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se laissa point abattre; il ne se reposa pas, il agit; et aussi quelque désordonnée, quelque imprévoyante que fût cette activité de chacun se dévouant pour tous, elle produisit beaucoup, et sauva la France. Nous voyons, dans l'Histoire de la guerre de 1792, par le ministre de la guerre Servan, que, depuis le 2 septembre jusqu'aux premiers échecs éprouvés par les Prussiens, jamais il ne partit de Paris moins de dix-huit cents hommes armés et équipés par jour. Tout, d'ailleurs, se réunissait pour donner au sentiment patriotique l'énergie de la rage; tout concourait à changer la colère en exaspération. Le ministère précédent avait annoncé des approvisionnemens en munitions de guerre; il n'y en avait que d'insuffisans, moins que dans un état de paix ordinaire; il avait annoncé des armes, il n'y en avait pas on en cherchait partout où l'on devait en trouver, et de partout on revenait avec la colère d'une espérance, ou plutôt d'une foi déçue. Jamais peuple ne s'était senti trompé à ce point. Aussi la passion du salut public domina seule les esprits; mais chez le peuple, elle s'était tournée en fureur contre tout ce qui lui représentait quelque chose d'attenant à la cour; il avait besoin de punir; il avait besoin de terreur; et chez les meneurs, elle s'était tournée en irritation contre le parti qui avait ajouté à tant d'ennemis intérieurs l'ennemi extérieur, contre le parti qui avait fait déclarer la guerre; et, chez tous, elle inspira cette célérité dans l'attaque, cette impétuosité sans frein qui dédaigne les ménagemens, court au-devant de l'obstacle, l'attaque, le brise, ou périt.

Nous diviserons l'histoire du mois de septembre en deux périodes: celle qui termine la Législative, et celle où commence la Convention.

HISTOIRE PARLEMENTAIRE DU 1 AU 21 SEPTEMBRE.

Les dernières séances de la Législative, dont nous avons à nous occuper sous ce titre, sont presque entièrement occupées de mesures de défense. L'histoire de Paris est dominée par le terrible fait du massacre des prisons. Tout pâlit devant ces deux grands intérêts. Cependant, on voit déjà reparaître dans la presse

et aux Jacobins les signes de la division qui séparait le côté gauche en Girondins et en Montagnards. On publia des plans de constitution. Quelque disparates que paraissent ces choses, nous en parlerons, autant que possible, dans l'ordre où nous venons de les mentionner. Cependant nous ferons une exception pour les journées de septembre. Nous en placerons l'histoire au moment même où elles commencèrent à être jugées. En faisant ainsi, nous donnerons à nos lecteurs un semblant de la sensation qu'éprouvèrent les contemporains. Ils n'en étaient instruits que par la rumeur publique et les courts retentissemens qui avaient lieu dans le corps législatif; car la plupart des journaux firent silence sur ce sujet jusqu'au jour où elles furent terminées.

Dans sa séance du 1er septembre, l'assemblée nationale reçut la nouvelle du siége de Verdun. Elle apprit aussi que le camp de Soissons et plusieurs places de la frontière étaient dans le plus grand dénûment. Elle décréta que le département de la HauteŞaône, pour avoir fourni six mille hommes armés en six batailJons, et soldé toutes ses contributions, avait bien mérité de la patrie. Elle s'occupa ensuite d'organiser des mesures de défense qui répondissent à la rapidité des événemens. Elle décréta que les chevaux de luxe seraient employés au service des armées, et qu'il serait fait dans les quarante-huit sections de Paris une levée de volontaires d'un nombre égal à celui qu'aurait produit la levée ordonnée le mois précédent, et non exécutée, de la moitié des grenadiers et chasseurs des soixante bataillons de la garde nationale de Paris.

A la séance du soir, le département de Seine-et-Oise vint annoncer qu'il avait organisé et équipé un corps de mille volontaires. Guadet monta ensuite à la tribune.

Je viens, dit-il, au nom de votre commission extraordinaire, vous entretenir d'un plan de conjuration, heureusement déjoué, dans la ville de Grenoble et ses environs. Il y a un mois que le ya maire de Nancy, M. Duquesnoi, adressa à la commission extraordinaire un M. Demorilton, qui s'annonçait comme dépositaire de secrets importans, comme ayant eu plusieurs conférences avec

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les émigrés, comme sachant les plans d'une grande conjuration dans le midi. La commission eut beaucoup de conférences avec ce particulier avant de lui accorder quelque confiance. Cependant, lui reconnaissant de la franchise et de la droiture, elle crut pouvoir risquer quelques fonds pour découvrir ces complots. Elle invita M. Bigot de Sainte-Croix à se rendre au lieu de ses séan

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ces, et l'engagea à faire un fonds de cent louis; elle ne jugea pas

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à propos de lui confier le secret. M. Bigot fit beaucoup de diffi

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cultés ; il insista pour que lui, ministre, et le roi, fussent l'objet de cette mission secrète; qu'il saurait déjouer les complots tout aussi bien que la commission. Enfin, la commission ayant me

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nacé M. Bigot de Sainte-Croix de le dénoncer à l'assemblée, après deux jours de résistance, il se détermina à faire les fonds. Le maire de Paris choisit un homme pour accompagner Demorillon; c'était M. Nougaret. La commission reçut, il y a quatre jours, une lettre de ce dernier, qu'elle n'a pas communiquée de suite à l'assemblée, de peur qu'en divulgant le secret on donnât aux complices la faculté de s'évader; mais ayant appris ce soir que c'était une affaire finie, elle s'est déterminée à vous en donner connaissance. M. Nougaret nous marque qu'à leur arrivée à Grenoble ils se sont transportés hors de la ville, chez M. Monnier de la Carrée, auquel ils se sont présentés comme émissaires des émigrés. M. Monnier leur montra la correspondance qu'il entretenait avec ces rebelles. Il les assura qu'il avait vingt-cinq à trente mille hommes prêts à seconder leurs complots. L'arrestation de cet homme est un coup de foudre pour le parti des contre-révolutionnaires. Il a été pris avec une liste de plus de cent chefs, avec leurs noms et leurs demeures. M. Demorillon, de concert avec la municipalité de Grenoble, s'est fait arrêter avec M. Monnier de la Carrée; il a manqué même d'être mis en pièces, ainsį. que lui, par le peuple en fureur. M. Nougaret termine sa lettre en donnant les plus grands éloges à la franchise et à l'intelligence de M. Demorillon, au zèle des municipalités et des corps administratifs du département de l'Isère. (On applaudit.)

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Du dimanche 2 septembre, à neuf heures du matin.

M. Gossuin, secrétaire, fait la lecture d'une lettre du conseil provisoire défensif de la ville de Verdun, en date du 31 août. Ce conseil envoie la sommation faite à la ville de Verdun par le duc de Brunswick. Ce général déclare que leurs majestés impériales et royales, n'ayant d'autre intention que de rétablir sous la domination de sa majesté très-chrétienne le roi de France les villes et pays que couvriront leurs armées, les places et les habitans qui ne se rendront pas seront soumis à la discrétion des opérations militaires et à la fureur du soldat. Cette sommation est datée du camp de la Grand barre, 31 août.

M. Gossuin. Le conseil défensif provisoire de la ville de Verdun annonce qu'il joint à sa lettre la réponse faite à la sommation du duc de Brunswick. Cette pièce ne s'est pas trouvée dans le paquet; mais le courrier a dit que la garnison de la ville se conformait à la résolution de celle de la citadelle. Le bataillon de Maine-et-Loire, qui la compose, a déclaré qu'il périrait jusqu'au dernier avant de songer à se rendre. (La salle retentit d'applaudissemens.)

M. Thuriot. Verdun est assiégé; il s'agit de savoir si une armée est là pour empêcher l'ennemi de triompher. Si nos armées ne sont pas assez fortes, il faut prendre des mesures pour que tous les citoyens s'arment et marchent à l'ennemi. (Les tribunes applaudissent.) Mais, afin d'opérer, il faut assurer l'état des corps administratifs. En 1789, les électeurs administrant la ville de Paris étaient trois cents; ils n'avaient à s'occuper que des trames du château de Versailles. Aujourd'hui la Commune aura des travaux immenses à faire; il faut donc augmenter la représentation de la ville de Paris : elle doit être portée à trois cents personnes. La municipalité a bien repris l'exercice de ses fonctions, mais elle est insuffisante; le conseil-général est également insuffisant. Je pense qu'on pourrait concilier les mesures qu'exigent les besoins avec le décret déjà rendu en adoptant celui que j'ai l'honneur de vous présenter.

L'assemblée nationale, considérant que le danger de la patrie augmente, que la direction des armées parait être principalement coutre Paris, qu'il importe par conséquent que l'administration de cette Commune, dont les travaux sont si multipliés, soit surveillée et aidée par un plus grand nombre de citoyens; considérant d'ailleurs que l'organisation provisoire du conseil-général de cette Commune et la fixation du nombre des commissaires de chaque section dont il peut être formé, sont d'un objet purement local et particulier à la ville de Paris ; décrète qu'il y a urgence. L'assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :

Art. I. Le nombre des citoyens qui, aux termes de la loi du 30 août dernier, doivent former le conseil général de la Commune de Paris, sera augmenté et porté à deux cent quatre-vingt-huit, non compris les officiers municipaux, le maire et le procureur de la Commune, et ses substituts.

II. Les commissaires en exercice à la maison commune de Paris depuis le 10 août seront membres du conseil-général de la Commune, à moins qu'ils n'aient été remplacés par leur section.

III. Les sections qui, en exécution de la loi du 30 août der nier, ont nommé deux citoyens pour être membres du conseilgénéral de la Commune, désigneront ceux de leurs six commissaires qu'ils doivent remplacer.

IV. Dans le jour de la publication du présent décret, les sections, dont le nombre des commissaires n'est pas complet, seront tenus de le compléter.

V. Les sections auront toujours le droit de rappeler les membres du conseil-général de la Commune par elle nommés et d'en élire de nouveaux.

M. Marans. Je demande le renvoi à la commission extraordinaire, pour faire le rapport séance tenante.

M. Thuriot. On a reproché aux commissaires de la Commune d'avoir dépensé 2,000 livres pour des écharpes; mais on n'a pas dit qu'ils avaient décidé de rétablir cette somme en payant chacun leur écharpe. On a osé dire encore que la Commune avait

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