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Sambuca et les autres conseillers, dévoués à la cour d'Espagne, furent éloignés du conseil, et la reine put y voir ses vœux accomplis, sans avoir désormais à craindre de nouveaux obstacles. Charles III, en mourant, punit la désobéissance de son fils, en le déshéritaut de la couronne d'Espagne et des Indes; mais Pignatelli n'en resta pas moins le favori du roi, et le protégé de la reine, dont il avait si bien secondé les désirs. Les tremblemens de terre des Calabres, ce terrible fléau qui détruisit la prospérité de cette belle partie du royaume de Naples, servirent à récompenser la fidélité ou plutôt la déloyauté de Pignatelli, qui fut investi d'une espèce de dictature pour soulager ces malheureuses provinces mais le remède ne fit qu'irriter le mal, car les hommes s'y montrèrent aussi impitoyables que la nature. Parmi les moyens employés pour l'administration temporaire de ces contrées, on imagina la fondation d'une caisse appelée sacrée, à cause de la destination qu'elle avait de recueillir les revenus et les richesses des couvens, qui existaient en Calabre, et dont le nombre égalait la fortune. Pignatelli y renouvela l'exemple de rapacité donné par Verrès, en Sicile; mais celui-ci mourut dans l'exil, tandis que Pignatelli revint tranquillement à Naples y jouir du fruit de ses concussions. Ce fait seul pourrait servir à donner la mesure de ce qu'étaient les anciens gouvernemens, dont on a vu la chute avec étonnement, lorsqu'on aurait dû en regarder l'existence comme

un

miracle. Nommé gouverneur de la ville, et réunissant à ces fonctions déjà importantes en elles-mêmes, celles de chef de la police, que Medici tombé en disgrâce venait d'abandonner, Pignatelli trouva encore moyen de s'enrichir, en présidant à la construction de ces vastes magasins à blés (i granili), placés aux portes de la capitale, et qu'on montre maintenant aux étrangers comme un objet de curiosité et de luxe. Au premier signal de la révolution française, Pignatelli fut élevé au rang de саpitaine-général, et chargé de la police de tout le royaume. Sa maison devint alors le repaire impur

des hommes les plus méprisables, et le centre de ce système d'espionnage qui remplit en peu de temps ce malheureux pays de délateurs et de victimes: sans sortir de ses appartemens, il pouvait entendre les accusations des uns et les gémissemens des autres, ayant eu l'affreuse idée de transformer en cachots les écuries et les remises de son palais. Altéré de richesses et d'honneurs, il se proposa d'épouser la fille unique du comte de l'Acerra, riche héritière de l'illustre famille des Cardenas, qui, mariée depuis plusieurs années au duc de Maddaloni, fut déliée de ses sermens, en vertu d'un divorce, repoussé par les mœurs du pays et par les maximes de l'église. Mais les coutumes et les lois furent violées pour satisfaire l'avidité d'un favori, et pour la misérable crainte de voir réunies deux grandes fortunes dans la même famille. Pignatelli, sans influence dans le conseil, ne prit aucune part active aux évé

nemens de 1798. Livré aux détails de la police de la capitale et du royaume, il se vautrait dans toutes les infamies, et cédait à toutes les suggestions des gens dont il s'était environné. Parmi les maux inévitables du despotisme, c'est la crainte d'en dévoiler les horreurs qui en est un des plus funestes il aurait suffi de bien déterminer le caractère de cette longue et hideuse administration de Pignatelli, pour justifier les Napolitains de tous les efforts que long-temps ils tentèrent afin de réformer leur gouvernement. Lorsque Ferdinand, cédant à la pusillanimité et aux conseils d'Acton, se décida à abandonner ses états, ce ministre lui proposa de nommer Pignatelli à la place honorable, mais dangereuse, de vicairegénéral du royaume. On assure que la reine lui laissa, en partant, des ordres sévères contre les hautes classes de la société, regardées par elle comme les ennemies du trône, dont elles sont destinées à être le soutien. Pignatelli ne s'y conforma que trop. Il signa un armistice au moment où douze mille hommes arrivaient d'Orbitello et de la Toscane, sous les ordres du général Roger de Damas, que le duc de Roccaromana (voyez son article) venait de remporter un avantage sur le Volturne, et que la place de Capoue se défendait encore contre les ennemis, que des populations - entières harcelaient de tous côtés. Pignatelli ne tenant aucun compte de ces ressources, brûla la flotte, fit jeter les munitions de guerre à la mer, désarma les troupes, ouvrit les forts à une popu

lace effrénée, et livra la ville de Naples à la plus furieuse anarchie. Elle devint bientôt si menaçante, que les partisans de l'ancien régime, et jusqu'aux amis du roi, se réunirent aux vœux des républicains, pour hâter l'entrée des Français, dont la présence seule pouvait arrêter les progrès de cette insurrection. Les bons citoyens furent ainsi placés dans la fâcheuse position de regarder avec effroi la courageuse résistance du peuple napolitain, qui se montrait, les armes à la main, bien au-dessus de ceux qui le gouvernaient. Par cette atroce conduite, Pignatelli détruisait le lien qui attachait la nation à son prince; car les gouvernemens sont faits pour s'opposer à l'anarchie; et en l'excitant, ils prouvent qu'ils ne savent, ne peuvent, ou ne veulent point remplir leurs devoirs, toujours nécessaires, et même indispensables, pour mériter l'amour des peuples. Pignatelli s'enfuit en Sicile, où il resta tout le temps que les Français occupèrent le royaume de Naples ; il y retourna après le roi, dont il ne put plus regagner la faveur. En 1807, il entra dans des intrigues pour favoriser le retour de la cour de Sicile dans ses états, gouvernés alors par le roi Joseph (voyez BONAPARTE). Arrêté par le gouvernement français, il n'aurait pas évité la mort, si le prince de Strongoli, son neveu (voyez l'article suivant), n'eût pas intercédé pour lui auprès du nouveau roi, qui se contenta de le bannir du royaume. Il vécut quelque temps à Rome, d'où Joachim (voy. MURAT) le rappela peu après son avénement au trône de Naples. Pi-.

gnatelli y mourut en 1812, en proie aux remords et aux terreurs religieuses.

PIGNATELLI (FRANÇOIS), prince de Strongoli, lieutenantgénéral napolitain, grand'croix de l'ordre de Saint-Georges de la réunion, chevalier de la légiond'honneur, naquit à Naples en 1775. Placé dans un collège de cette ville pour y achever ses é tudes, il en sortit pour aller faire ses premières armes en Autriche, où il obtint le grade de sous-lieutenant dans un régiment de chevau-légers, avec lequel il fit les campagnes de 1793 et 1794. Tandis qu'il se battait contre la France, ses frères étaient persécutés à Naples, comme partisans de la révolution française. Il en apprit Ja nouvelle, en recevant un coup de sabre dans une action, où il s'était fait remarquer par sa bravoure. Aussitôt que l'armée autrichienne eut repassé le Rhin, il quitta le service pour voler au secours de ses frères. Mais il ne fut pas plutôt arrivé à Naples, qu'on lui fit un crime du sentiment qui l'avait ramené chez lui, de la démission qu'il avait donnée en Autriche, et même du séjour qu'il avait fait en France et en Hollande. Il vit alors qu'on cherchait un prétexte pour l'envelopper dans la persécution de sa famille, et que sans sauver les autres, il aurait risqué de se perdre lui-même. Pressé par ses parens et par ses amis, il demanda ses passeports pour Malte, où il dit vouloir faire ses caravanes, pour être admis dans l'ordre de SaintJean. Il ne s'arrêta dans cette île que le temps nécessaire pour

trouver un vaisseau qui l'emménerait en Toscane. Débarqué à Livourne, il se rendit à Florence, pour y reprendre tranquillement ses études, lorsqu'on lui écrivit que ses frères s'étaient sauvés, mais que leur fortune était perdue. Un séquestre général arrachait à la famille Strongoli son riche héritage, et la plongeait dans la plus profonde misère. Pignatelli réclama contre cet acte arbitraire, qui frappait indistinctement l'innocent et le coupable; mais sa voix ne fut point entendue. Il ne vit d'autres ressources que de se présenter au général Berthier, qui lui ordonna de le suivre à Rome. La populace de cette ville, réunie aux insurgés de Velletri et d'Albane, profitant d'un moment d'insubordination manifestée dans l'armée, avait attaqué plusieurs de ses avant-postes. Pignatelli, le prince de Santa-Croce, le prince Aldobrandini, font un appel au patriotisme des bons citoyens, en leur exposant les dangers qui les menacent; ils les entraînent par leurs discours et leur exemple, et tombent sur ces révoltés, qu'ils poursuivent jusque dans leurs repaires de Trastevere. Ce service fut ré

compensé par le grade de capitaine que Pignatelli obtint dans les grenadiers de la légion romaine. En 1798, lorsque le roi de Naples (voy. FERDINAND I) envahit les états romains sans déclaration préalable de guerre, Pignatelli, qui n'était que chef de bataillon, commandait la légion romaine à la bataille de Civita-Castellana : il se trouva en présence de la gauche de l'armée napolitaine, qui

le général en chef Bonaparte revint d'Égypte. Bonaparte, que la journée du 18 brumaire avait rendu l'arbitre de la France, méditait déjà la conquête de l'Italie, et en calculant tous les moyens de succès, il crut plus convenable de mettre à la tête de la légion italienne un officier qui eût des rapports directs avec le pays qu'on devait envahir. D'après cette détermination, Lecchi fut destiné à remplacer Pignatelli, qui, envoyé à Gênes, y arriva lorsque Masséna en reprit le commandement après la bataille de Marengo. A l'ouverture de la nouvelle campagne entre la France et l'Autriche, Pignatelli entra en Toscane avec la division Pino, et y organisa une légion italienne. Il dut encore se battre contre les Napolitains, qui sous les ordres du général Roger de Damas s'étaient avancés jusqu'à Sienne pour forcer les Français à évacuer la Toscane. Mais attaqués par le général Miollis, ils se replièrent sur Rome, et proposèrent un armistice, qui amena la paix de Florence. C'est à la faveur de ce traité que Pignatelli put rentrer dans sa patrie, où il vécut dans l'inac tion jusqu'à l'époque de la seconde invasion française dans le royaume de Naples. Élevé au grade de général de brigade, et destiné au commandement de la province de Basilicate, Pignatelli déploya une grande énergie pour y arrêter les progrès de l'insurrection qui la menaçait de tous les côtés. Au moment où Reynier venait d'éprouver un échec à Santa-Eufemia, et que le général Verdier se voyait obligé d'abandonner la Calabre, Pignatelli re

fut repoussée en débouchant du bois de Falari, où le chevalier de Saxe, qui la commandait, resta dangereusement blessé. Dans cette action, Pignatelli se battit corps à corps avec un officier albanais, dont il reçut une blessure, mais qu'il étendit mort à ses pieds. Sa conduite lui mérita d'être nommé colonel sur le champ de bataille. En 1799, Pignatelli faisait partie de l'armée française qui marchait à la conquête de Naples. Le général Championnet lui confia deux bataillons, avec lesquels il se jeta sur les collines qui bordent cette capitale, en délogeant plusieurs embuscades, et en poursuivant l'épée aux reins les lazzaronis, qui se précipitaient sur ses soldats pour leur disputer le passage. Il se dirigea vers le fort de Saint-Elme pour y renforcer le parti républicain, qui venait de s'en rendre maître. C'est du haut de ces remparts qu'il donna le signal de l'attaque à l'armée française, dont il seconda les efforts en pénétrant jusqu'au centre de la ville. Quand Schérer fut battu sur l'Adige, et que Macdonald reçut l'ordre de se porter sur le Pô, Pignatelli suivit l'armée française, dont il ne se sépara qu'après la bataille de Novi, étant au nombre des officiers à la la suite, que Moreau renvoyait en France pour y chercher de l'emploi. C'est pendant son séjour à Paris qu'il reçut l'annonce fatale de la mort de ses deux frères aînés, exécutés à Naples, en invoquant la capitulation qui leur garantissait la vie!!! En 1800, Pignatelli s'occupait de l'organisation d'une légion italienne, dont le directoire l'avait chargé, lorsque

poussait des corps nombreux de brigands qui s'avançaient sur toutes les directions, les battait à Senise, à la Cauna, à Rocca-Impériale, et rouvrait les communications avec Reynier, dont il facilitait la retraite sur Cassano. Rappelé à Naples pour assister à la prise de Capri, il partit l'année suivante pour la Catalogne, où il prit le commandement d'une petite division composée des cadres de trois régimens, qui avaient fait la campagne de 1809, sous le général Saint-Cyr, et des débris de deux autres corps provenant du Tyrol. C'est à la tête de ces troupes, recrutées en grande partie dans les prisons de Naples, que Pignatelli s'empara du fort de l'île de Las Medas, et soutint les opérations du général le Nourry, chargé d'armer les côtes de la Catalogne depuis Caliouré jusqu'à SanFilioux. Lorsque la division napolitaine eut ordre de passer en Arragon, c'est avec ces mêmes soldats qu'il dut protéger le transport. des munitions par terre et par l'Ebre, pour commencer les siéges de Tortose et de Tarragone. A la suite de quelques différens entre le maréchal Macdonald et le géné ral Pignatelli, ce dernier se rendità Naples, où Murat arrivait, en 1812, de retour de la malheureuse expédition de Russie. Le premier plan de ce prince fut d'occuper l'Italie jusqu'au Pô, d'y lever beaucoup de soldats, d'y établir un gouvernement unique et constitutionnel, et de s'allier à une grande puissance qui eût voulu l'admettre dans son système, en s'adressant d'abord à la France, s'il eût été possible de s'entendre avec Napoléon. Mais lorsque les souverains

alliés se proposèrent de subjuguer la France, ils cherchèrent à s'assurer de Joachim, dont l'attitude leur parut imposante. Ils craignirent qu'en se réunissant au vice-roi, il n'eût opéré une forte diversion en Autriche, et dérangé le plan général de la campagne. On lui expédia des communissaires pour lui garantir la couronne de Naples, et lui offrir même un agrandissement de territoire, à prendre sur les états de l'Église. Séduit par ces espérances, Joachim signa un traité avec les ennemis naturels de sa dynastie. Pignatelli, qui avait été envoyé en Italie pour y préparer l'exécution du premier plan de Murat, fut très-étonné d'en recevoir une dépêche qui lui ordonnait de se rendre au quartier-général des alliés, pour y demander la ratification du nouveau traité qu'on avait stipulé, en son absence. Mais il le fut encore plus, lorsqu'en rapportant au roi l'acceptation de l'empereur François, exprimée dans une lettre autographe, il le trouva disposé à se dé ́ ́ clarer contre l'Autriche. Pignatelli osa lui représenter les dangers de cette conduite, et, se mettant d'accord avec ses collègues, il signa la lettre que plusieurs généraux adressèrent à Murat pour l'engager à rester dans l'alliance de l'Autriche, ayant déjà contribué aux succès des coalisés en France et en Italie. En effet, après la réunion des Autrichiens avec les Prussiens et les Russes, et le départ d'Augereau, les affaires de Napoléon ne laissaient plus aucune chance favorable. En 1815, lorsque Napoléon revint de l'île d'Elbe, Murat, qui n'avait pas

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