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prit, conferva feul affez de fang-froid, pour fentir les conféquences d'une démarche fi défefpérée. Il fit que la mére du Prince s'oppofa à cette lettre de cachet ignominieufe. Le Monarque qui l'accordait, & fon neveu qui la demandait, étaient également malheureux. *

* L'Auteur de la vie du Duc d'Orléans eft le premier qui ait parlé de ces foupçons arroces : c'était un Jéluite nommé La Motte, le même qui prêcha à Rouen contre ce Prince pendant fa Régence, & qui fe réfugia enfuite en Hollande fous le nom de la Hode. Il était inftruit de quelques faits publics. Il dit, Tom. I. pag. 112. que le Prince fi injuftement foupçonné demanda à fe conftituer prifonnier, & ce fait eft très vrai. Ce Jéfuite n'était pas à portée de favoir comment Mr. de Canillac s'oppofa à cette démarche trop injurieufe à l'innocence du Prince. Toutes les autres anecdotes qu'il raporte font fauffes. Réboulet qui l'a copié, dit d'après lui, pag. 143. Tom. VIII. que le dernier enfant du Duc & de la Ducheffe de Bourgogne fut fauvé par du contre - poifon de Venife. Il n'y a point de contre- poison de Venife qu'on donne ainfi au hazard. La Médecine ne connait point d'antidotes généraux qui puiffent guérir un mal dont on ne connait point la fource. Tous les contes qu'on a répandus dans le public en ces tems malheureux, ne font qu'un amas d'erreurs populaires.

C'est une fauffeté de peu de conféquence dans le Compilateur des Mémoires de Mad. de Maintenon, de dire que le Duc du Maine fût alors à l'agonie; c'eft une calomnie puérile de dire, que l'Auteur du Siécle de Louis XIV. accrédite ces bruits plus qu'il ne les détruit.

Jamais l'Hiftoire n'a été déshonorée par de plus abfurdes menfonges, que dans ces prétendus Mémoires. L'Auteur feint de les écrire en 1753. Il s'avife d'imaginer que le Duc & la Ducheffe de Bourgogne, & leur fils aîné, moururent de la petite vérole; il avance cet

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te fauffeté pour fe donner un prétexte de parler de Pinoculation qu'on a faite au mois de May 1756. Ainfi dans la même page il fe trouve qu'il parle en 1753. de ce qui eft arrivé en 1756. & il s'exprime ainfi ;,, Ce » 24. Avril 1753. à huit heures du matin, on m'interrompt; un ordre du Roi vient me ravir à ma famille & à moi-même. Il conte enfuite comme il a été mis en prison; & il accufe des perfonnes qui ne l'ont jamais vú, de l'avoir dénoncé au Gouvernement. Le même homme dans l'édition qu'il fit à Francfort du Siécle de Louis XIV. en 1752. avait attaqué dans fes notes la mémoire du Duc d'Orléans pag. 346. & 347. du Tom. II. de cette édition frauduleuse.

"

La Littérature a été infectée de tant de fortes d'écrits calomnieux, on a débité en Hollande tant de faux Mémoires, tant d'impoftures fur le Gouvernement & fur les Citoyens, que c'est un devoir de précautionner les lecteurs contre cette foule de libelles.

CHA

CHAPITRE DEUX-CENTIEME.

SUITE

DES ANECDOTES.

L

OUIS XIV. dévoroit fa douleur en public; il fe laiffa voir à l'ordinaire. Mais en fe cret les reffentimens de tant de malheurs le pénétraient & lui donnaient des convulfions. Il éprouvait toutes ces pertes domestiques à la fuite d'une guerre malheureuse, avant qu'il fût affûré de la paix, & dans un tems où la mifère défolait le Royaume. On ne le vit pas fuccomber un moment à fes afflictions.

Le refte de fa vie fut trifte. Le dérangement des finances, auquel il ne put remédier, aliéna les cœurs. Sa confiance entiére pour le Pére le Tellier, homme trop violent, acheva de les révolter. C'eft une chofe très remarquable, que le public, qui lui pardonna toutes fes maîtreffes, ne lui pardonna pas fon Confeffeur. II perdit les trois derniéres années de fa vie, dans l'efprit de la plupart de fes fujets, tout ce qu'il avait fait de grand & de mémorable.

Privé de prefque tous fes enfans, fa tendresfe, qui redoublait pour le Duc du Maine & pour le Comte de Touloufe fes fils légitimés, le porta à les déclarer héritiers de la Couronne, eux & leurs defcendants, au défaut des PrinH. G. Tom. VI.

P

ces

ees du Sang, par un Edit qui fut enrégiftré fans aucune remontrance en 1714. Il tempérait ainfi, par la Loi naturelle, la févérité des loix de convention, qui privent les enfans nés hors du mariage, de tous droits à la fucceffion paternelle. Les Rois difpenfent de cette loi. Il crut pouvoir faire pour fon fang, ce qu'il avait fait en faveur de plufieurs de fes fujets. Il crut furtout pouvoir établir pour deux de fes enfans, ce qu'il avait fait paffer au Parlement fans oppofition, pour les Princes de la Maifon de Lorraine. Il égala enfuite leur rang à celui des Princes du Sang en 1715. Le procès, que les Princes du Sang intentèrent depuis aux Princes légitimés, eft connu. Ceux-ci ont confervé pour leurs perfonnes & pour leurs enfans les honneurs donnés par Louis XIV. Ce qui regarde leur postérité dépendra du tems, du mérite & de la fortune.

Louis XIV. fut attaqué vers le milieu du mois d'Août 1715. au retour de Marli, de la maladie qui termina fes jours. Ses jambes s'enflèrent; la gangrène commença à fe manifefter. Le Comte de Stairs Ambaffadeur d'Angleterre paria, felon le génie de fa nation, que le Roi ne pafferait pas le mois de Septembre. Le Duc d'Orléans, qui au voyage de Marli avait été abfolument feul, eut alors toute la Cour auprès de fa perfonne. Un Empirique, dans les derniers jours de la maladie du Roi, lui donna un élixir qui ranima fes forces. Il mangea, & l'Empirique affûra qu'il guérirait. La foule, qui entourait le Duc d'Orléans, diminua dans.

le

le moment.

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Si le Roi mange une feconde fois, dit le Duc d'Orléans, " nous n'aurons plus perfonne. » Mais la maladie était mortelle. Les mesures étaient prifes, pour donner la Régence abfolue au Duc d'Orléans. Le Roi ne la lui avait laiffée que très limitée par fon teftament dépofé au Parlement; ou plutôt il ne l'avait établi que Chef d'un Confeil de Régence. dans lequel il n'aurait eu que la voix prépondérante. Cependant il lui dit: Je vous ai confervé tous les droits que vous donne votre naissance. * C'eft qu'il ne croyait pas qu'il y eût de loi fondamentale qui donnât dans une Minorité un pouvoir fans bornes à l'héritier préfomptif du Royaume. Cette autorité fuprême, dont on peut abufer, eft dangereufe; mais l'autorité partagée l'eft encor davantage. Il crut qu'ayant été fi bien obéi pendant fa vie, il le ferait après fa mort, & ne fe fouvenait pas qu'on avait caffé le teftament de fon pére.

D'ailleurs perfonne n'ignore avec quelle grandeur d'ame il vit approcher la mort, difant à Madame de Maintenon: J'avais cru qu'il était plus difficile de mourir; difant à fes domestiques : Pourquoi pleurez-vous? m'avez-vous cru immor

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tel?

* Les Mémoires de Mad. de Maintenon Tom. V. pag. 194. difent que Louis XIV. voulut faire le Duc du Maine Lieutenant Général du Royaume. Il faut avoir des garants autentiques pour avancer une chose auffi extraordinaire & auffi importante. Le Duc du Maine eût été au- deffus du Duc d'Orléans : c'eût été tout bouleverfer auffi le fait eft-il faux.

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