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des victoires d'Edouard fut perdu. Le Duc de Cumberland à la tête d'une armée difciplinée, bien armée & pourvue de canon, battit enfin ces montagnards d'Ecoffe, qui n'avaient que du courage. Le Prince Edouard fut vaincu 27 fans reffource à la bataille de Culloden à quel- Avril ques lieues d'Invernefs: toute fon armée fut 1746. difperfée: il effuya les mêmes avantures qu'avait éprouvées Charles II. après fa défaite à Vorcester, errant comme lui, fans fecours, tantôt avec deux amis compagnons de fon infortune, tantôt avec un feul: quelquefois réduit à lui-même, marchant de caverne en caverne, couchant dans les forêts, fe réfugiant dans des Ifles défertes, manquant de vêtements & de nourriture; pourfuivi fans relâche par ceux qui voulaient gagner le prix mis à fa tête. Un jour ayant marché dix lieues à pied, preffé de la faim, & prêt à fuccomber, il fe hazarda d'entrer dans une maifon dont il favait bien que le maître n'était pas de fon parti. * Le fils de vôtre Roi, lui dit-il, vient vous deman» der du pain & un habit. Je fai que vous êtes » mon ennemi; mais je vous crois affez d'honneur pour ne pas abufer de ma confiance,

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* Ces particularités furent écrites en 1748. fous la dictée d'un homme qui avait accompagné longtems le Prince Edouard dans fes profpérités & dans les infortu nes. L'hiftoire de ce Prince entrait dans les Mémoires

de la guerre de 1741. Elle a échapé entiérement aux recherches de ceux qui ont volé, défiguré & vendu une partie du manufcrit

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& de mon malheur: prenez les lambeaux qui ,, me couvrent, gardez les; vous pourrez me les raporter un jour dans le palais des Rois de la Grande Bretagne.,, Le Gentilhomme fut touché comme il le devait être, le fecourut autant que fa pauvreté pouvait le permettre dans ce pays fauvage, & lui garda le fecret.

Tandis que ce Prince trainait ainfi dans des déferts une vie cachée & pourfuivie, qui doit ajouter encor à fa gloire; les échafauts, & les gibets étaient dreffés en Ecoffe & en Angleterre pour fes partifans; il en périt en divers tems près de huit cent par les derniers fupplices.

On commença dès le 17. Août par exécuter dix-fept Officiers qu'on traina au gibet fur la claie, & après qu'on les eut pendus on leur arracha le cœur dont on leur battit les joues; on mit leurs membres en quartiers. Ce fupplice est un refte de l'ancienne barbarie. On arrachait autrefois le cœur aux condamnés quand ils refpiraient encore. On a confervé cet appareil après l'exécution pour effrayer la multitude qui ne s'en effraye pas. Les Lords Kilmarnock, Palmerin, Devenwater, Lovat, eurent la tête tranchée: quand Kilmarnock monta fur l'échafaut, il cria felon l'ufage de ceux qui fe repentent, Vive le Roi George. Palmerin cria, Vive le Roi Jacques & fon digne fils.

Devenwater était frére puiné d'un autre Lord Devenwater exécuté en 1715. pour avoir combattu malheureufement dans la même caufe; set ainé avait voulu que fon fils encor enfant

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montat avec lui fur l'échaffaut : il lui dit: Je veux que vous soyez couvert de mon fang; apprenez à mourir pour vos Rois.

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C'était la deftinée de cette famille de mourir héroïquement par la main du Bourreau. Celuici avait auffi un fils, mais qui était né en France. Je meurs comme mon frère, dit-il; j'exhorte mon fils à mourir de même un jour, s'il le faut; & je le recommande au Roi de France. "En effet Louis XV. en a pris foin; il a donné une penfion à cet enfant & à fa fœur.

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Le Lord Lovat âgé de quatre-vingt ans, prononça ce vers d'Horace avant que de recevoir le coup:

Dulce decorum eft pro patria mori.

Ce qu'il y eut de plus étrange, & ce qu'on ne peut voir qu'en Angleterre, c'eft qu'un jeune étudiant, nommé Painter, dévoué au parti Jacobite, & enivré de ce fanatifme qui produit tant de chofes extraordinaires, demanda avec les plus vives inftances & les plus réitérées à mourir à la place du Lord Lovat.

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Le Prince Edouard après avoir erré longtems fur la côte du Lokaber, échapa enfin aux pourfuites de fes ennemis. Un petit vaiffeau le conduifit fur les côtes de Bretagne: il vint à Pa- 10. ris, & y refta jufqu'au tems du Traité d'Aixla-Chapelle, par lequel le Roi de France était 1746. obligé de le priver de cet azile pour le bien général. Ce malheureux Prince effuya dans Paris plus d'humiliation qu'il n'en avait éprou

vé en Ecoffe après la bataille de Culloden; il s'obstinait à refter malgré le Traité, & malgré les inftances du Roi. On crut néceffaire de fe faifir de fa perfonne; il fut mené à Vincennes garotté, & renvoyé enfuite hors de France. Ce fut là le comble des malheurs de la race infortunée des Stuards. Charles Edouard depuis ce moment fe cacha à toute la Terre.

Que les hommes privés qui fe croyent malheureux, jettent les yeux fur ce Prince & fur fes Ancêtres.

CH.

CH. CENT-QUATRE-VINGT-DOUZIEME.

VOYAGE

DE L'AMIRAL ANSON

AUTOUR DU GLOBE.

A France ni l'Espagne ne peuvent être en guerre avec l'Angleterre, que cette fecouf fe qu'elles donnent à l'Europe ne fe faffe fentir aux extrémités du Monde. Si l'industrie & l'audace de nos Nations modernes ont un avantage fur le refte de la Terre & fur toute l'Antiquité, c'eft par nos expéditions maritimes. On n'eft pas affez étonné peut-être de voir fortir des ports de quelques petites Provinces inconnues autrefois aux anciennes Nations civilifées, des flottes dont un feul vaiffeau eût détruit tous les navires des anciens Grecs & des Romains. D'un côté ces flottes vont audelà du Gange fe livrer des combats à la vue des plus puiffants Empires, qui font les fpectateurs tranquilles d'un art & d'une fureur qui n'ont point encor paffé jufqu'à eux de l'autre, elles vont au-delà de l'Amérique fe difputer des efclaves dans un Nouveau Monde.

Rarement le fuccès eft-il proportionné à ces entreprises non- feulement parce qu'on ne peut prévoir tous les obftacles, mais parce

qu'on

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