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cette réunion. Les passions et les préjugés l'emportèrent; les partis en vinrent aux mains; les blancs furent défaits, et M. Gamot, après avoir été témoin de l'incendie du Port-au-Prince et de sa propre maison, ne trouva de salut qu'en se réfugiant avec deux nègres affidés sur un esquif, où il passa plusieurs jours luttant contre les flots et le manque de vivres. Exténué de fatigue et de besoin, il débarqua de nuit sur un point de la côte qu'il croyait sûr. Mais il y fut surpris pendant son sommeil par un parti de noirs qui le traînèrent au Port-au-Prince, où sa tête était mise à prix : il allait périr si un de ses amis ne fût parvenu à le sauver. Cependant il fallait se soustraire à de nouvelles persécutions: il s'embarqua pour les Etats-Unis. Les Anglais s'emparèrent pendant sa traversée du bâtiment qui le portait. Dépouillé par eux de tout ce qu'il possédait, et débarqué à la Jamaïque, il y trouva d'anciens correspondans qui lui procurèrent les moyens de continuer son voyage; mais son navire se perdit, et ce fut après un naufrage qu'il arriva à Charles-Town; il se rendit de cette ville à Philadelphie en traversant à pied les Apalaches et les forêts qui couvraient alors cette partie du continent. Il y séjourna pendant une année entière, attendant une occasion favorable de revenir en France, où il eut enfin le bonheur de retrouver sa famille et ses amis quelques jours après le 9 thermidor. Jusqu'alors l'activité et les travaux de M. Gamot n'avaient rien ajouté à un patrimoine borné, mais il

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s'était montré dans le NouveauMonde, au milieu des plus grands périls, homme d'honneur et de résolution. Le courage qu'il avait opposé à la mauvaise fortune lui avait mérité l'estime de ses compatriotes, et ils lui en donnèrent le témoignage le plus flatteur, à son retour parmi eux, en le nommant membre de la municipalité de sa ville natale. Les fonctions auxquelles il venait d'être appelé lui fournirent plus d'une occasion de montrer la rectitude de son esprit, la bonté de son cœur, la modération de ses opinions. Mais ces fonctions, bien qu'honorablement exercées, pouvaient lui procurer l'indépendance sociale qui était un des premiers besoins de son caractère. Il était âgé de plus de 30 ans, et il n'avait point encore d'état assuré. Contrarié dans quelques projets qu'il avait formés, il quitta le Havre en 1797, et vint à Paris, où il trouva pendant quelques mois, dans la culture des lettres, qu'il n'avait jamais abandonnées, des distractions qui lui étaient devenues nécessaires. Enfin, se-. condé par d'anciens amis, il y for ma un établissement de commerce qui s'élevait sous les plus heureux hospices, lorsqu'il épousa, à la fin de 1798, Mile Antoinette Auguié, nièce de Mae Campan, et fille d'un ancien receveur-général des finances, qui était alors administrateur des postes. Plusieurs années s'écoulèrent dans une douce union, et M. Gamot, exclusivement occupé du bonheur de sa femme et de ses enfans, n'avail à désirer que de voir se prolonger les avantages de sa situa

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tion. La rupture subite du traité d'Amiens, en lui faisant éprouver des pertes considérables, vint obscurcir son avenir de quelques nuages, et lui imposa le devoir de ne point confier désormais à des spéculations hasardeuses le bien-être et le repos de sa famille. Il fut nommé vers cette époque administrateur des droits-réunis. Il montra, dans l'exercice de ses nouvelles fonctions, l'activité dont il était doué, et les connaissances variées qu'il avait acquises. Le nom et les recommandations du maréchal Ney, qui était devenu son beau-frère, pouvaient lui faire parcourir d'une manière rapide et brillante la carrière administrative dans laquelle il était entré. Il fut nommé préfet du département de la Losère au commencement de 1813, et, en 1814, préfet du département de l'Yonne. Les regrets qu'il a laissés dans ces deux départemens attestent le bien qu'il y fit, et celui qu'il avait l'intention d'y faire. Les soins qu'il apporta à adoucir la rigueur des lois sur la conscription et la formation des gardesd'honneur, y conserveront le souvenir de son nom. Rentré dans la vie privée en 1815, il devait y subir les plus cruelles épreuves. Le maréchal Ney lui avait constamment montré les sentimens d'un frère et d'un ami dévoué.

Ses malheurs rendirent dans le cœur de M. Gamot les devoirs de l'amitié plus impérieux et les affections de famille plus sacrées. Il ne s'occupa plus qu'à seconder sa belle-sœur de ses soins et de ses conseils dans tout ce que la tendresse conjugale et le plus touchant dévouement purent lui inspirer de mettre en œuvre pour sauver son mari. Pendant la durée de ce déplorable procès, il porta chaque jour au maréchal, dans sa prison, la consolation et l'espérance; et quand tout espoir fut perdu, il passa près de lui les derniers momens qui précédèrent l'heure fatale; peu de momens après, il vint relever du champ de mort le guerrier que la fortune de tant de combats avait respecté sur le champ de bataille; il lui rendit de pieux et douloureux devoirs; mais leurs pénibles détails l'affectèrent profondément. D'aussi grandes infortunes vues de si près l'attachèrent plus fortement à ses neveux. Le désir de relever la gloire militaire de leur père le soutint pendant trois ans au milieu des souffrances dont le chagrin avait été la source; il venait de terminer l'histoire du maréchal, et de leur adresser ce monument qu'il élevait à sa mémoire, quand il fut enlevé, dans la force de l'âge, sa famille et à ses amis au commencement de 1820.

Des renseignemens plus précis et d'une plus grande exactitude que ceux qui ont servi à la rédaction de l'article du maréchal GOUVION SAINT-CYR (voyez le 8° volume), nous ont déterminés à consacrer une nouvelle notice à cet illustre guerrier.

GOUVION-SAINT-CYR (LAU- chal de France, est né à Toul, le RENT, MARQUIS DE), pair et maré- 15 avril 1764. Il se livra d'abord

à la peinture, autant par goût que par nécessité; fit, très-jeune encore, un voyage en Italie, afin de se perfectionner dans son art; et, lors de son retour en France, qui eut lieu peu de temps avant la révolution, il entra comme souslieutenant dans un bataillon de volontaires de Paris. C'est avec ce grade qu'il arriva à l'armée du Rhin, où il fut attaché à l'étatmajor du général Custines. Ses conseils furent de la plus grande utilité aux généraux qui se succédèrent rapidement au commandement de cette armée, et il dirigea les combats nombreux que les Français livrèrent aux Prussiens. Toutes les voix s'accordaient pour attribuer les succès aux talens du capitaine Saint-Cyr. Adjudant-général en 1793, il fut envoyé, dans le cours de la même année, à l'armée des Alpes, comme général de brigade, et chassa les Piémontais de la Maurienne, le 14 septembre 1793. Il revint, au commencement de 1794, l'armée du Rhin-et-Moselle, avec le grade de général de division, et, le 13 juillet, il battit les Prussiens près d'Eithoffen, et emporta le village d'Edessen après le combat le plus opiniâtre. Dans le cours de cette campagne, le général Gouvion Saint-Cyr fut constamment opposé au fameux Blücher, alors général-major. Il le battit en diverses rencontres, et notamment aux deux combats de Kayserslautern. Dans l'année suivante, il reprit la ville de Deux-Ponts sur l'armée de Clairfayt, et commanda l'attaque du centre au blocus de Mayence. Les manoeuvres de Pichegru, déjà dévoué au parti de

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l'émigration, l'impéritie d'un gouvernement jaloux et faible, ayant considérablement affaibli les lignes de l'armée française, ces lignes furent attaquées par les Autrichiens, auxquels le général Gouvion SaintCyr opposa la plus intrépide résistance. Le nombre l'emporta, et le général français fut contraint de se retirer sur les lignes de la Queich; mais ce mouvement fut exécuté avec tant d'art, que, d'après le nombre de prisonniers faits chaque jour à l'ennemi, cette retraite avait toute l'apparence d'une marche volontaire. Cependant, le 13 mai 1796, Moreau est appelé au commandement de l'armée du Rhin-et-Moselle; l'aile gauche de son armée est sous les ordres du général Gouvion-Saint-Cyr, qui, le 15 juin, attaque les Autrichiens, et s'empare des positions qu'occupait le maréchal de Wurmser, entre Frankenthal et le Behut. Après le passage du Rhin, il poussa une forte reconnaissancé sur le camp de Biberack, et, le 2 juillet, il enleva la redoute qui défendait la gorge de la Renchen. Malgré les pluies continuelles et la vive résistance de l'armée autrichienne, il emporte la position de Freudenstadt, et, le 6 juillet, à la bataille de Rastadt, où il commanda le centre de l'armée, il soutint, avec une de ses divisions, les attaqués de Desaix sur cette ville. L'ennemi, battu, se retire sur Ettingen.. Le 8, le général Gouvion Saint-Cyr marche par la vallée de la Murg, débouche sur la gauche de l'ennemi, et, le 9, attaque ses positions aux sources de la rivière d'Alb. Il avait en tête l'élite de l'armée autri

chienne, qui défendait Herenalb, Frawenalb, et les hauteurs de Rotensolhe, une des montagnes les plus élevées de la Forêt-Noire. Quatre fois repoussés, les Français reviennent quatre fois à la charge; à la cinquième, ils enlè vent la position à la baïonnette, et mettent l'ennemi en pleine déroute. On prend 1100 hommes, 12 officiers, un colonel, et une pièce de canon. Moreau dit, dans son rapport, que la conduite du général Saint-Cyr est au-dessus de tout éloge, et que la bonté de ses dispositions avait assuré le succès de la journée. Le 14, le général Saint-Cyr détache de son camp de Freudenstadt la division Duhesme, pour attaquer les Autrichiens aux sources de la Kissche, et soutenir les mouvemens des généraux Desaix et Ferino. Après plusieurs combats autour de Neresheim, le prince Charles ayant reçu des renforts, se porte sur toute la ligne de l'armée francaise, et dirige ses plus grandes masses sur Faile droite, commandée par le général Saint-Cyr, qui, débordé, défendit ses positions avec la valeur la plus opiniâtre, et obligea les ennemis à la retraite. L'armée française poursuit l'archiduc dans son mouvement rétrograde, et, le 19 août, le général SaintCyr occupe Engelhoffen et Langenreich. Après la brillante victoire du 26 et le passage du Lech, le général Saint-Cyr s'avance jusqu'à Hamper, pour reconnaître Frecing, qu'il attaque, le 3 septembre, avec une telle vigueur, que l'ennemi, dans sa retraite, ne peut pas couper le pont de l'Iser. Le 7 il rencontre les Autrichiens

à Maimbourg, et leur fait 500 prisonniers. L'armée du Rhin-etMoselle est au cœur de la Bavière, ses avant-gardes sont aux frontières de l'Autriche; mais la perte de la bataille de Wurtzbourg par l'armée de Sambre-et- Meuse, contraint Moreau à la retraite. Le 1 octobre, l'armée française est à Buchan, où les Autrichiens, malgré quelques désavantages, se maintiennent sur le champ de bataille. Le 2, le général Saint-Cyr les attaque de front à Stenhausen; sa: petite armée, forte de 14 bataillons et 6 escadrons, marche à l'ennemi entièrement déployée. Dès le commencement de l'action toutes ses réserves sont engagées; les braves de la 46° demi-brigade demandent au général le pillage des canons: singulière récompense, digne des soldats qui la réclamaient. Moreau, qui se portait avec les troupes de Desaix sur Biberach, n'arriva que le soir et lorsque la victoire était décidée; il compléta le succès, et l'ennemi, poursuivi pendant toute la nuit, laisse au pouvoir des Français 5000 prisonniers, 65 officiers, 3 drapeaux et 20 canons. Le général Saint-Cyr, attaqué, le 20 octobre, dans la vallée d'Enfer, opposa à l'ennemi une telle résistance, que celui-ci ne put pas déboucher. Le 26 et le 27 les Français s'établirent sur la rive gauche du Rhin, et le général Saint-Cyr partagea avec Desaix l'honneur de la défense de Kehl. Ces deux généraux commandaient à tour de rôle. Desaix signa la capitulation. Le général Saint-Cyr repassa le Rhin avec Moreau, le 20 avril 1797, et prit une part

brillante à la victoire du 21, victoire qui fit retomber Kehl au pouvoir des Français. Peu de temps après, envoyé en Italie, il remplaça Masséna dans son commandement, lorsqu'une insurrection eut contraint celui-ci de quitter Rome en 1798. L'insubordination des troupes cessa avec les causes qui avaient produit le mécontentement. Destitué à cette époque, ainsi que plusieurs autres généraux, le généralGouvion Saint-Cyr fut presque aussitôt réintégré dans son grade, et il commandait, au mois de mars 1799, la gauche de l'armée du Danube. L'archiduc Charles, après avoir passé le Lech, se porte sur Memmingen, où il établit son quartier-général le g. Sa position sur l'Inn devint parallèle à la ligne générale des opérations des Français; elle était moyenne entre le Danube et la rive orientale du lac de Constance. Le général Saint-Cyr, après avoir retranché les défilés de Freudens tadt, s'avança, par Moskirch, jusqu'à Sigmaringen. Comme le général en chef, Jourdan, avait reconnu la supériorité numérique des troupes de l'archiduc, il adressait de fréquens courriers à Bernadote, qui commandait une armée d'observation dans le Palatinat, pour le presser d'envoyer des renforts à sa gauche. Après plusieurs mouvemens autour de Pfullendorf, l'archiduc attaqua les Français le 21, sur tout le front de leur ligne; et sa colonne de droite, aux ordres du prince de Furstenberg, ayant passé près de Mengen, le long du Danube, tourna l'aile gauche fraucaise, qui, après la résistance la

plus opiniâtre, se retira sur les hauteurs de Pfullendorf. Les dispositions que prit l'archiduc dans la journée du 22 pour envelopper cette aile, décidèrent le général Saint-Cyr à se retirer sur Engen. Le 25, Jourdan ayant résolu de livrer une bataille décisive à l'archiduc, donna ordre au général Saint-Cyr de marcher sur l'avant-garde de M. de Merfeld, par le chemin de Tuttlingen à Liptingen. « Ce fut par cette aile gauche que la bataille fut engagée. Ses attaques impétueuses dépostèrent le général Meerfeld de sa position à Tuttlingen. Le général Saint-Cyr battit cette avant-garde, et la pressa si vivement qu'elle fut forcée de se retirer en désordre jusqu'au bois situé entre Liptingen et Stockach: une partie fut poussée jusqu'à Schwandorf, sur le chemin de Tuttlingen à Morsckirch. Le général Saint-Cyr poussa le corps du général Meerfeld jusqu'à l'extrémité de ce bois. La position de l'armée autrichienne allait être tournée, quand l'ar chiduc tira des forces de sa gauche. Depuis cinq heures du matin, l'avantage était du côté des Français... L'archiduc donna l'ordre d'attaquer le bois occupé par les troupes du général Saint-Cyr. Ici commença l'un des plus furieux combats d'infanterie qui jamais aient été livrés. L'archiduc mit pied à terre et chargea à la tête des grenadiers. Le prince d'Anhalt et le prince de Furstenberg, qui y fut tué, conduisirent de même leurs colonnes. Les Français ne furent cependant repoussés hors du bois qu'après une résistance désespérée. Le corps des ca

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