Page images
PDF
EPUB

acquitté. Cela prouve que le 24 on ne pensait pas à la mesure générale dont nous nous occupons en ce moment. Sur quarantecinq soldats et sous-officiers restans, quatre furent transférés à l'hôpital du Gros-Caillou le 21, et un le 28; deux furent mis en liberté le 27 par ordre du comité de surveillance. Ainsi, trentehuit gardes suisses étaient enfermés à l'Abbaye le 2 septembre.

En marge de leurs écrous on trouve, à la colonne de sortie, ce seul mot, MORTS. Ainsi ils furent tués en masse, et probablement sans jugement.

Il en fut de même des ex-gardes du roi, qui étaient détenus au nombre de vingt-six. En marge de leurs écrous est écrit: MORTS, HORS UN SAUVÉ.

Viennent ensuite les notes qui constatent une sorte de régularité dans les jugemens. En marge des écrous on trouve porté, avec peu de variantes, tantôt ces mots : Mis en liberté par jugement du peuple, et tantôt ceux-ci : Condamné à mort par jugement du peuple, et exécuté sur-le-champ. Et, chose remarquable, toutes les notes portent la date, soit du 3, soit du 3 au 4, soit du 4 septembre, soit du 4 au 5.

La première note est cependant celle de la mise en liberté du député Jouneau. Elle est sans date; mais on sait que ce fut le 3 qu'il se rendit de la prison à l'Assemblée nationale.

-Nous allons faire connaître le résultat total que nous a donné l'examen du registre. Soixante-dix-neuf détenus comparurent, après Jouneau, devant le tribunal présidé par Maillard. Sur ce nombre, un fut mis en liberté par ordre du comité de surveillance; un autre par ordre du conseil-général de la Commune; quarante hommes et trois femmes furent libérés par jugement du peuple; trente-deux condamnés à mort et exécutés; deux sont portés incertains.

-Dans ces jugemens figurent trois Suisses échappés à la première exécution, parce que sans doute ils étaient séparés des autres, ayant été transférés de la Conciergerie à l'Abbaye, le 16 août.

-En marge de l'écrou de M. Sombreuil, on lit: Du 4 septembre 1792, en liberté; et plus bas, de la même écriture: Le sieur Sombreuil a été jugé par le peuple, et sur-le-champ mis en

liberté.

-En marge de l'écrou de monsieur et mademoiselle Cazotte, qui avaient été emprisonnés ensemble le 24 août, on lit : Du 4 septembre, ont été mis en liberté, monsieur et mademoiselle Cazotte, après leur jugement dudit jour.

En marge de l'écrou de l'un de ceux que nous avons désignés comme incertains dans notre énumération générale, il y a: 4 septembre, le sieur Boisgelin a été jugé par le peuple et sur-lechamp MIS A MORT (Ces trois derniers mots rayés et remplacés par celui d') INCERTAIN. - Et plus bas il y a : NOTA. Le sieur Boisgelin a péri rue de Grenelle, à ce qu'a assuré le peuple.

Ce M. Boisgelin avait été écroué le 27 août précédent. — Voici ensuite une liste contenant les noms de trente personnes, presque toutes portant la qualité de prêtre, quelques-unes sans titre, une ayant celui d'avoué. La date de cet écrou général est du 1** septembre. En marge on trouve cette note: Par jugement du 4 et 5 septembre 1792, toutes les personnes cy-inelus dans cet écrou, au nombre de vingt-neuf ont été mis à mort sur-le-champ (et d'une autre écriture), à ce qu'une grande partie du peuple a assuré.

Plus bas est en marge: Du 4 au 5 septembre, le sieur Salomon, prêtre, a été mis en liberté par le peuple; et le sieur Benoît LouisSimon, aussi prêtre. Plus bas encore on lit en marge: Simon, prêtre vivant, Villers, vivant.

Enfin la dernière note porte: Du 4 septembre, le sieur Claude Guyet est entré à la prison de l'Abbaye, et a été exécuté un quart d'heure après par le peuple.

L'écrou de ce malheureux, tracé de l'écriture qu'on reconnaît être celle du greffier ordinaire de la prison, porte qu'il fut emprisonné par ordre des administrateurs du comité de surveillance, signé DEFORGUES et autres.

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

Total des mises en liberté. . . 45

Reste enfin, sous le titre d'incertain et comme ayant péri dans la rue, deux personnes. Certes ce résultat est effrayant par luimême; mais, lorsque l'on a vu le chiffre exagéré auquel on s'était plu à le porter, le premier mouvement est celui de la surprisc; on est étonné qu'il soit si peu élevé.

Le registre des écrous du Châtelet existe encore comme celui de l'Abbaye; il en résulte que le nombre des exécutions fut beaucoup plus considérable dans cette prison et la proportion des mises en liberté beaucoup moindre. Il est vrai que cette maison ne renfermait que des criminels ordinaires; au moins nous n'avons rencontré rien qui nous indiquât qu'il y eût un seul détenu politique. Les écrous ne font pas en général mention de la cause de la détention; mais en marge de tous est écrit criminel. Ce mot paraît destiné à faire connaître la nature de l'accusation et du tribunal devant lequel ils devaient comparaître. Or, comme l'immense majorité des incarcérations se trouve être d'une date antérieure au 10 août, antérieure à la formation du tribunal du 17, il faut en conclure que le Châtelet était consacré à la détention des hommes qui étaient appelés devant les tribunaux criminels ordinaires. Ajoutons que toutes les fois que l'écrou fait mention des causes de la détention, il porte ces mots : Prévenu

de vol, prévenu de fabrication de fausse monnaie, prévenu d'assassinat, condamné aux galères, etc. Quoi qu'il en soit, voici le résultat que ce registre nous a présenté.

Le Châtelet contenait, le 3 septembre, cent soixante détenus, dont l'incarcération avait eu lieu en 1791, du 1er avril au 31 décembre. Sur ce nombre, cent trente-cinq furent mis à mort; vingt-cinq furent mis en liberté. Il contenait soixante-treize détenus écroués en 1792. Sur ce nombre, cinquante-quatre furent mis à mort et dix-neuf mis en liberté.

En marge de chaque écrou on trouve seulement ces mots : 3 septembre, mis à mort par le peuple, ou, 3 septembre, mis en liberté par le peuple.

Le total des morts au Châtelet est donc de 189.
Et celui des mises en liberté de.

...

44.

Parmi les registres d'écrou qui ont échappé à la dispersion et à la destruction qui semble avoir été la destinée commune de toutes les pièces originales de l'époque révolutionnaire, les deux que nous venons de citer sont les seuls qui aient été tenus en ordre. Il reste encore deux registres semblables de deux autres prisons; mais l'un d'eux est peu important; et l'autre, qui est celui de la Force, présente la colonne des sorties complétement vide. Cependant on peut en tirer encore quelques inductions historiques.

Ces deux registres sont ceux de la Grande-Force et de la PetiteForce, prisons dont la première était destinée à renfermer des hommes seulement, et la seconde à détenir seulement des femmes.

Les écrous inscrits sur le registre de la Petite-Force constatent que toutes les prisonnières politiques, les dames de la reine, madame de Lamballe, y furent détenues; qu'elles se trouvèrent là, si ce n'est mêlées, au moins sous le même toit et le même verrou que des femmes arrêtées ou condamnées pour vol, que les filles publiques. En marge de tous les écrous dont la colonne de sortie était encore en blanc au mois de septembre, on trouve:

Mis en liberté le 5 septembre. Les dames renfermées après le 10 août furent relà hées en même temps que celles detenues pour délits. Un seul des écrous porte à sa marge une phrase d.fférente; c'est celui de madame de Lamballe. On y trouve écrit: Transférée à la Grande-Force le 3 septembre. Cette exception à l'égard de cette dame est remarquable; elle prouve, ou que l'on voulait la juger, la croyant coupable, ou que l'on voulait la soumettre au danger d'un j、gement.

Bien des bruits ont couru sur ce sujet ; mais, si notre devoir de journaliste nous commande de les rapporter, notre devoir d'his torien nous ordonne aussi de dire qu'ils ne nous semblent meriter aucune foi.

Maton-de-la-Varenne (1) assure que 150,000 francs avaient été comptés à Manuel, afin qu'il sauvât madame de Lamballe. Manuel, loyal dans sa sceleratesse, continue Maton, donna des ordres pour Taller délivrer (2); m is ceux du duc d'Orléans les rendirent nuls. Dévoré de haine contre elle, parce qu'el'e lui avait fermé si porte après le 5 octobre 1789; intéressé d'aill urs à la faire périr, parce qu'alors il gagn it un douaire de cent mile écus, qu'elle avait à toucher sur la fortune de la duchesse sa femme, il se hâta d'envoyer à la Force, pendant le massacre, l'Italien Rotondo, sa créature; Grison, dit La Force, qui avait • coupé la tête au gouverneur de la Bastille, le 14 juil'et 1799; Gonor, terrassier du faubourg Saint-Autoine, et plusieurs autres bandits, qui se chargèrent de servir à la fois sa vengeance et sa cupidité. » Ce fut, rapporte encore Maton, Gonor qui lui donɛa le bras pour la conduire devant le tribunal. Quelque précis que semblent ces détails, il suffit de bien peu de réflexion pour les infirmer. Il faut demander d'abord par quelle voie le narrateur a pu apprendre des choses pareilles, que tous les auteurs étaient si intéressés à cacher? Quelles sont ses autorités? Il n'en cite aucune. Peltier, qui certes ne s'épargna jamais la calomnie contre les

(4) Ouvrage cité, pag. 389 et suivantes.

(2) La note en marge de l'écrou que nous avons rapportée contred't ce fait.
(Note des auteurs.)
27

T. XVII.

« PreviousContinue »