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occuper le reste de ses états, et attacher les aigles aux portes de

toutes ses villes. Pie VII comprit alors qu'il n'y avait pas à lutter avec un caractère aussi indomptable. Dans un mouvement d'indignation, il se rappela qu'il portait un trirègne, et s'élevant sur l'abîme prêt à l'engloutir, il en mesura courageusement la profondeur. Dès-lors son parti fut arrêté : il ne fallait pas, comme son prédécesseur, combattre avec ses moyens temporels; il ne devait employer que son pouvoir spirituel, et opposer la résignation à l'emportement, et la conscience à la force. Il donna ordre au carnal Caprara, son légat à Paris, de cesser toutes ses fonctions publiques, aussitôt que Napoléon en serait venu aux mesures extrêmes qu'il lui avait annoncées. Il écrivit à Napoléon lui-même pour lui reprocher tous ses torts, et le menacer de faire usage de la force que le Dieu tout-puissant avait mise dans ses mains; il fit enfin transmettre à tous les membres du corps diplomatique résidant à Rome, les copies de sa correspondance avec la cour impériale des Tuileries. Cette résistance enflamma la colère de l'empereur. Vainqueur des plus grands potentats de l'Europe, il ne souffrit pas que le chef d'un état borné, sans soldats, sans argent, sans ressources, osât résister à sa volonté, et lui tenir même un langage menaçant. La perte du gouvernement papal fut décidée: rien ne pouvait plus le mettre à l'abri du ressentiment d'un monarque tel que celui qu'on venait de braver. La rupture inattendue d'une nouvelle guer

re, remplit la pensée de Napoléon de soins plus importans, et retarda de quelque temps encore la chute du saint-siège, qui achetait par des humiliations et des sacrifices, les derniers jours de sa pénible existence. Depuis l'arrivée du général Miollis à Rome, la capitale du monde chrétien était gouvernée militairement sous les yeux du chef de l'église, qui, enfermé dans le Quirinal, conservait l'attitude d'un général délogé de sa place, et assiégé dans une citadelle. On l'entendait souvent protester contre les actes du nouveau gouvernement, qui n'aurait fait aucun cas de ces réclamations si le pape n'avait imposé à ses employés le devoir de la désobéissance. Cette opposition, honorable sans doute pour celui qui l'exerçait, plaçait l'empereur dans l'alternative de reculer ou de passer outre. Il se jeta dans ce dernier parti, qui était plus conforme à son caractère. Par un décret daté du camp de Vienne, il ordonna la réunion définitive des états romains à l'empire. En le proclamant à Rome, on redoubla de précautions et de surveillance. La garnison n'y était pas nombreuse, et en cas de soulèvement il eût été difficile de contenir la populace. On tâcha de pénétrer ce qui se passait dans l'enceinte du Quirinal; mais, comme toutes les avenues en avaient été murées, et que rien ne transpirait au dehors, on craignit qu'il ne s'y tramât quelque complot. Les membres de la consulte, usant amplement des pouvoirs dont le gouvernement avait cru nécessaire de les investir, résolurent de se rendre

maîtres de la personne du pape. Le plan d'enlèvement fut combiné entre les généraux Miollis et Radet. Dans la nuit du 5 au 6 juillet 1809, un détachement considérable de la garnison de Rome se porta en silence vers le palais du Quirinal, et l'investit de toutes parts. Le général Radet, à la tête de quelques soldats, pénétra jusque dans les appartemens du pape, qu'il trouva revêtu de ses habits ordinaires, et occupé à écrire. Le général s'approche pour lui déclarer que ce n'était qu'en abdiquant sa souveraineté temporelle, qu'il pourrait continuer à séjourner à Rome. Le pape lui répondit que n'étant que l'administrateur du domaine de l'Église, il ne pouvait pas disposer d'un bien qui ne lui appartenait pas. « Dans ce cas, reprit le général, j'ai ordre de vous emmener hors de Rome. » Pie VII, sans rien dire, se lève, et sort de son appartement, en donnant la main au cardinal Pacca, son secrétaire d'état. Tant de calamités, accumulées sur la tête d'un vieillard, n'en ébranlèrent pas le courage sa conduite fut toujours ferme, noble et exemplaire. Le seul acte qu'on pourrait lui reprocher, ce serait la bulle d'excommunication lancée contre Napoléon et ses agens mais dépouillé de toute puissance temporelle, c'était le seul moyen de protestation qui lui restait, et on ne peut pas lui faire un reproche de l'avoir employé. On le conduisit à Savone, lieu fixé pour son exil. Il s'y montra, comme à Rome au-dessus de ses malheurs, inaccessible à la séduction et à la crainte. Repoussant toutes les pro

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positions qu'on lui fit pour le fléchir, il disait qu'il ne pourrait s'occuper des affaires de l'église, qu'étant libre ; et qu'il ne le serait que sur son trône, et au milieu de son peuple. C'est à peu près la réponse donnée aux évêques qui lui écrivirent de Paris, et à ceux qui allèrent le solliciter à Savone. Fatigué de cette résistance, l'empereur voulut opposer les décisions d'un concile à l'autorité du pape : il convoque un synode composé des évêques de France et d'Italie, qui, au nombre de quatre-vingtquinze, s'assemblent le 17 juin 1811, dans la basilique de NotreDame. Depuis le concile de Trente, on n'avait pas vu une plus nombreuse réunion d'évêques : ils étaient présidés par le cardinal Fesch, qui, après les cérémonies d'usage, invita chacun des membres présens à répéter le serment qu'il prononça le premier, de se tenir attaché à la foi, et de rendre au pontife romain une véritable obéissance. Ce début suffit à l'empereur pour pénétrer l'esprit de l'assemblée il ne tarda pas à la dissoudre, pour ne pas rencontrer un obstacle là où il s'était flatté de trouver un appui. Peu avant son départ pour la Russie, Napoléon ordonna que le pape vint habiter Fontainebleau, où il alla le voir, en revenant de cette désastreuse expédition, qui avait ruiné sa puissance. Il y posa les bases d'un nouveau concordat, que le pape refusa de ratifier: l'empereur se disposait à venger cette insulte, lorsque sa situation, devenue plus précaire, l'obligea de songer à sa propre défense. Il ayait à combattre les soldats de

tière, et lui dit : « Général, vòyez si ce peuple est fait pour l'indépendance que vous voulez lui donner. » Ce grand enthousiasme qu'il avait réveillé sur son passage, diminuait pourtant à mesure qu'il s'approchait des états qui craignaient de retomber sous la théocratie romaine. En effet, l'administration de Pie VII fut d'abord un mélangede modération et de violence. L'une était dans son conseil, et l'autre dans son caractère se laissant aller aux insinuations de ses amis, il faillit perdre sur le trône l'opinion qu'il s'était acquise dans l'exil. Lorsque Joachim tenta vainement de soulever l'Italie contre l'Autriche, Pie VII dut encore descendre de son siége pour se mettre à l'abri d'une invasion. Il paraissait disposé à s'abandonner aux promesses de Joachim, qui lui avait fait dire que sa capitale ne serait point occupée; mais le ministre de Vienne calculant que le pape eu fuite devant les troupes napolitaines, produirait une fâcheuse impression sur le peuple, détermina Pie VII à se retirer en Toscane, et ensuite à Gênes. La restauration des Bourbons sur le trône de Naples, ramena le pape dans ses états, dont le congrès de Vienne respecta l'intégrité et l'indépendance. Le cardinal Gonsalvi, qui s'était mis à la tête des affaires, suivit l'impulsion générale, qui tendait à la modération et à la tolérance. Il chercha même à donner à l'administration romaine une organisation plus régulière, et des

presque toute l'Europe, qui se précipitaient sur la France. Deux rois sortis des rangs de l'armée française, et portés sur le trône par le bras victorieux de nos guerriers, s'étaient ralliés aux ennemis de leur patrie, et tournaient leur fer sacrilege contre leurs anciens compagnons de gloire. La défection du roi Joachim(voy. MuRAT) influa beaucoup sur la délivrance du pape, dont l'apparition en Italie ne pouvait que déranger les calculs ambitieux de cet imprudent transfuge. Pie VII quitta Fontainebleau le 25 janvier 1814, et traversa en triomphe la France et l'Italie. Arrivé sur le Taro, il fut remis aux avant-postes napolitains, qui l'escortèrent jusque dans sa capitale. Joachim alla à sa rencontre, et dans une entrevue qu'il eut avec lui, il tâcha d'en obtenir la cession des Marches, dont il s'était emparé; mais le même homme qui avait eu le courage de les refuser à Napoléon dans la grandeur, n'était pas fait pour les céder à un de ses lieutenans dans la disgrâce : il réclama la restitution de ses états, et protesta contre les traités qui en avaient disposé. Dans ce voyage, le pape montra un grand talent de conversation, et témoigna beaucoup d'égards aux généraux qui l'accompagnaient: il leur parlait souvent de Napoléon, avec plus d'intérêt que de ressentiment. Un jour, s'étant arrêté près de Narni, un paysan, affligé d'une maladie chronique, se traîne jusqu'à sa voiture, en lui demandant avec ferveur de le guérir avec sa puissance. Pie VII se tourne du côté de l'officier qui se tenait à sa por.

formes moins surannées : mais il s'aperçut bientôt qu'un gouvernement theocratique est de sa nature incompatible avec les

perfectionnemens et les réformes. Il se contenta d'ouvrir un asile aux proscrits, d'accorder une noble hospitalité aux individus de toutes les communions, d'empêcher toute espèce de réaction, et de s'opposer au zèle des dévots et des fanatiques. Mais l'acte le plus magnanime du règne de Pie VII, fut d'accueillir avec empressement dans ses états, la famille errante de l'homme dont il venait de quitter les prisons, et de la soutenir dans l'adversité, contre la haine de ceux qui en avaient mendié la faveur dans la fortune. Pie VII, malgré ses malheurs, avait conservé une santé parfaite, jusqu'à un âge très-avancé : rien n'annonçait encore sa mort, lorsqu'un accident vint la hâter. Le 6 juillet 1823, jour anniversaire de son enlèvement de Rome, le pape se félicitait d'avoir passé heurensement cette journée. Le soir, vers les dix heures, après avoir renvoyé son service, il s'entretint quelque temps avec son auditeur, qu'il congédia bientôt. Resté seul, il voulut se lever de son fauteuil, en s'appuyant d'une main sur son bureau, et en cherchant de l'autre un cordon attaché à la muraille; n'ayant pas pu l'atteindre, il tomba sur le carreau de marbre entre la table et le fauteuil, Plusieurs personnes étant survenues à ses cris, on le releva pour le porter sur son lit. Quelques mouvemens convulsifs firent connaître quelle avait été la violence de la chute. Dès la première visite, les chirurgiens déclarèrent que le col du fémur était cassé. La faculté réunie confirma ce premier

jugement. Pendant huit jours, on laissa ignorer au pape la gravité de l'accident qui lui était arrivé. Quand on le lui apprit il n'en parut ni surpris ni affligé. La maladie se prolongea près de six semaines, avec des alternatives de bien et de mal. Vers la fin cependant, la faiblesse s'accrot tout-à-coup au point d'enlever toutes les espérances de le conserver. Le 16 août, le délire se joignit au reste des symptômes effrayans qui s'étaient annoncés depuis quelques jours. Le malade se croyait à Savone et à ` Fontainebleau. Le lendemain, le mal devenu plus alarmant encore, le saint-père demanda à communier. Peu après, il perdit la parole on apercevait seulement à quelques sons articulés de sa voix, qu'il était intérieurement en prière. Aussitôt que cette nouvelle se répandit dans Rome, un sentiment universel de regret et de douleur se manifesta dans toutes les classes d'habitans. Ils apprirent bientôt que Pie VII n'était plus; il expira le 20 août 1823. Pie VII a eu la gloire de laisser à son successeur le patrimoine de l'église dans son antique intégrité, et l'héritage, plus précieux encore, de ses vertus et de sa douceur. Son nom sera chéri par la postérité, si les jésuites qu'il a rétablis ne la forcent à le maudire.

PIE (N.), grenadier français, l'un des premiers qui, en 1792, volèrent à la défense de la patrie, se distingua autant par la noblesse de ses sentimens que par son courage. Blessé à la retraite de Quiévrain, au moment où une partie de l'armée venait de s'insurger

et de massacrer un de ses chefs, il parut moins touché de sa blessure que du désordre qui régnait parmi les troupes, et dit à Alexandre Beauharnais, alors adjudantgénéral, qui se trouvait près de lui : « Mon officier, achevez» moi, que je ne voie pas la » honte de cette journée; vous » voyez que je meurs à côte de » mon fusil, avec la douleur de >> ne plus pouvoir le porter.» On transporta ce brave à l'hôpital de Valenciennes. L'assemblée législative, instruite de ce fait, décréta que le nom de Pie serait inscrit au procès-verbal de ses séances, qu'il lui serait envoyé un sabre d'honneur, et que son président lui adresserait une lettre de félicitation. Rétabli de sa blessure, il rejoignit son corps, et fut tué quelque temps après sur le champ de bataille.

PIEDOU-D'HÉRITOT (N.), fut nommé, au mois de mars 1797, député au conseil des anciens par le département du Calva. dos. Comme il était de ceux qui attaquaient chaque jour les mesures du directoire - exécutif, il en fut bientôt la victime. Nonseulement on annula son élection par suite de la journée du 18 fructidor an 5 (4 septembre 1797), mais encore on le mit en état d'arrestation. Il recouvra la liberté quelque temps après, et de puis cette époque ne reparut plus sur la scène politique.

PIENEMAN (JEAN-GUILLAUME), peintre d'histoire, chevalier de l'ordre du Lion-Belgique, membre de l'institut royal des PaysBas, né en 1779, à Abconde, village situé à deux lieues d'Amster

dam. Il perdit, dès l'âge de 2 ans, son père; sa mère, qui s'établit à Amsterdam, et ses tuteurs, le destinaient au commerce, mais le jeune Pieneman marquait, dès sa tendre enfance, des dispositions extraordinaires et un goût prononcé pour la peinture. Sans maître proprement dit, il se forma lui-même en étudiant la nature, et en travaillant avec assiduité à acquérir toutes les connaissances nécessaires pour parcourir, avec succès, la carrière des arts. Les institutions publiques pour l'encouragement et l'étude des arts, établies à Amsterdam, et surtout l'académie de dessin de cette ville, où les jeunes élèves travaillaient d'après le modèle vivant, furent d'un grand secours pour le jeune peintre, Dénué de fortune et obligé de trouver des moyens d'existence dans son talent, il s'essaya dans les genres divers du paysage, du portrait, des tableaux d'histoire, et obtint des succès dans tous.

En 1800, il remporta le premier prix à l'académie d'Amsterdam; les trois années suivantes, la société connue sous le nom de Felix Meritis, lui décerna aussi ses premiers prix pour deux grands paysages et un tableau d'histoire. En 1804 et 1805, il obtint les mêmes avantages à l'académie de Leyde, pour son grand tableau de Lysimaque, blessé par Alexandre, et pansé par ce prince, et pour un paysage représentant un Clair de lune et un village en feu. M. Pieneman fut quelque temps après, nommé professeur de dessin à l'école d'artillerie et de génie établie alors à Amersfort, et transportée depuis à Delft. Il conserva

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