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i.Sept. Le Maréchal de Villars prit pour lui la gau1709. che, & laiffa la droite au Maréchal de Bouflers. Il avait retranché fon armée à la hâte, manœuvre probablement convenable à des troupes inférieures en nombre, longtems malheureuses, dont la moitié était compofée de nouvelles recrues, & convenable encor à la fituation de la France, qu'une défaite entiére eût mife aux derniers abois. Quelques Hiftoriens ont blamé le Général dans fa difpofition; Il devait, difaientils, paffer une large trouée, au lieu de la laiffer devant lui. Ceux qui de leur cabinet jugent ainfi ce qui fe paffe fur un champ de bataille, ne font-ils pas trop habiles?

Tout ce que je fai, c'eft ce que le Maréchal dit lui-même, que les foldats, qui ayant manqué de pain un jour entier venaient de le recevoir, en jettèrent une partie pour courir plus légérement au combat. Il y a eu depuis plufieurs fiécles peu de batailles plus difputées & plus longues, aucune plus meurtrière. Je ne dirai autre chofe de cette bataille, que ce qui fut avoué de tout le monde. La gauche des ennemis, où combattaient les Hollandais, fut prefque toute détruite, & même pourfuivie la bayonnette au bout du fufil. Marlborough à la droite, faifait & foûtenait les plus grands efforts. Le Maréchal de Villars dégarnit un peu fon centre pour s'oppofer à Marlborough, & alors même ce centre fut attaqué. Les retranchemens, qui le couvraient, furent emportés. Le Régiment des Gardes, qui les défendait, ne put réfifter. Le Maréchal, en accourant de fa gauche

à fon centre, fut bleffé, & la bataille fut perdue. Le champ était jonché de près de trente mille morts ou mourans.

On marchait fur les cadavres entaffés, furtout au quartier des Hollandais. La France ne perdit guères plus de huit- mille hommes dans cette journée. Ses ennemis en laiffèrent environ vingt & un mille tués ou bleffés; mais le centre étant forcé, les deux aîles coupées, ceux qui avaient fait le plus grand carnage furent

les vaincus.

*

Le Maréchal de Bouflers fit la retraite en bon ordre, aidé du Prince de Tingri- Montmorenci, depuis Maréchal de Luxembourg, héritier du courage de fes péres. L'armée fe retira entre le Quênoi & Valenciennes, emportant plufieurs drapeaux & étendarts pris fur les ennemis. Ces dépouilles confolèrent Louis XIV: & on compta pour une victoire, l'honneur de l'avoir difputée fi longtems, & de n'avoir perdu que le champ de bataille. Le Maréchal de Villars, en revenant à la Cour, affùra le Roi, que fans fa bleffure il aurait remporté la victoire.

J'en

* Dans le livre intitulé, Mémoires du Maréchal de Barwick, il est dit que le Maréchal de Barwick fit cette retraite. C'est ainfi que tant de Mémoires font écrits. On trouve dans ceux de Made: de Maintenon Tom. V. P. 99. que les Alliés accufèrent le Maréchal de Villars de s'être bleffé lui-même, & que les Français lui repro¬~ chèrent de s'être retiré trop tôt./ Ce font deux impoftures. Ce Général avait un coup de carabine au - deffous du genou qui lui fracaffa l'os, & qui le fit boiter tou te la vie.

J'en ai vu ce Général perfuadé; mais j'ai vu peu de perfonnes qui le cruffent.

On peut s'étonner qu'une armée, qui avait tué aux ennemis deux tiers plus de monde qu'elle n'en avait perdu, n'effayât pas d'empê cher que ceux qui n'avaient eu d'autre avantage que celui de coucher au milieu de leurs morts, allaffent faire le fiége de Mons. Les Hollandais craignirent pour cette entreprise. Ils héfitèrent. Mais le nom de bataille perdue impofe aux vaincus, & les décourage. Les hommes ne font jamais tout ce qu'ils peuvent faire; & le foldat, à qui on dit qu'il a été battu, craint de l'être encore. Ainfi Mons fut affiégé & pris, & toû jours pour les Hollandais, qui le gardèrent, ainfi que Tournai & Lille.

сн.

C. CENT-QUATRE-VINGT-CINQUIEME. Louis XIV. continue à demander la paix à fe défendre: le Duc de Vendome affermit le Roi d'Efpagne fur le Trône.

On feulement les ennemis avançaient ainfi

Non les ennem tombar de et coté

1709.

toutes les barriéres de la France; mais ils prétendaient, aidés du Duc de Savoie, aller furprendre la Franche-Comté, & pénétrer par les deux bouts dans le cœur du Royaume. Le Général Merci, chargé de faciliter cette entreprise, en entrant dans la haute- Alface, par Bâle, fut heureusement arrêté près de l'Ifle de Neubourg 26. fur le Rhin, par le Comte, depuis Maréchal Août du Bourg. Je ne fai par quelle fatalité ceux qui ont porté le nom de Merci, ont toûjours été auffi malheureux qu'eftimés. Celui-ci fut vaincu de la manière la plus complette. Rien ne fut entrepris du côté de la Savoie: mais on n'en craignait pas moins du côté de la Flandre; & l'intérieur du Royaume était dans un état fi languiffant, que le Roi demanda encor la paix. en fuppliant. Il offrait de reconnaître l'Archiduc pour Roi d'Espagne, de ne donner aucun fecours à fon petit - fils, & de l'abandonner à fa fortune; de donner quatre Places en ôtage;

de

de rendre Strasbourg & Brifac; de renoncer à la Souveraineté de l'Alface, & de n'en garder que la Préfecture; de rafer toutes fes Places depuis Bále jufqu'à Philipsbourg; de combler le port fi longtems redoutable de Dunkerque, & d'en rafer les fortifications; de laiffer aux Etats- Généraux Lille, Tournai, Ypres, Menin, Furnes, Condé Maubeuge voilà les points principaux qui devaient fervir de fondemens à la paix qu'il implorait.

Les Alliés voulurent encor avoir le triomphe de difcuter les foumiffions de Louis XIV. On permit à fes Plénipotentiaires de venir, au commencement de 1710. porter dans la petite ville de Gertrudenberg, les priéres de ce Monarque: il choifit le Maréchal d' Uxelles, homme froid, taciturne, d'un efprit plus fage qu'élevé & hardi; & l'Abbé, depuis Cardinal de Polignac, l'un des plus beaux efprits & des plus éloquens de fon fiécle, qui impofait par fa figure & par fes graces. L'efprit, la fageffe, l'éloquence, ne font rien dans des Miniftres, lorfque le Prince n'est pas heureux. Ce font les victoires qui font les Traités. Les Ambaffadeurs de Louis XIV. furent plutôt confinés qu'admis à Gertrudenberg. Les Députés venaient entendre leurs offres, & les rapportaient à la Haie au Prince Eugéne, au Duc de Marlborough, au Comte de Zinzendorf Ambaffadeur de l'Empereur; & ces offres étaient toûjours reçues avec mépris. On leur infultait par des libelles outrageans, tous compofés par des Réfugiés Français, devenus plus ennemis de

la

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