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plantes, et leur usage dans la médecine et l'économie domestique. PETHION (ALEXANDBE), président de la république d'Haïti, né au Port-au-Prince (Saint-Domingue), le 2 avril 1770. Son père était un colon européen, nommé Sabès, qui jouissait d'une fortune assez considérable dans l'île, et sa mère une mulâtresse libre. Leur fils, quoique homme de couleur, ne connut jamais les liens de l'esclavage; il reçut une éducation libérale, et fut dès son enfance l'objet des plus tendres soins de son père. Le nom de Péthion, qu'il devait illustrer un jour, était un de ces sobriquets d'enfance que les mères se plaisaient à donner à leurs fils. On a faussement avancé qu'il l'avait pris pour avoir quelque chose de commun avec le maire de Paris (voy. PETION DE VILLENEUVE), dont l'existence même était alors entièrement inconnue à Saint-Domingue. A peine âgé de 20 ans, Péthion fut un des premiers qui prirent les armes lorsque les troubles de la métropole se propagèrent d'une manière si effrayante dans sa plus riche colonie. Il se distingua bientôt non-seulement par des talens et par la plus brillante valeur, mais par des qualités encore plus rares à une époque de dévastation et de carnage, par sa bienfaisance et son humanité. Toujours sensible à l'infortune de ses semblables, de quelque couleur et de quelque parti qu'ils fussent, il leur tendait une main secourable, et adoucit, autant qu'il dépendait de lui, les horreurs de la guerre civile. Plusieurs colons blancs lui durent la vie. Péthion

remplissait les fonctions d'adjudant-général quand les Anglais évacuèrent la colonie de St.-Domingue en 1798. Le nègre ToussaintLouverture (voy. LOUVERTURE), Sous le titre de général en chef, s'était emparé du pouvoir absolu, et avait résolu de secouer le joug de la France. Les hommes de couleur, nés des Français, lui étaient tous suspects, et après avoir exterminé les blancs, il s'essayait à étendre la proscription sur les mulâtres. Le général Rigaud, homme de couleur lui-même, secondé par Péthion, s'opposa aveo courage à Toussaint-Louverture, et rallia sous ses drapeaux tous les hommes de sa caste, ainsi qu'un petit nombre de noirs. La guerre civile se ralluma avec une nouvelle fureur. Péthion se jeta dans la place de Jacmel, point important à conserver,et que Toussaint-Louverture assiégeait en personne. Les habitans étaient découragés, et la place mal pourvue de vivres et de munitions de guerre. Il n'en opposa pas moins une longue et vigoureuse résistance aux forces supérieures des assiégeans. Quand enfin la famine le força d'évacuer Jacmel, il protégea la retraite des vieillards, des femmes et des enfans, et à la tête de 1,900 combattans, il s'ouvrit à la baïonnette un passage à travers l'armée de Toussaint, forte de 22,000 hommes. Ayant ensuite rejoint le général Rigaud, qui lutta encore long-temps contre son célèbre compétiteur noir, ils furent enfin forcés tous deux de céder à la fortune de Toussaint, et s'embarquèrent pour la France avec

quelques compagnons fidèles. Péthion n'y prit aucune part aux affaires publiques, mais se livra avec ardeur à l'étude, et acquit des connaissances étendues, dont il fit souvent preuve depuis. Lors de l'expédition du général Leclerc, Péthion fut employé, dans le grade de colonel, avec son général et son ami Rigaud. Tous deux rendirent d'éminens sérvivices. L'influence qu'ils avaient conservée à Saint-Domingue, leurs conseils et leurs exemples, entraînèrent plusieurs autres habitans de l'île, qui jouissaient de la confiance publique, et bientôt tout fut soumis à l'autorité de la France. Toussaint-Louverture parut même s'y être rallié de bonne foi; mais l'impéritie, l'orgueil et la cruauté des nouveaux chefs perdirent tout. On avait solennellement promis aux noirs, comme aux hommes de couleur, la liberté, et la jouissance paisible des biens qu'ils avaient acquis au prix de tant de sang; mais on viola bientôt, d'une manière aussi injuste qu'impolitique, les plus saints engagemens. Toussaint s'était retiré dans une habitation qu'il possédait à l'intérieur de l'île, et y vivait paisible. Des soldats français vinrent l'enlever; on le jeta dans un bâtiment, qui fit aussitôt voile pour la France, où il expira de faim dans un cachot. Le général Rigaud fut de même déporté. Après la mort du commandant en chef de l'expédition française le général Leclerc, son successeur, qui se trouvait dans une position difficile, avec des troupes affaiblies, crut devoirsuppléer à la force par la violence,

et voulut régner par la terreur. Bientôt il ne mit plus de bornes à ses fougueux emportémens. Les colons européens même, revenus à Saint-Domingue avec l'expédition française, ne furent point épargnés. Plusieurs furent déportés et spoliés, d'autres furent fusillés. Pour les noirs on s'en débarrassait par des supplices de différens genres. Des officiers, des chefs, étaient cousus dans des sacs, et jetés à la mer; le malheureux général Laplume, resté constamment fidèle à la France, fut de ce nombre. On envoya enfin à la terre ferme chercher des équipages de chiens, pour chasser et dévorer les nègres, et l'on eut soin d'entretenir l'ardeur de ces animaux, en leur fournissant des rations journalières de chaire noire. Péthion, indigné de tant d'horreurs, et menacé dans sa propre existence, se retira dans les mornes ou montagnes inaccessibles de Saint-Domingue. Tous ses compatriotes qui purent échapper à la surveillance française vinrent lejoindre. Le général noir Dessalines prit le commandement en chef des mécontens, et l'on déclara la guerre aux persécuteurs de l'Europe. Ce qu'il cût été facile de prévoir, arriva. Les guerriers français, déjà réduits en nombre, et avec eux les restes des braves de la légion polonaise, qui avait si vaillamment combattu à l'armée d'Italie, étaient moissonnés chaque jour par le fer de l'ennemi ou par les maladies épidémiques d'un climat dévorant. Les Anglais, de nouveau en guerre avec la France, se hâtèrent de fournir des armes et des muni

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tions de guerre à tous ceux qui combattaient leurs ennemis. Enfin les faibles débris des forces naguère si imposantes, que la mère-patrie avait envoyées à grands frais dans sa plus belle colonie, furent obligés de l'évacuer, et de chercher un refuge sur leurs vaisseaux, qui devinrent bientôt la proie des croisières britanniques, et les soldats échappés de l'expédition de Saint-Domingue allèrent achever de mourir sur les pontons anglais. Le plus féroce des négres, Dessalines, s'empara alors de l'autorité suprême, et se fit proclamer, sous le nom de Jacques I", empereur d'Haïti. Mais ses fureurs le rendirent odieux aux hommes qui naguère étaient ses égaux, et qu'il voulut soumettre à un joug encore plus pesant que celui des blancs. Le nouvel empereur laissa percer la résolution qu'il avait prise de se défaire de tous les hommes de couleur, dont l'instruction et la valeur pouvaient opposer des digues à son despotisme, et de ne conserver dans File que les noirs qu'il croyait plus faciles à opprimer. On le prévint, et dans la journée du 17 octobre, pendant qu'il passait une revue au Port-au-Prince, il fut immolé au milieu de ses gardes. Le nègre Christophe, chef des conjurés, qui avait fait preuve dans plusieurs occasions de courage et de talens militaires, mais qui était aussi avide du pouvoir absolu, et presque aussi cruel que Dessalines, fut proclamé président et généralissime de la république d'Haïti. Il nomma d'abord Péthion son

lieutenant, et gouverneur de la partie du sud. Les états-généraux de la nouvelle république furent convoqués au Cap, et prirent le titre d'assemblée nationale. Les divisions y éclatèrent bientôt entre les chefs. Péthion, ardent et sincère ami de la liberté, voulait le gouvernement représentatif, tel qu'il sut depuis l'établir. Christophe voulait être le maître de l'état, et ne pouvait supporter ni un égal, ni une autorité quelconque, balançant la sienne. Aussi, à l'aide des troupes noires, qui lui étaient alors presque entièrement dévouées, se fit-il proclamer et couronner roi d'Haïti au Cap-Français, capitale de ses états, où il régna despotiquement sous le nom de Henri I. Dans une proclamation qu'il publia contre Péthion, il déclara celui-ci rebelle, ajoutant que l'autorité souveraine appartenait de droit comme de fait au plus fort, selon le code Heuri. Mais les parties de l'ouest et du sud, se formèrent en une république dont le sénat et les représentans du peuple nommèrent à l'unanimité Péthion le président. Il s'établit dès-lors au Port-au-Prince, et sut bientôt faire chérir et respecter son autorité constitutionnelle. Les hostilités ne tardèrent pas à commencer par terre et par mer entre ces deux chefs. Le roi Henri avait sous ses ordres des troupes plus nombreuses, et en général mieux armées et mieux équipées. Le président Péthion était plus aimé, et trouva dans le dévouement et la persévérance des citoyens qui vivaient heureux sous son administration, des ressources qui man

quèrent à son ennemi. Celui-ci, furieux de voir soustraire à sa domination de riches et belles contrées, vint à plusieurs reprises attaquer le Port-au-Prince. Le 1er de janvier 1808, Péthion remporta une victoire mémorable sur le roi noir, qui avait cependant une armée deux fois plus forte en combattans. Le vaincu fut forcé de se retirer en toute hâte au Cap, où il recruta de nouveau et disciplina de son mieux une ar mée composée en grande partie de ses anciens compagnons; mais l'esclave qu'ils avaient couronné était devenu un maître impitoyable, et il ne régnait plus sur eux que par la terreur. Il marcha de nouveau en 1811, sur le Port-auPrince, avec des forces considérables. Péthion se tint sur la défensive. Son lieutenant, son ami et son successeur, Boyer, à la tête d'une poignée d'hommes de couleur, repoussa plusieurs attaques des assaillans, et se couvrit de gloire. Las du joug de fer de Henri I", 3,000 hommes, formant un corps d'élite de sa garde, passèrent avec leur colonel, le mulâtre Marc, du côté de Péthion. Cette défection fut suivie de plusieurs autres, et détermina encore Henri à se sauver au Cap, où, dans sa rage, il fit egorger sans distinction d'âge ni de sexe, tous les gens de couleur qui existaient dans ses domaines. Mais il parut au moins avoir acquis par cette dernière expédition la certitude que tous ses efforts contre Féthion ne seraient jamais couronnés par le succès, et sans conclure de paix positive, il renonça à de nouvelles at

taques. Le président de la république d'Haïti profita de ce repos pour achever l'ouvrage qu'il avait commencé. Son armée, augmentée par tous les soldats qui avaient abandonné son adversaire, fut mise sur un pied respectable; ses places frontières furent fortifiées, ses ports furent ouverts à toutes les nations européennes ; les Français même, que le commerce y attirait, trouvaient protection et sécurité sous son administration. Non-seulement il encourageait le commerce, mais il mit le zèle le plus louable à étendre dans ses états la civilisation etles lumières; il forma des établissemens pour l'instruction des noirs et des mulâtres, encouragea le travail, mit de l'ordre dans les finances, paya des sommes considérables qui étaient dues aux Américains pour fournitures faites à son armée, et bientôt la sécurité générale du pays, la tranquillité, la paix et le bonheur dont jouissaient les citoyens sous un gouvernement à la fois ferme et équitable, firent proclamer Péthiou le père de la patrie. Il sut aussi faire respecter la république au dehors. Quelques différens s'élevèrent entre lui et les États-Unis de l'Amérique septentrionale. Un matelot de leur pays ayant tué un homme d'Haïti, fut jugé, condamné et exécuté sur-lechamp. Les agens américains se plaignirent, Péthion leur répondit qu'il ferait constamment exécuter les lois contre amis et ennemis, sans ménagement pour qui que ce pût être. Sa fermeté en imposa, et l'interruption momentanée des relations commer

ciales cessa bientôt. En 1815, il fut réélu président, pour 4 ans, au terme de la constitution. Des négociations furent entamées avec lui l'année suivante par le gouvernement français; mais il refusa d'écouter les propositions de tout agent étranger, qui ne serait point autorisé à reconnaître solennellement l'indépendance de Haïti, condition première, et sine quâ non de tout traité. La politique de Péthion le portait à accorder des secours aux indépendans de l'Amérique néridionale. Ils trouvèrent asile et protection dans leurs revers, et deux bataillons de noirs, qui leur fut permis de lever à Haïti, leur rendirent d'éminens services. Il procura ainsi aux commerçans de sa république de nombreux avantages, et entrelinten même temps des relations amicales avec les colonies des nations européennes dans les îles et sur le continent américain. Tout paraissait assurer à Péthion une existence calme et glorieuse, et il semblait n'avoir plus qu'à jouir de ses longs et utiles travaux; mais sa santé déclinait depuis quelque temps, et il souffrait à certaines époques des douleurs aiguës. On assure que satisfait du rôle qu'il avait rempli, que rassasié d'honneurs et de l'exis tence même, il résolut de disposer librement et seul de sa vie. Après en avoir fixé le terme, il refusa obstinément, malgré les vives instances de tous ceux qui l'entouraient, et particulièrement de son ami le général Boyer, de prendre aucune nourriture, et expira d'inanition au septième jour, le 29 mars 1818. Sa mort

répandit une consternation générale; toute la population de la république prit spontanément le deuil, les funérailles du président furent célébrées avec pompe au milieu des plus solennelles cérémonies religieuses, et un monument a été élevé en sa mémoire par les citoyens reconnaissans. Péthion avait rempli sa dernière obligation envers sa patrie, en désignant à son lit de mort, et ainsi que la constitution le lui permettait, le général Boyer pour son successeur. Celui-ci marche sur les traces de son illustre prédécesseur, et paraît destiné à achever son ouvrage. Déjà il a vu crouler la monarchie éphémère de Henri I", dont les esclaves ont voulu redevenir citoyens. La partie cidevant espagnole de Saint-Domingue a aussi adopté les lois de la république d'Haïti. Boyer, comme Péthion, appartient à cette race d'hommes, qu'un chevalier français de Saint-M....dit «< ne »pouvoir être rangés dans la classe des peuples, puisqu'ils n'ont point paru au berceau des hommes, puisqu'ils ne sont que fes fruits bizarres de la découverte aventureuse du Nouveau-Monde, et les produits d'alliances presque toujours illégitimes. »> Peut-être cependant que si l'on eût usé de plus de loyauté, de plus d'humanité envers des frères, à qui la nature ne paraît avoir refusé que la couleur blanche, peut-être alors la France eût-elle conservé saplus belle colonie et sa plus riche possession dans les Deux-Indes. Maintenant ces hommes, qui n'ont point joui de l'avantage

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