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en 1821 qu'il devint grand'croix de l'ordre de la légion-d'honnneur. PÉRON (FRANÇOIS), correspondant de l'institut, membre de la société de médecine, de la socié té philomatique et de plusieurs autres sociétés savantes, naquit à Cerilly, département de l'Allier, le 22 août 1775. Son intelligence s'annonça dès ses premières années, par une extrême curiosité, et par un vif désir de s'instruire. A peine sut-il épeler qu'il prit pour la lecture une telle passion, que pour la satisfaire il employait toutes les ruses que les enfans imaginent ordinairement pour se livrer au jeu. La nort de son père le laissa sans fortune, mais sa mère s'imposa les plus pénibles privations pour lui faire faire ses études dans le college de la petite ville de Cerilly. Elle en fut dignement récompensée par les rapides progrès du jeune Péron. Lorsqu'il eut fini sa rhétorique, on lui conseilla d'embrasser l'état ecclésiastique; mais déjà les esprits se tournaient vers la politique et la guerre, déjà les courages s'enflammaient, et la révolution, qui commençait, imprimait à tout un mouvement irrésistible. Péron ne fut pas insensible à cet enthousiasme général; il partit, en 1792, pour Moulins, où il s'enrôla à 17 ans dans le 2o bataillon de l'Allier. Ce bataillon fut envoyé à l'armée du Rhin,et de là au secours de Landau, qui était assiégé, et il partagea bientôt les honorables périls des braves qu'il venait seconder. Péron, qui avait été fait sous-officier, donna dans ces circonstances des preuves d'une intrépidité

rare et du plus grand sang-froid. Il fut blessé à la tête pendant le siége, et après sa levée il alla avec son corps rejoindre l'armée du Rhin sous les lignes de Weissembourg. Il fut fait prisonnier par les Prussiens à la bataille de Kayserslautern, livrée le 26 décembre 1793, et conduit d'abord à Wesel, puis à la citadelle de Magdebourg. Péron mit à profit l'inaction forcée à laquelle il était condamné; il employa l'argent qu'il avait pu conserver, à se procurer des livres, et il se livra à l'étude des historiens et des voyageurs, se détournant à peine de son travail pour prendre quelques momens de sommeil. Échangé à la fin de 1794, il se rendit à Thionville, où il reçut son congé de réforme, motivé sur ce qu'il avait perdu l'œil droit par suite de ses blessures. Il revint à Cerilly au mois d'août 1795, et après avoir passé quelques mois dans sa famille, il sollicita et obtint du ministre de l'intérieur, une place d'élève à l'école de médecine de Paris, où, pendant 5 ans, il suivit les cours de l'école. Mais une seule branche des sciences ne pouvait suffire à l'ardeur qui le portait vers l'étude : il continua à se livrer à la poésie, pour laquelle il avait toujours montré du goût; il voulut aussi tout à la fois cultiver les différentes parties de l'histoire, la géographie et la jurisprudence, qui s'y rattachent souvent. I apprit en outre les mathématiques, l'astronomic, la physique et la chimie. L'étude des langues ne fut pour lui qu'un délas

sement, et il se rendit bientôt familiers le grec, l'italien, l'anglais et

l'espagnol. Jusqu'alors la médecine était restée son objet principal; l'histoire naturelle vint s'y joindre; il conçut pour elle autant de passion que pour la médecine; et après avoir assisté aux cours de zoologie et d'anatomie comparée du muséum d'histoire naturelle, il devint également familier avec ces deux scien ces. La rapidité de ses progrès et l'étendue de ses connaissances en médecine allaient le faire recevoir docteur, lorsqu'une circonstance particulière le détermina à renoncer à son projet. Le gouvernement français venait d'ordonner une expédition pour les terres australes. Deux vaisseaux, le Géographe et le Naturaliste, commandés par le capitaine Baudin, déjà armés au Havre, n'attendaient que les dernières instructions du ministre. Péron demande à être employé dans cette expédition, mais le nombre des savans est complet; il s'adresse à M. de Jussieu, l'un des commissaires chargés du choix des naturalistes, le prie de solliciter pour lui, et lui développe avec chaleur son plan, ses vues et ses moyens. M. de Jussieu, qui n'a pu l'entendre sans étonnement et sans émotion, lui conseille de faire un mémoire, dans lequel il exposera ses motifs, et quelques jours après, Péron lit à l'institut un mémoire sur la nécessité d'attacher à l'expédition un médecin naturaliste, spécialement chargé de faire des recherches sur l'anthropologie, ou histoire de l'homme; cet écrit réunit tous les suffrages, et Péron obtint du ministre sa nomination à une place de zoologiste. Après avoir employé

le peu de jours qui lui restent jusqu'au départ de l'expédition, à recevoir des instructions de MM. de Lacepède, Cuvier et Degerando, Péron va à Cerilly prendre congé de sa mère, et se rend au Havre, où il s'embarque sur le Géographe, Les deux vaisseaux mirent à la voile le 19 octobre 1800. Dès ce moment commença entre Péron et LESUEUR (voy. ce nom) une amitié qui ne s'est jamais démentie. Ces deux amis mettaient leurs travaux en commun. Lesueur dessinait ce que Péron décrivait; ils s'entendaient sur tout, et jamais l'un deux n'a cherché à se faire valoir aux dépens de l'autre. Le jour même de son arrivée à bord, Péron commença des observations météorologiques, qu'il répéta constamment, de 6 heures en 6 heures, pendant la durée

du voyage. Il fit sur la température de l'Océan ces belles expériences qui démontrent que les eaux sont plus froides dans le fond qu'à la surface, et qu'elles le sont d'autant plus que la profondeur est plus grande résultat qui, réuni à ceux des expériences de Forster et de Irwing, conduit à des conséquences importantes pour la physique générale. En approchant de l'équateur, la phosphorescence de la mer attira son attention. Ce phénomène avait souvent été observé par des voyageurs; mais ils n'avaient pas encore vu l'Océan présenter l'aspect du ciel pendant une aurore boréale: on avance, et l'on reconnaît que cette lumière est due à une multitude innombrable d'animaux qui ressemblent à des charbons ardens; on en pêche plusieurs, qui, après avoir pris

successivement toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, et brillé de l'éclat le plus vif, finissent par s'obscurcir insensiblement. L'impression que ce phénomène fit sur Péron le détermina à étudier plus particulièrement les zoophytes, et pendant tout le voyage, Lesueur et lui furent tour-a-tour penchés sur le côté du vaisseau pour recueillir les espèces qu'ils pouvaient apercevoir. Après cinq inois de navigation, il arriva à l'île de France: c'était là qu'on devait prendre les objets nécessaires pour aller aux terres australes; mais par l'effet de la plus coupable spéculation, au lieu de se pourvoir d'abondans rafraîchissemens, on n'embarqua qu'une petite quantité d'alimens détériorés, plus capables de nuire que de soutenir les forces. Justement ef frayés de l'avarice du commandant de l'expédition, et redoutant les indignes traitemens auxquels les avait déjà exposés sa dureté, plusieurs officiers, naturalistes, peintres, et quarante des meilleurs matelots, restèrent dans l'île, se hâtant d'abandonner un chef dont l'avarice fait craindre la famine pendant le cours d'une longue navigation. Pérou ne pouvait s'aveugler sur l'affreuse perspective qui se présentait, mais sa resolution n'en fut point ébranlée; il se rallie au petit nombre d'hommes courageux, restés fidèles à leur premier dessein, tous s'unissent par les liens d'une indissoluble amitié, tous jurent de se prêter un mutuel secours. Ils partent dans cette généreuse résolution, et, quoique encore dans le port, ils éprouvent

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déjà les effets d'un dénuement presque absolu : triste prélude et principale source des malheurs qui devaient les accabler par la suite! Nous ne suivrons pas Péron dans les détails de son voyage, mais nous croyons devoir nous arrêter un moment dans les lieux qui furent le principal théâtre de ses observations. En partant de l'Ile-de-France, on se dirigea vers la pointe la plus occidentale de la Nouvelle-Hollande, et l'on mouilla dans une baie qui reçut le nom de Baie du Géographe. On remonta ensuite la côte occidentale, où l'on fit plusieurs relâches, et l'on se rendit à Timor c'est essentiellement au séjour que Péron fit dans cette île qu'on doit son travail sur les mollusques et les phytes. La mer est peu profonde sur sur cette côte; il passait la plupart des journées sur le rivage, s'enfonçait dans l'eau au milieu des récifs, toujours au péril de sa santé et même de sa vie, et ne rentrait que le soir chargé d'une nombreuse collection, qu'il examinait avec Lesueur. L'espoir d'échapper au scorbut, qui tourmentait l'équipage, avait fait relâcher à l'ile de Timor; mais le

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séjour de cette ile funeste produisit à la place de ce terrible scorbut une dyssenterie plus cruelle encore. Péron voit bientôt succomber ses camarades, ses amis, malgré le zèle et les soins de MM. L'Haridon, Bellefin et Taillefer, médecins de l'expédition. Remarquant que les habitans de l'île échappaient à l'influence du climat, Péron en rechercha la cause, et la trouva dans l'usage qu'ils

font de betel. En quittant Timor, l'expédition se dirigea vers le cap Sud de la terre de Diemen. Après avoir reconnu la partie orientale de cette terre, elle entra dans le détroit de Bass, et elle suivit la côte méridionale de la Nouvelle-Hollande. Nous ne retra cerons pas ici le tableau des ravages que le scorbut exerça sur des corps exténués par la famine et la dyssenterie, il nous suflira de dire que lorsque le Géographe arriva au port Jackson, il n'y avait plus que 4 homines de l'équipage en état de faire le service. Loin de se livrer au repos, Péron profite de son séjour dans cette colonie pour continuer ses recherches de physique et d'histoire naturelle; il étudie le régime civil et politique d'un établissement où des lois à la fois sages et sévères, et la nécessité du travail, ont changé des brigands, chassés de leur patrie, en utiles cultivateurs; où des femmes jadis perdues de débauche ont fait oublier leur ancien avilissement, et sont devenues de laborieuses mères de famille. Après le départ du port Jackson, d'où le Naturaliste avait été renvoyé en France, une navigation non moins périlleuse restait à exécuter. Il fallait examiner les îles situées à l'entrée occidentale du détroit de Bass, suivre de nouveau les côtes de la Nouvelle-Hollande, et en faire le tour pour entrer dans le golfe de Carpentarie. Les dangers se multipliaient à chaque instant sur ces côtes inconnues et hérissées de récifs; ils étaient plus grands encore pour les naturalistes, qui saisissaient toutes les occasions de s'enfoncer dans l'inté

rieur des terres. Péron déploya un courage et une activité inconcevables. Il allait chercher les sauvages, sans s'effrayer de leur perfidie et de leur férocité; il recueillait un grand nombre d'animaux de toutes les classes, et ne négligeait rien pour examiner leurs habitudes, et reconnaître ceux qui pouvaient offrir une ressource aux navigateurs, ou qui étaient susceptibles d'être naturalisés en Europe. Des cinq zoologistes embarqués, deux étaient restés à l'Ilede-France, deux étaient morts; Péron se trouvait chargé, avec Lesueur, d'un immense travail, et ils suffirent à tout. Uniquement occupés du but qu'ils se proposaient, ils comptaient pour rien les privations. Peu de temps après le départ de Timor, le capitaine ayant refusé les liqueurs spiritueuses absolument nécessaires pour la conservation des mollusques que Péron ramassait, Lesueur et lui se privèrent, pendant tout le voyage, de la portion d'arack qui leur était accordée pour leur boisson, et ils firent partager leur enthousiasme à leurs amis MM. Freycinet frères, Ransonnet et Montbazin, qui consentirent à faire le même sacrifice. C'était surtout au milieu des dangers que Péron montrait l'énergie de son caractère. Pendant la tempête, aidant aux manœuvres comme un simple inalelot, il observait aussi paisiblement que s'il eût été sur le rivage. Aucun événement ne détournait son attention, et il savait mettre à profit toutes les circonstances. Etant descendu à l'île King, avec Lesueur et quelques naturalistes, un coup de vent chassa le vaisseau

sans

en mer, et pendant quinze jours ils ne l'aperçurent plus. Le calme de Péron n'en fut point altéré : il continuait ses recherches, s'inquiéter de l'avenir dont il était menacé. Pendant son séjour dans cette île, où la plus magnifique végétation n'offre rien qui puisse servir à la nourriture de l'homme, sans abri, et malgré la violence des vents et de la pluie, il recueillit plus de 180 espèces de mollusques et de zoophytes. Lors de sa dernière relâche à Timor, Péron compléta ses premières observations sur cette île. Seul avec Lesueur, il osa aller à la chasse de ces énormes crocodiles, objets de terreur et de vénération pour les habitans, et, sans aucun aide, ils tuèrent un de ces animaux, le dépouillèrent, et préparèrent le squelette qui est aujourd'hui dans les galeries du Muséum. Les vents s'étant opposés à ce qu'on pût aborder à la Nouvelle-Guinée et entrer dans le golfe de Carpentarie, l'expédition revint à l'Ile-deFrance, où, pendant un séjour de cinq mois, Péron étudia les poissons et les mollusques, et en recueillit beaucoup d'espèces nouvelles. On fit encore une relâche au Cap de Bonne-Espérance; il en profità pour examiner la conforination singulière d'une tribu de Hottentots nommés Boschismans, dont quelques-uns se trouvaient par hasard au Cap. Enfin, après une absence de 3 ans et 6 mois, il débarqua à Lorient, le 7 avril 1804, et se rendit à Paris. Il employa quelques mois à mettre en ordre ses collections, qui furent déposées au Muséum, puis il se rendit auprès de sa mère à Cerilly. L'état

de sa santé, affaiblie par de longues fatigues, et surtout par le germe de la maladie qui s'est déclarée depuis, lui rendait le repos rigoureusement nécessaire; mais apprenant bientôt qu'on cherchait à persuader au gouvernement que le but de l'expédition était manqué, il revient à Paris, se rend chez le ministre de la marine; là, avec autant de modestie que de fermeté, il expose ce que ses compagnons avaient fait pour la géographie, la minéralogie, la botanique; il présente l'énumération des objets qu'il avait rapportés, des dessins exécutés par son ami Lesueur; il ne parle qu'en passant des dangers qu'il a courus et des sacrifices qu'il a faits pour augmenter la collection. On lui adresse des questions auxquelles il répond avec netteté, et l'impression qu'il produisit fut telle que le ministre lui promit de faire rédiger la partie nautique du voyage par M. L. Freycinet, et l'adressa à M. de Champagny, ministre de l'intérieur, pour la partie historique. Le même succès l'attendait chez ce dernier : il y fut accueilli de la manière la plus flatteuse, et il fut chargé de publier la relation du voyage et la description des objets nouveaux en histoire naturelle, de concert avec son ami Lesueur. Il résulte du rapport rédigé par M. Cuvier, au nom de la commission nominée par l'institut, pour examiner la collection déposée au Muséum par Péron et Lesueur, que cette collection contient plus de 100,000 échantillons d'animaux, parmi lesquels on a découvert plusieurs genres; que le nombre des espè

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