rien à redouter des nuées de satellites féroces qui s'avancent contre la capitale.

› La Commune de Paris se hâte d'informer ses frères de tous les départemens qu'une partie des conspirateurs féroces détenus dans les prisons a été mise à mort par le peuple; actes de justice qui lui ont paru indispensables pour retenir, par la terreur, ces légions de traitres cachés dans ses murs, au moment où il allait marcher à l'ennemi; et sans doute la nation entière, après la longue suite de trahisons qui l'ont conduite sur les bords de l'abime, s'empressera d'adopter ce moyen si nécessaire de salut public, et tous les Français s'écrieront comme les Parisiens: Nous marchons à l'ennemi; mais nous ne laisserons pas derrière nous des brigands, pour égorger nos enfans et nos femmes.

› Frères et amis, nous nous attendons qu'une partie d'entre vous va voler à notre secours, et nous aider à repousser les légions innombrables de satellites des despotes conjurés à la perte des Français. Nous allons ensemble sauver la patrie, et nous vous devrons la gloire de l'avoir retirée de l'abîme.

› Les administrateurs du comité de salut public et les administrateurs adjoints réunis.

› Signé, PIERRE DUPLAIN, PANIS, SERGENT, LENFANT, JOURDEUIL, MARAT, l'ami du peuple, Deforgues, Leclerc, DUFORT, CALLY, constitués par la Commune et séans à la mairie.

« Paris, 3 septembre 1792.

› N. B. Nos frères sont invités à remettre cette lettre sous presse et à la faire passer à toutes les municipalités de leur arrondissement. (Chronique du mois, novembre, 1792, p. 76.)

Il y eut en effet quelques massacres dans les provinces; ils eurent principalement lieu, au moins si nous pouvons en juger par le peu de renseignemens que nous trouvons là-dessus, sur la route militaire qui allait de Paris aux frontières. A Reims, huit personnes environ, prêtres et laïes furent victimes. Cependant, lors de l'instruction sur les massacres de septembre, deux individus

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furent exécutés dans cette ville comme y ayant participé, les nommés Souris et Leclerc. A Meaux, une bande que l'on dit venue de Paris, dirigea un mouvement sur la prison; quatorze détenus furent massacrés; on comptait parmi eux sept prétres, six condamnés aux galères, et un prévenu d'assassinat. Parmi les auteurs de cette exécution, on trouve les noms de François Lombard, tisserand; de Denis Petit, frippier; de Pierrë Robert, cordonnier; de Pierre Lemoine dit Moreau, portefaix, qui furent pour ce fait condamnés plus tard à mort à Melun; de Adrien Leredde, portefaix, condamné aux fers pour le même sujet; de Goulat, boucher, qui mourut en détention, etc.— A Lyon, une liste de deux cents personnes, dit-on, avait été formée. Le mouvement sur les prisons eut lieu le rassemblement se porta d'abord au château de Pierre-Scies; sur neuf officiers de Royal-Dragons qui y étaient enfermés, huit furent tués, un s'échappa par-dessus la muraille. On alla ensuite à la prison de Roanne, où plusieurs ecclésiastiques étaient enfermés; mais ils s'échappèrent, graces à la concierge. Un seul fut saisi, et conduit sur la place des Terreaux où il eut la tête tranchée. On s'empara d'un autre prêtre, dans la rue, caché sous un costume de femme; il fut tué. La dernière victime fut un curé détenu dans la prison de Saint-Joseph. Ainsi, onze personnes seulement furent exécutées. Mais la garde nationale était sous les armes et empêcha les visites domiciliaires et les arrestations qui eussent suivi.

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Il ne nous reste plus à parler que de ce qui se passa à Versailles, c'est-à-dire du massacre des prisonniers d'Orléans et de celui qui eat lieu à la maison de justice de cette ville.

Un corps armé, composé, dit-on, de deux cents Marseillais, et commandé par Lajouski, était parti, dans les derniers jours d'août, pour aller chercher les prévenus mis en accusation devant la haute-cour d'Orléans et les ramener à Paris. Il fut renforcé bientôt par une troupe nombreuse de volontaires levée dans les sections de Paris par Fournier, agissant, assure-t-on aussi, par les ordres du ministre de la justice. On arriva à Or

léans le 30 août, où l'on avait été précédé pas les commissaires de l'assemblée, Léonard Bourdon et Prosper Dubail. Les Parisiens furent fêtés par la ville. La haute-cour avait précipité un de ses jugemens, elle avait condamné à mort un sieur du Lery; en sorte que les nouveau-venus commencèrent par fournir une escorte pour la guillotine; ensuite ils s'emparèrent de la prison. Les prisonniers (1) partirent le 4 septembre. L'escorte, commandée par Fournier, n'était pas de moins de quinze cents hommes, dit-on. On arriva à Versailles le 9; ce fut là que les prévenus furent massacrés. Nos lecteurs trouveront, dans les documens complémentaires, les procès-verbaux de la municipalité de Versailles, où tous les détails de la scène sont racontés. Selon Maton-de-laVarenne, quarante-deux furent tués, huit échappèrent. Après cette exécution, le rassemblement se porta sur la prison, et du 9 au 10 il y mit à mort vingt-trois prisonniers. Le massacre fut arrêté sur les instances et par l'énergie de l'accusateur public. Au reste, parmi les hommes mis à mort, il n'y eut qu'un seul prêtre, chapelain de la chapelle du roi; tous les autres étaient des condamnés ou des prévenus pour vol ou assassinat.

A Orléans un mouvement eut lieu le 16; plusieurs maisons furent attaquées et trois individus massacrés.

Enfin, pour terminer cette liste mortuaire, le 14, à Gisors, le duc de Larochefoucault de la Roche-Guyon, arrêté par ordre de la Commune, sur la demande, dit Maton, de Santerre, et, sur la recommandation de Condorcet, traversait la ville dans sa voiture, accompagné du commissaire envoyé de Paris; là il fut tué d'un coup de pavé, qui lui fut lancé par un homme du peuple. Telles furent les journées de septembre.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

Depuis ces terribles jours jusqu'à la première séance de la Convention, le 21 septembre, l'assemblée ne fut plus qu'un corps

(1)au nombre, selon Maton-de-la-Varenne, de cinquante, et, selon Peltier, de cinquante-trois,

administratif. Elle fit encore des lois, mais sans souveraineté; car elles ne furent exécutées que sous le bon plaisir de la municipalité de Paris; le 16 et le 17, elle fit un effort pour subalterniser son audacieuse rivale, mais ce fut sans succès. Nous allons brièvement recueillir tout ce que ses séances offrent de remarquable.

SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE AU MATIN.

M. Chabot, l'un des commissaires chargés de parcourir les sections de Paris. Vous n'ignorez pas que nos ennemis cherchent à désorganiser toutes les autorités constituées; qu'ils cherchent même à dépopulariser l'assemblée nationale, pour élever sur elle une autorité usurpatrice : je vous annonce qu'ils n'ont pas réussi à vous dépopulariser; car partout où vos commissaires passent, des cris, vive la nation, vive l'assemblée nationale, se font entendre; mais il ne serait pas impossible qu'ils y réussissent, et certes le moyen qu'ils emploient est le plus dangereux. On répard que vous n'avez suspendu Louis XVI que pour placer le duc de Brunswick ou le duc d'York sur le trône. (Il s'élève un mouvement d'indignation.) Je dois répéter ces calomnies atroces, parce que je les ai entendues; sans doute il ne vous appartient pas de juger la grande question de savoir si nous aurons encore des rois, vous n'êtes pas constituans; c'est à la Convention naMionale à prononcer, et au peuple à ratifier, et vous avez fait l'acte généreux d'en appeler à la nation entière; mais pouvez-vous permettre que l'on calomnie vos intentions et vos principes? Pouvezvous souffrir que l'on publie que vous êtes disposés à vous rendre an parti d'un prince étranger et à entrer en capitulation avec lui? Non, je lis dans tous vos cœurs que vous abhorrez d'une manière égale tous les rois quelconques. (Un cri unanime: Oui, oui, se fait entendre avec force dans l'assemblée et dans toutes les tribunes.) Voulez-vous ôter à vos ennemis cette arme dangereuse, la seule qui leur reste. Eh bien! laissant à la nation le droit de se donner le gouvernement qu'elle jugera convenable, déclarez individuellement que vous êtes convaincus, par une fu

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neste expérience, des vices des rois et de la royauté, et que vous les détesterez jusqu'à la mort. (Nombreux applaudissemens.)

L'assemblée se lève tout entière, en criant: Oui, nous le jurons; plus de roi!

M. Chabot. Vous en faites le serment, eh bien! avec cette déclaration, je m'engage à détruire toutes les calomnies, à déjouer, soit dans la capitale, soit dans l'armée, soit dans les départemens, toutes les manoeuvres de nos ennemis. Je suis persuadé que le peuple français, qui ne veut plus d'autre roi que lui-même, d'autres lois que celles de la liberté et de l'égalité, nous conservera toute sa confiance, en dépit de nos calomniateurs.

M. Dubayet. Je demande que dans le moment où l'on répand les absurdes imputations dénoncées par M. Chabot, nous déclarions en même temps que nous ne souffrirons jamais qu'un étranger donne des lois à la France, et que jamais nous ne capitulerons avec lui. (Même acclamation de l'assemblée unanime.)

M. Larivière. Il n'est pas question seulement d'étrangers; nous jurons par tout ce qu'il y a de plus sacré, que jamais, de notre consentement, aucun monarque ni étranger, ni français, ne souillera la terre de la liberté. (On applaudit.) Je demande que M. Chabot soit invité à rédiger la formule de ce serment.

M. Guadet. La commission extraordinaire a prévenu le vœu du préopinant et celui de l'assemblée dans sa séance de cette nuit; elle s'est occupée de rédiger un projet d'adresse, qui contient le serment que vous venez de prêter; elle est jalouse de manifester hautement à cet égard quels sont ses sentimens.

M. Guadet lit un projet d'adresse.

M. Thuriot. Je demande à faire une observation sur cette adresse. Je déteste les tyrans, autant que tous les membres de l'assemblée, et je ne crois pas qu'il soit possible d'avoir de rois sans tyrans; cependant nous devons rédiger notre déclaration avec beaucoup de précaution, afin de ne pas laisser croire que nous voulons anticiper sur le prononcé de la Convention nationale.

M. Fauchet. J'observe que l'adresse qui vient d'ètre lue ne

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