Page images
PDF
EPUB

faire suspendre les négociations entamées avec les chefs des révoltés, remplaça ce général, et ramena dans la capitale l'armée qui devait agir contre celle de son frère. Appelé à faire partie de la Junte provisoire de gouvernement, il n'y resta que jusqu'au moment où la révolution de Palerme éclata. Envoyé en Sicile, pour reconnaître l'état de cette île, il s'acquitta de cette commission, et revint à Naples prendre le commandement de l'expédition ordonnée contre les insurgés de Palerme. Les instructions qu'il reçut de la junte et du ministère, portaient qu'il devait occuper la Sicile, pour y garantir l'ordre public. Les moyens mis à sa disposition pouvaient à peine atteindre ce but; mais ils auraient été insuffisans pour des opérations militaires, car il n'avait que 6,000 hommes, les garnisons disséminées dans les places, et une flottille, composée en grande partie de barques canonnières. Le général Pépé débarqua le 10 septembre à Messine, où il fit ses dispositions pour marcher sur Palerme, Deux régimens étaient déjà en route, lorsque le prince de VillaFranca, seigneur sicilien, qui avait fait partie d'une députation envoyée à Naples, pour y demander l'indépendance de la Sicile, et promettre en attendant un bon accueil à l'armée napolitaine, se présenta au quartier-général de Pépé, pour le prévenir que l'exaltation de la populace à Palerme é tait à son comble, et qu'elle laissait peu d'espoir à la junte de cette capitale de pouvoir tenir les engagemens pris avec le gou

vernement de Naples. Cette communication mit le général Pépé dans la position la plus difficile, car il se trouvait forcé d'attaquer une ville qu'il venait défendre: regardant néanmoins comme un grand bienfait pour elle de l'aider à sortir de l'anarchie où elle était tombée; et se confiant moins dans le nombre que dans l'esprit et la discipline de ses soldats, il hâta son mouvement sur Palerme, où il devança de quelques jours la flotte et l'artillerie de siége. Il fit une attaque vigoureuse, et pénétra dans une partie de la ville, jusqu'à la casine de la Cattolica; mais le petit nombre de ses troupes, et la nature des obstacles qu'il rencontra, lui firent sentir la nécessité d'attendre l'escadre et le parc d'artillerie. Il prit une position avantageuse aux environs de la ville, et de là il repoussa les sorties faites contre lui, et chassa les insurgés des bauteurs de la vallée de Palerme. Le 2 et le 3 octobre, les sorties furent plus fréquentes; et les Palermitains, battus à plusieurs reprises par les soldats de Pépé, perdirent 30 pièces de canon. Ce général crut le moment favorable pour offrir une capitulation à la ville: plusieurs propositions furent faites, et divers officiers envoyés; mais tous les moyens de conciliation parurent épuisés, lorsque l'on vit que les parlementaires étaient retenus ou repoussés. Dans cette extrémité le major Cianciulli, jeune officier de la plus haute distinction, et d'une bravoure à toute épreuve, n'ayant en vue que le bien public, eut la généreuse audace de se jeter au milieu

[ocr errors]

d'une populace effrénée pour lui porter les dernières paroles de paix. Tombé dans les mains de ces furieux, sa vie courut le plus grand danger; mais les subjuguant par son intrépidité et par ses discours, il les fit consentir à le relâcher, et même à traiter avec l'armée napolitaine. Le prince de Paterno, jouissant de la confiance publique, fut le plénipotentiaire sicilien, et les généraux Campana et Fardella négocièrent au nom du gouvernement constitutionnel de Naples. A défaut d'un terrain neutre, on fut obligé d'ouvrir les conférences sur un brick an glais mouillé dans la rade. On signa une convention militaire, portant que la ville de Palerme avec ses forts, serait occupée par les troupes du général Pépé, à condition que les rapports politiques de la Sicile avec Naples fussent à l'avenir établis sur les bases annoncées par la députation dont on a parlé plus haut. Il n'était certainement pas dans les pouvoirs d'un général de changer la nature des rapports réciproques entre deux pays; mais ses instructions, où le cas de cette prétention n'avait pas été prévu, ne s'y opposaient pas explicitement. Un refus de la part de Pépé allait faire retomber Palerme dans l'anarchie, et compromettait la sûreté de son arinée, affaiblie par les pertes qu'elle avait éprouvées; enfin, il était hors d'état de lutter plus long-temps contre une ville peuplée alors d'environ 200,000 habitans, ayant deux châteaux, une enceinte bastionnée, et protégée par 200 pièces d'artillerie. De sa décision dépendait en grande partie le sort du gou

T. XVI.

vernement napolitain, qui avai déjà plusieurs autres ennemis à combattre. Les circonstances étaient trop graves pour s'enfermer timidement dans le cercle étroit des formalités et des devoirs. Legénéral Pépé le franchit, ratifia la capitulation, et le 6 octobre, il put annoncer au gouvernement de Naples que Palerme était occupée, et l'anarchie éteinte. La douceur de son caractère, la discipline de ses soldats, firent que le général Pépé fut aimé et estimé des Sicilens qui ordinairement n'ont pas l'habitude d'estimer et d'aimer les Napolitains. La nouvelle de la fin de cette funeste guerre civile, se ré➡, pandit rapidement dans tous les quartiers de la ville de Naples, et fut partout reçue avec les marques les plus éclatantes de joie et de satisfaction. Mais le 10 novembre, le député Gabriel Pépé (voy. son article ci-après), dans le seindu parlement dont il était membre, fit une motion violente contre Florestan Pépé, qui avait reconnu aux Siciliens des droits qu'il n'était pas dans ses attributions d'accorder, tandis qu'il aurait dû ne les considérer que comme des sujets rebelles, et leur réserver le même châtiment que la conven tion avait fait éprouver à Lyon. Ce discours, plein de chaleur et de mouvement, et dans lequel la question était présentée sous un seul aspect, qui était celui du droit, entraîna toute l'assemblée, en y réveillant les anciennes préventions contre les Siciliens. Le général Pépé fut rappelé et accusé d'avoir dépassé ses pouvoirs : sa convention fut annulée par

9

le parlement, et sa conduite approuvée par tout le monde; le roi même le décora du grandcordon de Saint-Ferdinand, qu'il ne voulut point accepter,sa capitulation n'ayant pas été maintenue. Son procès fut abandonné, et à l'approche des troupes autrichienil fut de nouveau rappelé à l'armée, et revêtu des fonctions de chef de l'état-major-général. Au retour du roi dans ses états, Florestan Pépé fut destitué de son grade, et dépouillé de ses décorations; on ne lui conserva que celle de Saint-Ferdinand, qu'il n'a jamais portée.

nes,

PÉPÉ (GUILLAUME), frère du précédent, ex-lieutenant-général, grand'croix de l'ordre de SaintGeorges de la Réunion, etc., est né à Squillace, dans la Calabre ultérieure, en 1782. A l'âge de 15 ans il fut placé au collége militaire de Naples, où il se trouvait encore lorsque la révolution de 1799 éclata. Quoiqu'il n'y eût pris d'autre part que de s'enrôler dans un corps de volontaires calabrais, il n'en fut pas moins obligé de quitter son pays, et de chercher un asile en France contre la réaction. Il alla rejoindre la légion italienne, qui avait déjà repassé les Alpes; et la paix de Florence lui ouvrit plus tard les portes de Naples, où quelques étourderies de jeunesse attirèrent sur lui l'attention de la police : il fut arrêté, et jeté dans les prisons de Maretimo (c'est une île dépendante de la Sicile, et où le gouvernement de Naples envoie les prévenus pour cause d'opinion ou d'état; il y a château, et l'on a converti en prison une ancienne citerne creusée

un

dans le flanc d'un rocher), où il resta enfermé jusqu'à l'été de 1806, époque de la seconde invasion française dans le royaume de Naples. Comme il ne prit aucune part à la tentative faite par ses compagnons d'infortune pour se soustraire au traitement barbare de leurs geoliers, cette conduite lui valut un rapport favorable, sa mise en liberté, et la permission de rentrer au sein de sa famille en Calabre. Il y arriva peu de temps après la perte de la bataille de Maïda, dont les suites furent si funestes pour la tranquillité de ces provinces; l'insurrection s'y était manifestée sur tous les points, et Pépé, bloqué à Scigliano par une bande de brigands, aurait péri sous leurs coups, sans la protection qui lui fut accordée par leur chef. Il se rendit à Naples pour y briguer une place dans l'armée. Nommé major des gardes nationales en Calabre, il partit pour sa nouvelle déstination. Envoyé en garnison aux Sept-Iles, il y resta toute l'année 1808, et revint à Naples l'année suivante. Le roi Joachim (voyez MURAT) le choisit pour son officier d'ordonnance. Après plusieurs voyages en Calabre pour y apporter les ordres du roi au général Partouneaux, il obtint le grade de colonel, et peu après le commandement du 8o de ligne napolitain, qu'il alla rejoindre en Espagne. Dans les deux campagnes qu'il y fit, il n'eut pas d'occasion de se distinguer militairement; mais il en chercha pour montrer un esprit d'opposition contre les Français, qu'un sentiment de patriotisme et d'indépendance mal placé le portait

à haïr. Les officiers de son corps désapprouvaient hautement les discours de leur chef, qui n'aboutissaient qu'à leur faire des ennemis de ceux mêmes dont ils partageaient les dangers. Cette mésintelligence nuisit à la discipline de son régiment, et lui attira les reproches et même une punition de la part du maréchal Suchet, sous les ordres duquel il servait. Rentré à Naples avec les débris de son corps, il s'y occupa de le réorganiser, et vers la fin de 1813 il fut élevé au grade de général de brigade, avec ordre de prendre le commandement de deux régimens qui faisaient partie de seconde division en Abruzze. Pépé, à la tête de cette même brigade, occupait une partie de la Romagne en 1814, lorsque le roi Joachim signa son traité d'alliance avec l'Autriche. Honteux de sa défection, qu'il n'osait pas annoncer à ses compagnons de gloire, ce prince reculait le moment qui devait le séparer d'eux. Le général Pépé, de son propre mouvement, mit fin à ces incertitudes, ordonnant aux officiers français attachés à sa brigade de se prononcer entre Naples et la France. La réponse de ces braves fut unanime ils donnèrent tous leur démission. Cette détermination affligea profondément Joachim; on crut alors que le général Pépé serait destitué, mais il en fut quitte pour une forte réprimande. Il fit la campagne de 1814, après laquelle il reçut le titre de baron, et une riche dotation en terres. En 1815, il se trouvait en congé à Naples, où il eut une discussion très-vive avec le

roi Joachim, auquel il demanda, en des termes peu mesurés, l'expulsion des Français des emplois civils, et une constitution pour son pays. Le roi se contenta de le renvoyer dans les Marches, où sa brigade était restée cantonnée. Dans l'absence momentanée du général en chef, il prit le commandement de deux divisions, et sa première idée fut de marcher sur la capitale, pour arracher par la force ce qu'il n'avait pu obtenir autrement. Deux officiers supérieurs auxquels il fit part de son projet, le repoussèrent avec horreur. Découragé de l'opposition qu'il rencontrait dans ses collègues, il n'osa plus rien entreprendre. Le roi Joachim venait de proclamer l'indépendance de l'Italie. Cet événement, qui sympathisait avec les idées de Pépé, renouvela son enthousiasme sans changer son caractère. Détaché, à la tête de sa brigade, pour couvrir la position de Carpi, il viola les instructions qu'on lui avait données, et prit l'offensive au lieu de se renfermer dans un système de défense. Repoussé par les Autrichiens, il sacrifia une partie de ses troupes, et se retira en désordre sur Modène, où le général Carascosa lui donna le temps de rallier ses soldats. Quelque soin qu'on eût mis à déguiser sa conduite dans cette affaire, elle lui fit beaucoup de tort dans l'opinion de l'arinée, et ce ne fut qu'au pont du Reno où il put, par son courage, rétablir sa réputation comme soldat, après l'avoir perdue comme général. Le roi le nomma son aide-de-camp, sans le séparer de sa brigade, avec laquelle il se

rendit à Capoue. Le général Carascosa lui confia le gouvernement de cette place, et comme Pépé lui témoignait le désir d'avoir le grade de lieutenant-général, Carascosa appuya cette demande auprès du roi, qui mit son approbation en marge du rapport. Après le traité de Casalanza, Pépé fit des démarches pour être reconnu dans son nouveau grade. D'après les maximes adoptées par le ministère d'alors, il aurait dû en perdre la propriété et n'en conserver que le rang, car il lui manquait un décret revêtu des formalités exigées par la loi; mais il avait été le premier å redemander du service. Lui sachant gré peut-être d'avoir montré de l'aversion contre les Français, le nouveau gouvernement le traita avec faveur, et le nomma lieutenant - général et président d'une commission militaire. Lorsque le général Nugent fut chargé de l'organisation de la nouvelle armée napolitaine, Pépé, qui avait eu des relations intimes avec lui, et qui partageait sa haine contre la France, le mit dans les intérêts de son ambition, et obtint par ce moyen le commandement en second d'une division qu'on dut créer exprès pour lui. En 1818, sans égard pour 5 lieutenans-généraux plus anciens, Pépé fut destiné à commander une division territoriale, et reçut le cordon du nouvel ordre de Saint-Georges, auquel il n'avait point de droits, n'étant que commandeur de celui des Deux-Siciles. Dans ces hautes fonctions, il mit beaucoup de zèle pour l'organisation des milices; mais comme ce service dispenlieux et incommode inspirait un

éloignement, que son système de rigueur ne pouvait qu'augmenter, ses efforts ne produisirent aucun résultat satisfaisant. Il allait renoncer à son entreprise lorsque, dit-on, quelques chefs des Carbonari, dont il était environné, lui firent comprendre que pour intéresser tout le monde à cette orga nisation, il fallait laisser entrevoir un but politique qui fût d'accord avec les vœux de leur secte; les affiliés de cette société auraient alors pris sur eux de lui aplanir tous les obstacles. Pépé n'était pas carbonaro, mais il mettait un trèsgrand amour-propre à briller parmi ses collègues. La proposition qu'on lui venait de faire aurait pu lui paraître en opposition avec ses devoirs, si elle n'eût répondu à ses désirs; il n'y vit qu'un bỏn moyen de se faire remarquer aux yeux du gouvernement, sans s'inquiéter aucunement des conséquences qui pouvaient en dériver. Il souscrivit aux conditions qu'on lui dictait, et en peu de temps les milices d'Avellino et de Foggia furent organisées et habillées, et le brigandage, maladie indigène de ces contrées, entièrement détruit. Le gouvernement, surpris de ce double résultat, en fit témoigner sa satisfaction au général Pépé, qui, chose étrange, recevait les éloges de ceux dont il préparait la chute. En attendant, Ja secte lui demandait d'accomplir ses promesses, et le général Pépé se défendait de son mieux, en donnant des espérances. Les choses en étaient en cet état, lorsque la révolution d'Espagne exalta tous les esprits. Pépé n'avait pas de plan arrêté : en donnant l'éveil au

« PreviousContinue »