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La chaîne d'or de Bayard, du Chevalier sans peur et sans reproche, avait passé par héritage à des descendants collatéraux de cette illustre maison, et devait sans doute en être le trésor le plus précieux. Celui qui en était le possesseur en 1789, follement enthousiasmé du jeu du comédien Larive, dans la tragédie qui porte le nom de ce héros (Gaston et Bayard), en fit présent à cet acteur, et crut ainsi rendre hommage à la mémoire de son ancêtre. Larive la donna peu après au marquis de La Fayette.

Cette famille possédait aussi le cor d'ivoire, ou cornet du paladin Roland, dont elle prouvait sa glorieuse descendance. Elle l'avait déposé aux archives du chapitre de Lyon, où il était conservé avec soin à l'Ile-Barbe. La révolution a confondu ce monument précieux avec tous les objets de sa fureur; et on l'a vu depuis entre les mains d'un pâtre qui s'en servait pour rappeler ses troupeaux.

Le château de Bayard à Pontcharra, dans lequel les dignes héritiers de ce grand homme (d'un autre nom et d'une autre branche que celle dont on vient de parler) avaient conservé avec un respect religieux son armure, et jusqu'à l'ameublement de sa chambre, après avoir passé, par l'effet de la révolution, entre

les mains de différents possesseurs, est à présent occupé par un ouvrier de Grenoble ; et la famille de Noinville n'a pu recouvrer, sur un héritage aussi précieux, que quelques fonds épars, dont les communes s'étaient emparées illégalement, et que l'autorité des lois les a forcées de restituer.

L'ÉVÊQUE de *** connu par son avidité, revenant de son séminaire où il avait passé quelque temps, parlait avec emphase du désintéressement de tous ses ecclésiastiques qui ne faisaient aucun cas ni des bénéfices ni des richesses, et qui même s'en moquaient. « Ils s'en moquent, dit le Roi, et vous, vous « Vous moquez d'eux. »

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Le comte de Talaru de Chalmazel, premier maître-d'hôtel de la Reine, décoré de l'ordre du Saint-Esprit, était un grand homme, bien sec, bien grave, parlant toujours dogmatiquement, et appuyant sur toutes ses paroles. Il se présente un soir chez le maréchal de Biron, où

trouvaient quelques jeunes officiers aux Gardes, faisant leur cour à leur colonel. Après les compliments d'usage, il lui dit qu'il était venu pour le prier d'accorder un emploi dans son corps à un jeune homme son parent, ayant assez de fortune pour s'y soutenir, et qui était page de la reine. «M. le comte, interrompit « le maréchal, dès qu'il a l'honneur d'ètre « votre parent, qu'il est page de la reine, et qu'il a de la fortune, il est bien fait...... «Bien fait, M. le maréchal, interrompit brusquement le comte ; il est fait à peindre. » On juge de l'éclat de rire des jeunes gens à ce quiproquo, et de la peine qu'eut le maréchal à se contenir lui-même.

Le même comte de Chalmazel est rencontré sur l'escalier de Versailles par quelques personnes de sa connaissance, qui lui demandent où il va : « A l'OEil-de-Boeuf, répond-il, « Il n'y a personne, et nous pouvons vous l'assurer, car nous en sortons. C'est égal ; j'entendrai toujours ce qu'on y dit. »

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LE marquis de Bagueville, officier général, si connu à Paris par la folle idée qu'il eut de

se construire des ailes à ressorts, avec lesquelles il prétendait traverser la Seine, et qui ne servirent qu'à lui faire casser la cuisse, par sa chute sur un bateau de blanchisseuses, a donné depuis des marques d'aliénation bien évidentes. Il s'était persuadé qu'il serait possible de vivre sans manger. Mais, avant de s'assujétir lui-même à ce nouveau régime, il voulut en faire l'expérience sur ses chevaux. Il leur fit diminuer peu à peu le foin, la paille,' l'avoine, et parvint à les laisser deux jours sans nourriture. Le troisième, on vint lui annoncer que les pauvres animaux étaient morts. « C'est dommage, dit-il; ils y étaient pres« que accoutumés.

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Cette manie fut remplacée par celle de croire que les chevaux étaient susceptibles de civilisation. L'un des siens ayant donné un coup de pied à un palfrenier, le marquis de Bagueville instruisit son procès en règle, et le fit pendre à la porte de son écurie, où il ordonna qu'il resterait exposé pour l'exemple des autres. Peu de jours après, ce fut une puanteur insupportable dans l'hôtel, et la présidente de T***, qui y demeurait, lui porta ses plaintes. « Dites à madame la présidente, « répondit-il, qu'il y a douze ans qu'elle in

<< fecte mon hôtel, et que je ne ferai ôter mon «< cheval que lorqu'il aura été décidé par ex«< perts qu'il pue autant qu'elle. » Il fallut recourir à l'autorité de la police pour faire enlever le cheval.

Il se promenait au Palais-Royal, au milieu de la foule, avec un habit de grosse bure, garni en boutons de diamants fins; et les filous, dont ces lieux publics abondent, n'imaginèrent jamais de le dépouiller : ce vêtement ne paraissait à leurs yeux que celui d'un campagnard ridicule qui croyait se parer avec des pierres fausses.

Dans les derniers temps de sa vie, ses manies se tournèrent en avarice, et sa grande fortune le mettait à même de satisfaire cette infâme passion. Propriétaire d'un très-bel hôtel, quai Mazarin, il se tenait constamment renfermé dans un petit appartement composé de trois chambres, où ses domestiques mêmes n'avaient la liberté d'entrer. Là, avec un marteau, une truelle et du mortier, il s'occupait à faire des trous dans ses murs, à y enfouir son or, et à le recouvrir proprement. Un soir, pendant qu'il était à l'Opéra, ayant dans sa poche les clefs de cet appartement secret, on vint l'avertir que le feu avait pris

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