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damental de leur nouvelle organisation. Dans le premier, il demandait aux évêques députés d'aviser aux moyens de conciliation, et dans l'autre, écrit en contradiction du précédent aux évêques, au clergé et aux fidèles de France, il applaudissait à la déclaration des trente évêques, blâmait la défection de leurs collègues, et ordonnait à tous les ecclésiastiques de rétracter, dans le terme de quarante jours, le serment de fidélité qu'ils avaient prononcé, sous peine d'être suspendus de l'exercice de leurs fonctions. Cette mesure inconsidérée n'arrêta pas les travaux de l'assemblée nationale; mais elle exposa dans la suite le clergé à la persécu tion, et aurait probablement amené un schisme en France, si la nation, trop occupée de ses dé bats politiques, n'eût dédaigné de se jeter dans des querelles religieuses. Le peuple de Paris se contenta de brûler les derniers brefs du pape; le gouvernement lui répondit par l'envahissement d'Avignon et sa réunion à la France, et l'archevêque de Sens, dont la voix trouva des échos partout, lui déclara « qu'il ne balançait pas » entre sa patrie et un chapeau, et » qu'il lui renvoyait ce dernier. >> La mésintelligence entre les deux gouvernemens était à son comble, lorsque l'assassinat d'un agent de la république (voyez BASSEVILLE), sous les yeux mêmes de l'autorité papale, fournit de nouvel les armes contre la cour de Rome. La lutte devint alors plus acharnée; et les foudres du directoire-exécatif de France, plus redoutables que celles du Vatican, ne tar

dèrent pas à tirer vengeance de ce crime. En 1796, lors des premiers succès des armées françaises en Italie, une division de troupes républicaines passe le Pô, s'empare de Bologne, de Ferrare, et s'étend jusqu'à Ancône. Peu avant cette irruption, Pie VI avait envoyé à Milan, le chevalier Azara, ambassadeur d'Espagne à Rome, espérant que la médiation de ce ministre pourrait conjurer l'orage prêt à fondre sur ses états. L'habileté de ce diplomate ne parvint à le détourner qu'en siguant un armistice à des conditions extrêmement dures. Le pape était condamné à perdre les deux légations de Bologne et de Ferrare, à payer une contribution de quinze millions, et à sacrifier une partie des objets précieux qui figuraient dans ses principales collections. Le pape recule d'effroi devant ces prétentions; mais trop faible pour les repousser, il lui fallut avoir le courage d'y souscrire. Il tira du château SaintAnge le trésor qui y était enfermé, demanda l'argenterie des églises,et se disposait à remplir la partie la plus onéreuse du traité, lorsque le directoire le rendit inexécutable en imposant au pape la rétractation des brefs contre fa constitution civile du clergé. Pie VI assemble une congrégation composée de ce qu'il y avait de plus éclairé dans le sacré-collége: il lui soumet les propositions du directoire, accueille toutes les observations, et déclare indigne de lui d'acheter la paix en sacrifiant la dignité de son caractère, et en faisant périr dans ses mains l'infaillibilité du vicaire

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du Christ. Le rôle de chef de l'église était fini il ne restait plus à Pie VI que de déposer son triple diadême pour ceindre la couronne du martyre: mais, séduit par les offres des ennemis de la France, il se jeta imprudemment dans la coalition qu'on tramait contre elle, et prit l'attitude de guerrier, moins imposante sans doute que celle d'un apôtre. Le 6 janvier 1797, on bénit les drapeaux de plusieurs corps qui devaient défendre l'ancien patrimoine de saint Pierre. Ils déployaient avec audace le labarum de Constantin, avec ces mots rassurans: In hoc signo vinces. Au milieu de cet enthousiasme, il était difficile de raisonner. Cacault, ministre de la république française, fit néanmoins quelques propositions qu'en toute autre circonstance on aurait acceptées. Mais la congrégation refusa d'entrer en aucun arrangement avant que les deux légations n'eussent été évacuées. Tant d'arrogance de la part d'un conseil qui s'était montré quelques jours avant si timide, s'expliquait par les rapports secrets qui existaient entre la cour de Rome et le cabinet de Vienne. Le général en chef Bonaparte en acquit la preuve dans une lettre interceptée du cardinal Busca, nouveau secrétaire-d'état, à Mgr. Albani, nonce du pape en Autriche. Le cardinal y exposait sans détour ses projets, ses désirs, et même le plan d'amener une guerre civile en France, sans trop compromettre le saint-siége. Après une pareille découverte, il n'y avait plus de ménagemens garder. Le 15 pluviôse (1 février

1797), Bonaparte, du quartiergénéral de Bologne, annonce la rupture de l'armistice violé par le pape, qui n'avait cessé d'exciter les peuples à la croisade,qui avait mêine fait avancer ses troupes jusqu'à dix milles de Bologne, entamé des négociations hostiles avec la cour de Vienne, et s'était refusé de répondre aux ouvertures pacifiques du ministre Cacault. Aussitôt après cette déclaration, l'armée française occupe les états de l'Eglise, s'empare en courant d'Imola, de Forli, de Cesena; établit des garnisons dans le duché d'Urbin, dans la marche d'Ancône, et arrive le 17 du même mois à Tolentino. Rome n'apprit pas sans effroi la marche triomphante du général en chef Bonaparte; elle se hâta de lui envoyer des plénipotentiaires, qui signèrent une convention encore plus rigoureuse que la première, et dont les principaux articles portaient que le pape paierait 31 millions, fournirait 1,600 chevaux harnachés, renoncerait aux trois légations de Ferrare, Bologne et Ravenne, et accepterait garnison française dans la quatrième d'Ancône. Le lendemain de la stipulation de ce traité, le général en chef Bonaparte et son état-major étaient déjà sur la route de l'Autriche, pour reparaitre dans les états héréditaires. La paix de Tolentino mettait le pape en guerre contre ses sujets, et excitait le mécontentement et les plaintes dans toutes les classes de la société. Un parti de patriotes se formait dans la ville, et insultait à la faiblesse du gouvernement. Des murmures, des pla

cards, des attroupemens, tous les symptômes avant-coureurs d'une grande catastrophe, annonçaient déjà l'audace des rebelles. Sur ces entrefaites arrive à Rome le nouveau ministre plénipotentiaire de la république française : c'était le frère du vainqueur d'Arcole. Tous les yeux se tournèrent sur lui, cherchant à interpréter ses moindres propos, ses démarches les plus insignifiantes. Son début, son langage, parurent de bon augure, et les partisans du saint-siége commencèrent à se flatter que le pape était encore redoutable aux yeux de la France. Mais dans le sein de ce calme trompeur se forma un orage qui détruisit toutes les illusions. Le 28 décembre 1797, une sédition éclata dans Rome : le gouvernement envoya des troupes pour dissiper les factieux : ils se retirent dans le palais de France; on les y poursuit. Parmi les personnes qui entouraient l'ambassadeur français, et qui concoururent avec lui à contenir l'effervescence des insurgés et l'aveugle fureur des troupes, se trouvait le général Duphot (voyez ce nom), connu si avantageusement par sa brillante valeur. Il s'élance vers cette soldatesque effrénée, qui avait déjà immolé tant de victimes dans les cours, dans le vestibule et jusque sur les escaliers du palais de France; et ce jeune héros, que l'hymen allait unir quelque jours après à la sœur du général en chef Bonaparte, tombe victime de son dévouement sous les coups redoublés des lâches qu'il avait voulu désarmer. L'ambassadeur quitte brusquement Rome, et en

voie au directoire la relation détaillée de cet atroce événement. Le pape offrit toute sorte de satisfaction; mais la dernière heure de son existence politique était sonnée et le général Berthier fut chargé de venger l'affront fait à la république, et d'apaiser les mânes d'un citoyen. Le 25 janvier 1798, plusieurs colonnes de troupes françaises et cisalpines sont en marche sur Rome. A leur approche, une députation de la ville vient annoncer à Berthier que le peuple romain a repris sa souveraineté. Bientôt après, ce général, à la tête de tous les grenadiers de son armée, accompagné de son état-major et de 100 chevaux de chaque régiment des troupes à cheval, marche droit au Capitole, en traversant les flots d'une foule immense de spectateurs. Arrivé dans ce lieu témoin de tant de triomphes, le général Berthier prononce un discours dont la laconique énergie mérite d'être transmise à la postérité : « Mânes des Caton, des Pompée,

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des Brutus, des Cicéron, des >> Hortentius, recevez l'hommage >> des Français libres dans le Căpitole, où vous avez tant de fois » défendu les droits du peuple, et illustré la république romaine. » Ces enfans des Gaulois, l'oli» vier de la paix à la main, vien»>nent en ce lieu auguste y réta» blir les autels de la liberté dres»sés par le premier des Brutus. >> Et vous, peuple romain, qui ve»> nez de reprendre vos droits lé» gitimes, rappelez-vous ce sang

qui coule dans vos veines; jetez >> les yeux sur les monumens de »gloire qui vous environnent;

»reprenez votre antique grandeur » et les vertus de vos pères. » Le général Berthier prit les rênes du gouvernement,qui n'avait encore que des chefs nominaux. Il commença par faire célébrer une cérémonie funèbre en l'honneur du général Duphot, auquel on éleva un monument expiatoire sur la place même du Vatican. On créa ensuite un directoire sous le nom de consulat, qui devait remplacer l'ancien gouvernement. Ces cardinaux, si fiers de leur dignité, se trouvent dépouillés tout-à-coup de ces brillans dehors dont s'enivrait leur orgueil. Enveloppés indistinctement dans la même proscription, ils ne devinrent intéressans que depuis qu'ils étaient malheureux. Au milieu de la fermentation générale qui régnait à Rome, on conçut des craintes pour la sûreté du pape, dont la personne pouvait réveiller des sentimens opposés dans les deux partis qui s'étaient formés à sa chute. Les commissaires français demandérent son éloignement de la capitale, et même de l'état ecclésiastique. Dans la nuit du 19 au 20 février, il prit la route de Viterbe, en s'éloignant du Vatican, qu'il ne devait plus revoir. Conduit d'abord à Sienne, dans un couvent des Augustins, il y vivait paisiblement lorsqu'un tremblement de terre vint ébranler l'asile qu'on lui avait choisi, et fit écrouler plusieurs bâtimens voisins. On le transféra à la Chartreuse de S. Cassiano, près de Florence, où il reçut la visite du grand-duc et de sa famille, ainsi que celle du roi et de la reine de Sardaigne. Combien de réflexions ne dut-elle pas

faire naître, cette réunion de souverains détrônés ou menacés de l'être! Le directoire, inquiet sur le sort de l'Italie, vint troubler de nouveau la retraite de Pie VI: on craignait que, voisin encore de ceux qu'il avait si long-temps éblouis de l'éclat de sa dignité, le pape ne servît d'occasion ou de prétexte à quelque complot contre la sûreté générale. Il fut question de l'envoyer à l'abbaye de Molk, où il s'était arrêté pendant son voyage de Vienne; mais la guerre éclatée entre l'empereur d'Autriche et le gouvernement français ne permit pas qu'on exécutât ce projet. Il fallut se décider pour la France; et, le 27 mars 1799, Pie VI se mit en route pour se rendre à Valence, lieu marqué pour son exil, où il arriva le 14 juilet suivant; son entrée dans cette ville eut presque l'air d'un triomphe: la générosité française ne se montra jamais mieux que dans cette occasion; elle dut être d'une grande consolation pour le cœur d'un vieillard rempli de chagrin et d'amertume. Son séjour n'y fut pas de longue durée; son grand âge, ses malheurs et ses infirmités qui s'étaient accrues pendant ce voyage, tout avait contribué à hâter la fin de ses jours. On venait encore lui signifier l'ordre donné par le directore de le transporter à Dijon, lo qu'il fut saisi par un vomissement qui le laissa sans connaissance. Revenu à lui, il demanda son confesseur, et se disposa à recevoir les derniers sacremens, que le cardinal Spina lui administra. Se sentant approcher de sa fin, il voulut qu'on le revêtît de ses habits pontificaux,

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