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« lui dit Coraline, je vous aime assez pour vous << passer cette fantaisie, et même pour la fa«voriser. Voilà mon écrin, présentez-le lui: « elle ne vous refusera pas. » 11 accepte cette offre, va chez la Dubois, qui rejette avec l'air de diguité son cadeau, et reçoit avec tendresse son hommage. Mais, en sortant de chez elle, il a l'indigne faiblesse de vendre à son profit les diamants qu'il n'aurait jamais dû accepter de Coraline, mais qui devaient au moins lui être rendus, et de s'en vanter comme d'une jolie espiéglerie. Cependant il garde ses deux maîtresses, qui, l'une et l'autre lui étant également attachées, l'accablaient de présents,' et aux dépens desquelles il vivait avec beaucoup de faste. Le maréchal de Biron, instruit de cette conduite dans tous ses détails, en conçut la plus grande indignation. Il ne voulut pas s'abaisser jusqu'à paraître avoir connaissance de ces faits; mais il saisit la première occasion d'un très-léger manquement au service, pour envoyer le marquis de l'Etorrière en prison, et lui fit dire, au bout de trois mois, qu'il n'en sortirait pas qu'il n'eût donné sa démission, ne lui cachant pas le véritable motif de sa sévérité. M. de l'Etorrière, se voyant alors également abandonné de ses ca

marades et de son respectable chef, des bontés duquel il avait tant abusé, obéit sans murmurer, et demanda, pour toute grâce, que le Roi ne fût pas instruit de ses imprudences. Il comptait encore, en effet, sur les bontés de Louis XV, dont il était aimé, et auquel il tenait plus particulièrement par une alliance de sa famille avec celle de la reine Marie Leckzinska. Il ne se trompa pas. Le Roi, persuadé que le seul défaut de fortune l'avait forcé de quitter le régiment des Gardes-Françaises, le nomma colonel à la suite du régiment RoyalCorse, et le rapprocha de sa personne par une place à la cour, qui lui procurait de forts appointements. Sa reconnaissance fut, peu d'années après, la cause de sa mort. Il prit la petite vérole au chevet du lit de son souverain, qu'il servait avec le plus grand zèle dans son affreuse et dernière maladie, et succomba à l'âge de trente-trois ans, lorsque, revenu depuis quelque temps de ses erreurs, il ne s'occupait plus qu'à réparer, par une excellente conduite, les torts trop graves d'une jeunesse effervescente.

M. de P*** fut mené, par un de ses amis,

chez un peintre de paysage dont la femme était fort jolie. Au bout de huit jours, il y retourna tout seul; mais le mari s'y trouva. Huit jours après, nouvelle visite de sa part, et toujours le mari présent. «Parbleu, monsieur, « lui dit-il à lui-même, pour un peintre de « paysage, vous n'allez pas souvent à la cam«pagne. »

Le comte de Tissard de Rouvres, officier aux Gardes-Françaises, était un jeune homme aimable, paraissant livré à toute la gaîté, à toute la dissipation de son âge, mais cachant sous ces apparences de légèreté une présence d'esprit qui lui a été fort utile dans des occasions importantes, et des qualités solides qui lui assuraient l'estime et l'attachement de ceux qui le connaissaient plus particulièrement.

Etant dans une petite ville de province, it eut le malheur d'exciter, quoique bien involontairement, la jalousie d'un mari, dont la femme, avec d'excellentes mœurs, était cependant très-vive et fort imprudente. Piqué de ce que l'accès de cette maison lui était interdit par l'ombrageux époux, et sachant que

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la jeune femme, qui rassemblait tous les soirs sa société, aimait autant à veiller que son mari à dormir, il lui prit fantaisie de s'introduire, après souper, au milieu de ce cercle, à la faveur d'une échelle qu'il dressa contre un balcon dont la fenêtre était ouverte. Parvenu aux derniers échelons, il se trouve en face du mari, qui le reconnaît et s'écrie: « Eh bien! monsieur, que faites-vous là? - Monsieur, répondit-il, fort embarrassé..... je me pro« mène: » Il n'en fallait pas tant pour jeter l'alarme dans l'esprit de cet homme, qui eut bien de la peine à se persuader que sa chère moitié ne fût pas complice de cette promenade

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nocturne.

Cependant cette même femme, qui, sans être attachée plus intimement à M. de Tissard qu'à tout autre, trouvait sa société agréable, et la désirait peut-être d'autant plus qu'on la lui défendait davantage, eut l'étourderie de l'engager à souper avec quelques personnes, un jour que son mari était absent, et n'avait annoncé son retour que pour le lendemain; mais ses affaires ayant été terminées plus tôt qu'il ne le comptait, il arriva ce même soir à neuf heures, au moment où l'on venait de se mettre à table. En entendant sa voix,

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fl fallut songer à cacher M. de Tissard, qu'i aurait trouvé fort mauvais de rencontrer chez lui, et que la disposition des appartements ne permettait pas de faire évader. L'un des convives le pousse promptement dans une grande boîte à pendule, que sa taille, quoique très-mince, remplissait entièrement, et on ferme la porte sur lui. Le mari entre, accueille fort bien la société, annonce qu'il a grand appétit, et qu'il prendra volontiers part au souper. Il demande quelle heure il est, et si la pendule va bien. « Oui, oui, dit la femme

en frappant deux petits coups sur la boîte,' « qui se trouvait auprès d'elle. » M. de Tissard saisit le sens de cet avertissement, et, d'une voix sourde et égale faisant tec... toc... tec... toc..., il imita le bruit du balancier pendant près d'une mortelle heure que l'ennuyeux époux resta à table, et ne fut délivré que lorsque la société se retira dans le salon.

(*) M. de Tissard jouait au reversi dans une maison où il était fort lié, et à un prix très modéré. La fortune lui avait été constamment contraire Le quinola lui ayant été gorgé, ou forcé pour la vingtième fois, il se lève avec l'air du dépit, prie un un des spectateurs de tenir un moment son jeu, et sort. Les dames s'inquiètent de ne pas

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