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nécessaire à Widdin. Après vingt jours de siége, Passewan-Oglou s'empara de Nikopolis, y mit garnison, et en donna le commandement à un de ses lieutenans. Vers le même temps, il envoya de nombreux émissaires en Bulgarie et en Servie, pour exciter les janissaires licenciés et les autres mécontens de ces provinces à se rassembler en corps de troupes; et peu de mois suffirent à l'exécution de ce projet. Dès le commencement de juin, une foule de mécontens, secrètement dirigés par Passewan-Oglou, qui leur avait fourni de l'artillerie, se portèrent en corps d'armée devant Belgrade, s'emparèrent des faubourgs et de la ville basse, et peu s'en fallut qu'ils n'obligeassent le commandant Hassan-Pacha, qui s'était réfugié dans la citadelle, à se rendre prisonnier; mais celui-ci ayant tenu bon et ayant reçu des secours du pacha de Bosnie, parvint, après plusieurs combats sanglans, à mettre en fuite les mécontens, au inois de juillet. La Porte, instruite de la part que Passewan-Oglou avait eue à cette insurrection, jugea qu'elle n'aurait jamais de tranquillité tant que ce chef audacieux existerait; en conséquence, elle fit marcher, en 1796, une armée de 50,000 hommes, aux ordres du baglier bey de Romélie, et de quatre autres pachas, avec l'ordre d'attaquer Passewan-Oglou, et de le soumettre. Celui-ci comptait alors près de 30,000 hommes qui lui étaient entièrement dévoués, et qu'il avait exercés au maniement des armes. Il avait d'ailleurs fait fortifier Widdin avec la plus gran

de activité, et y avait rassemblé une immense quantité de vivres et de munitions, sans qu'on ait jamais su comment il se procurait des fonds nécessaires pour armer, soudoyer, et nourrir tant de monde. On sait seulement qu'un certain nombre d'ingénieurs français et de polonais fugitifs s'étaient rendus auprès de lui; que les premiers l'avaient servi de leurs talens dans l'art des fortifications, et les seconds avaient introduit parmi ses troupes quelques notions de tactique. Après plusieurs attaques infructeuses contre Widdin, le commandant de l'armée ottomane eut recours auxnégociations, et le résultat fut que Passewan-0glou payerait 500 bourses à laPorte, moyennant la promesse qu'il serait reconnu pacha de Widdin, et qu'il y aurait une amnistie générale la Porte ayant ratifié cette convention, l'armée eut ordre de lever le siège de Widdin, qui avait duré trois mois. Mais bientôt Passewan-Oglou transporte la scène en Romélie. Une foule innombrable de mécontens, qu'on a désignés sous le nom de voleurs de Romélie, couvraient de leurs ravages cette province, depuis Tirnowa jusqu'à Andrinople. Le beglier-bey, Haru-Pacha, accusé de les avoir combattus avec trop de mollesse, est déposé et remplacé par cet Alo-Pacha, qui, rappelé de la Natolie, parce qu'on le jugea le seul homme capable de sauver l'empire, trahit les espérances de la Porte, et, après avoir commis les plus grandes exactions et les plus horribles massacres dans les pays qu'il était chargé de de défendre, parvint, par ses né

gociations secrètes avec PassewanOglou, à faire dissoudre l'armée des mécontens, que celui-ci dirigeait de Widdin par des fils invibles. Ainsi Alo-Pacha obtint la gloire d'avoir terminé cette guerre, et d'avoir en même temps réconcilié à la Porte Passewan-Oglou. Mais celui-ci n'avait fait que rappeler auprès de lui cette horde de mécontens qu'il semblait n'avoir détachés dans le voisinage de Constantinople, que pour s'assurer du degré de faiblesse du gouvernement, et il prouva peu de temps après qu'il l'avait parfaitement apprécié. Jusqu'en 1797 Passewan-Oglou ne fut que le moteur secret des rebelles de Romélie, mais après leur expulsion des environs d'Andrinople, il les attira ouvertement auprès de lui, les forma en corps de troupes, dont il grossit la petite armée qu'il avait à Widdin, et dès qu'il se vit à la tête de 30 ou 40,000 hommes, il suivit un plan plus vaste et plus régulier sous le rapport militaire et politique. Il commença par s'assurer tout le cours du Danube entre Belgrade et Rusdruck, et mit des garnisons à Nikopolis et Sistowe, au-dessous et au-dessus de Widdin; il s'empara d'Ossowa et de Semendria, d'où il parut vouloir attaquer Belgrade; mais le commandant de cette place ayant appelé à son secours les pachas de Bosnie et de Thronie, Passewan-0glou se borna à mettre un corps d'observation dans le voisinage de Belgrade, et avec le reste de son armée, il se porta rapidement en deux colonnes sur la route d'Andrinople, l'une par Nissa et So

phia, l'autre par Tirnowa et Phihippopoli. Il battit, chemin faisant, à Nissa, un corps de Bosmasques, qu'il obligea de se réfugier dans Belgrade, et il répandit dans la Bulgarie et la Servie des émissaires pour grossir le nombre de ses adhérens. Un des moyens qu'il employa avec le plus de succès, fut de diminuer de moitié les impôts dans tous les pays qu'il occupait, et de se concilier la confiance des habitans par une exacte justice, et par la protection du commerce et des propriétés. En peu de temps, il fut maître de toute la Servie et de la Bulgarie, jusqu'à Philippopoli, où il établit son camp. Alo-Pacha, beglier-bey de Romélie, eut ordre de l'attaquer; mais trop inférieur en forces, il se tint sur la défensive aux environs d'Andrinople, tandis que Passewan-Oglou envoyait des partis jusqu'aux portes de cette ville, et même sous les murs de Constantinople. Quelques pachas de Macédoine et de la Grèce étaient d'ailleurs d'intelligence avec Passewan-Oglou, et une partie des troupes que l'on faisait marcher contre lui allait se fondre dans son armée : tout semblait alors annoncer une révolution dans la Turquie d'Europe, lorsqu'enfin la Porte, sérieusement alarmée, fit accourir de ses provinces d'Asie un grand nombre de troupes, dont elle donna le commandement au célèbre Husseim, capitan-pacha, qu'elle revêtit de la dignité de serasquier, en mettant sous ses ordres le beglier-bey Alo-Pacha, et les autres pachas restés fidèles à leur souverain. Bientôt l'armée

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ottomane, forte de près de 100,000 hommes, se rassemble dans les environs d'Andrinople, et menace d'attaquer Passewan-Oglou dans son camp de Philippopoli; mais Husseim-Pacha trouva plus prudent de le tourner par Tirnowa. Il dirigea une forte colonne vers cette place, dont il s'empara sans coup-férir, étant parvenu à gagner le commandant que PassewanOglon y avait établi. Dès-lors celui-ci ne se trouva plus en sûreté à Philippopoli, et prit le parti de faire sa retraite sur Widdin. Cette marche rétrograde, les sanglantes exécutions qu'ordonna le capitanpacha dans la Bulgarie, où il fit mettre à mort un grand nombre d'adhérens de Passewan-Oglou, la réputation éclatante de ce serasquier, la rapidité de sa marche et la force de son armée, les succès qu'obtint sur le Bas - Danube le pacha de Nikopolis, ceux qu'obtinrent en même temps les pachas de Servie et de Bosnie, qui reprirent les forteresses de Semendria et d'Orsowa, la nécessité où se trouvait Passewan-Oglou de s'enfermer dans Widdin, par suite de ces revers, tous ces événe mens arrivés coup sur coup, jetèrent le découragement et l'épouvante dans ses troupes, dont plus de la moitié l'abandonna. Ainsi ce pacha rebelle, qui pendant deux ou trois mois s'était vu à la tête d'une armée formidable, qu'il avait portée à plus de 60,000 hommes, se vit réduit à se défendre dans sa forteresse avec 15 ou 16,000 hommes qui lui restaient; il y fut bientôt investi par l'armée du serasquier, renforcée des troupes de douze pachas, tant d'Europe que

d'Asie, et tout annonçait que Passewan-Oglou succomberait sous des forces aussi imposantes. L'armée de siége fut bientôt secondée dans ses opérations par une flottille de chaloupes armées, qui était venue de Constantinople par la mer Noire, et avait remonté le Danube. Tout ce que la constance, le courage, l'art et la ruse, peuvent opposer à la supériorité des forces, fut employé par Passewan-Oglou pendant quatre ou cinq mois que dura le siége. L'armée ottomane fut repoussée avec une perte considérable dans plus de trente attaques; enfin les troupes d'Alo-Pacha ayant été mises en déroute, et ce beglier-bey s'étant réfugié à Sophia avec les restes de sa troupe, l'armée ottomane, affaiblie et découragée par tant de traverses, fut à son tour attaquée par Passewan-Oglou, et mise en déroute complète après un massacre épouvantable on porte à 10,000 hommes le nombre des tués dans cette dernière action. Le serasquier Husseim-Pacha se retira avec les faibles débris de l'armée à Lonya (c'est dans cette ville que le capitan-pacha attira le beglier-bey Alo-Pacha, et le tua desa propre main pour le punir de sa perfidie, à laquelle il imputait les désastres de l'armée ottomane), d'où il ouvrit des négociations, au nom de la Porte, avec PassewanOglou. Au bout de quelques mois, les commissaires du grand - seigneur conclurent avec lui un traité dont les principales conditions connues sout: que Passewan-Oglou conserverait le pachalick de Widdin, avec un agrandissement de territoire; qu'il serait élevé à la digni

té de pacha à trois queues; que les janissaires, expulsés de Belgrade et des autres places, seraient rétablis dans leurs propriétés; enfin on dit qu'il exigea la destitution de quelques pachas du voisi nage. Il paraît que ce qui détermina principalement PassewanOglou à se soumettre fut la crainte de se voir attaqué à Widdin par un corps de 40,000 Russes, en vertu d'un article du traité d'alliance entre l'empereur de Russie et le grand-seigneur, par lequel le premier promettait de faire marcher ce nombre de trou

pes contre le pacha rebelle à la première réquisition de la Sublime-Porte. Après cet accommodement conclu à la fin de 1798, Passewan-Oglou licencia une partie de ses troupes, mais en retint assez pour résister aux attaques imprévues des pachas voisins; l'événement justifia bientôt ses précautions le pacha de Romélie, que ses cruautés avaient fait surnommer l'homme terrible, rassembla en secret des forces considérables, et entra brusquement, en 1797, sur le territoire de Widdin; il croyait surprendre PassewanOglou et l'écraser. Celui-ci l'attendait. Il le bat complètement à diverses reprises, et le poursuit jusqu'aux portes de Sophia. Il rappelle alors les troupes qu'il a licenciées et se montre plus redoutable que jamais. La Porte, épouvantée, lève une armée impériale, dont elle donne le commandement au grand-visir. Il allait entrer en campagne, lorsque la mort de Passewan-Oglou (arrivée en 1800), mit fin aux alarmes du sultan.

PASTEUR (JEAN-DAVID), dé

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puté à la convention nationale de la république batave, et auteur distingué, naquit à Leyde, le 23 mai 1753, de parens estimés, qui lui firent faire de bonnes études. Obligé de se procurer des moyens honorables d'existence, il s'adonna à l'étude du droit dans sa ville natale, mais il consacra tous ses loisirs à l'étude des sciences naturelles celles-ci prirent bientôt un tel ascendant sur son esprit qu'il abandonna la jurisprudence pour s'y livrer tout entier. Lorsque la révolution éclata en 195, ses talens, secondés de ses opinions politiques, ne tardèrent pas à l'élever aux emplois supérieurs. A cette époque, beaucoup de vaisseaux hollandais se trouvaient dans les ports de l'Angleterre; il importait de les faire rentrer dans leur patrie; les représentans provisoires du peuple de la Hollande chargèrent de cette mission délicate M. Pasteur, et le lieutenant de marine, M. J. L. Vitriavins, en les autorisant à concerter entre eux les mesures les plus propres à effectuer cette mesure, en persuadant aux capitaines des vaisseaux de guerre de quitter ce pays avec les bâtimens qui étaient sous leurs ordres. Les commissaires hollandais remplirent leur mission avec un succès complet. De retour dans sa patrie, M. Pasteur fut immédiatement nommé membre du comité de la marine, et le 1er mars de la même année, élu représentant du peuple à la première convention nationale, où son zèle n'éclata pas moins que sa modération. Ces qualités furent appréciées, et le firent nommer, le 1er septembre 1797, prési

dent de la seconde convention nationale. La révolution du 22 janvier 1798 ayant dissous cette assemblée, M. Pasteur fut envoyé comme prisonnier d'état à la maison du Bois, près de La Haye, avec plusieurs de ses collègues; il n'en sortit qu'après le 12 juin suivant, lorsque les modérés, qui triomphèrent alors, lui rendirent la liberté, ainsi qu'à ses compagnons d'infortune. Le corps-législatif s'étant alors divisé en deux chambres, M. Pasteur fut nommé, le 26 septembre 1598, secrétaire de la seconde chambre; mais, lorsqu'en 1801 la représentation nationale ne forma plus qu'une seule chambre, il devint secrétaire du corps-législatif. Il termina son honorable carrière le 9 janvier 1804. Il a publié : 1o Histoire naturelle des mammifères (Beknopte natuurlyke historie der zoogende dieren), 3 vol. in-8°; 2° les Russes en Nord-Hollande, drame en 3 actes. M. Pasteur a aussi traduit une foule d'ouvrages, parmi lesquels on distingue : 1° le Voyage de Cook autour du monde, 15 vol. in-8°; 2° l'An 2440 de Mercier; 3o l'Histoire naturelle du mont Saint-Pierre, par Faujas de SaintFond; 4° le Voyage d'Utrecht à Francfort, par Cogan. Il a été publié une notice sur la vie de M. Pasteur, par M. Verbeck, son ami, dans le Courrier des Arts et Belles-Lettres du 9 mars 1804.

PASTORET (LE MARQUIS CLAUDE - EMMANUEL - JOSEPH - PIERRE), né, en 1756, à Marseille, d'une famille honorable, fut destiné à la magistrature. Il exerça d'abord la profession d'avocat, passa ensuite, en 1781, en qualité de con.

seiller, à la cour des aides de Paris, et devint maître des requêtes quelque temps après. En 1784, il remporta, à l'académie des inscriptions et belles-lettres, un prix qui lui en ouvrit les portes l'année suivante, et il avait justifié ce choix d'avance par une nouvelle palme obtenue la même année. Il adopta, en 1789, les principes de la révolution, mais ils ne changèrent rien à la modération de son caractère et à la douceur de ses mœurs. Nommé, en 1790, par Louis XVI, ministre de l'intérieur en remplacement de M. de SaintPriest, il accepta cette place, qu'il n'occupa que très-peu de temps. Il fut élu successivement, le 30 janvier 1791, président du département de Paris, et, le 14 février, procureur-syndic du même département. Il était à la tête de la députation qui, après la mort de Mirabeau, alla demander à l'assemblée constituante que la nouvelle église de Sainte-Geneviève fat consacrée à recevoir les cendres des grands hommes auxquels le corps-législatif accorderait cet honneur. Il présida, la même année, l'assemblée électorale de Paris, et fut nommé député à l'assemblée législative. Dans la première séance, en qualité de président, il prononça un discours, dans lequel il félicitait l'assemblée constituante d'avoir marché avec autant de talent que de courage dans la carrière qui lui avait été ouverte. Vers la fin d'octobre, il se plaignit des rigueurs exercées contre les émigrés, et proposa de les restreindre aux fonctionnaires publics qui auraient abandonné leur poste au moment du danger.

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