Page images
PDF
EPUB

Les mineurs consternés, sourds au commandement,
Rejettent du travail l'inutile instrument.

Le chef leur montre en vain sa stoïque constance ;
Tous ils ont répondu par un morne silence.

Cependant rien n'abat la vertu de Goffin;

Seul, défiant l'abyme, il leur cherche un chemin ;
Son fils, qu'il veut sauver, rend sa force invincible.
O prodige! ce fils, levant un front paisible :

« Hommes moins forts, dit-il, que de faibles enfans,
» Mon père l'a promis. nous serons triomphans ;

» Obéissez, ouvrons un glorieux passage,

> Et dans un grand danger montrons un grand courage. » A la voix d'un enfant, à ses accens vainqueurs,

Une force héroïque a pénétré les cœurs;

On se relève : tous au travail s'enhardissent,

Et de nouveaux chemins sous leurs bras s'agrandissent.

Inutiles efforts! dernier espoir trompé !

De leurs sanglantes mains le fer s'est échappé.
Tout combat leur courage en cet horrible empire:
Même en respirant l'air, c'est la mort qu'on respire;
Même en se prosternant sur le roc inhumain,
Le roe brûlant embrase et déchire leur sein;
Et la seule clarté, dont les lueurs funèbres
Entr'ouvraient en tremblant le voile des ténèbres,
Meurt.... ciel! pour tant de maux est-il assez de pleurs !
L'épaisse nuit accroît leurs sinistres terreurs.

L'un, dans son désespoir, de ses mains frénétiques,
Frappe encore, au hasard, ces ténébreux portiques;

L'autre, sans mouvement, couvert d'affreux lambeaux,
Semble un pâle fantôme, assis sur des tombeaux;
Plusieurs brûlent de soif, et leurs lèvres arides
Boivent le sang impur de cadavres livides....
Dans son délire, hélas ! l'un appelle à grands cris
Le jour et ses foyers, et sa femme et ses fils;
L'autre accuse Goffin, l'outrage, l'abandonne :
Goffin lui tend les bras, le plaint, et lui pardonne.
En ce suprême instant, pontife, père, époux,

Il bénit des enfans tombés à ses genoux ;
Ecoute les erreurs que la foi lui confesse ;
Presse contre son cœur le fils de sa tendresse ;

Ce cœur désespéré revolant vers le jour :

« Mes six enfans, dit-il, objet sacré d'amour,
› Vous irez donc, ô vous ! ma plus riche espérance,
› L'œil en pleurs, mendier le pain de l'indigence.
П appelle la mort : et l'écho de ce bord

De caverne en caverne a répété, la mort.

Non, tu ne mourras pas! un bruit lointain s'avance:
Entends-le traverser l'abyme du silence ;
Vois à pas lents creuser, et s'enfoncer toujours
La sonde voyageuse apportant ses secours.
L'impatient mineur la suit avec audace,
Brave du dernier roc la dernière menace,

Le rompt.... l'air s'agitant avec un bruit joyeux,
De leur triomphe étonne et l'enfer et les cieux.
Savans ingénieurs, magistrats magnanimes,
Comptez ces malheureux dérobés aux abymes;
Que de vos cœurs émus chaque doux battement,
Vous donne un noble prix d'un noble dévoûment.
Mais ne prodiguez pas les secours qu'on envoie :
L'homme, hélas! périt moins de douleur que de joie !
Que leur œil, par degrés, essaie un nouveau jour;
S'élève lentement sur tant d'objets d'amour:
C'est un fidèle ami, c'est une tendre mère,
C'est un fils tout baigné des larmes de son père.
Plusieurs, pâles, tremblans, égarés, éperdus,
Sur le gouffre, les yeux et le cœur suspendus,
Cherchent en vain.... et, seuls, à l'écart ils demeurent ;
Et, sur la pierre assis, baissent le front, et pleurent.
Goffin, toujours plongé dans ce vivant tombeau,
Comme un tendre pasteur compte son cher troupeau,
Rassemble ses amis, les soutient, les ranime,
Et, le dernier de tous, calme, il sort de l'abyme.
A travers sa fatigue et sa noble sueur,
Dans tous ses traits éclate une mâle grandeur.
II emporte son fils, ô touchante victoire !
Son fils, premier laurier de sa paisible gloire.
Tandis que tout un peuple exaltant son bonheur,
Voit briller sur son sein l'étoile de l'honneur,
Du Pinde voit déjà l'auguste aréopage
Offrir à sa vertu un immortel hommage

[ocr errors]

Modeste, il se dérobe aux regards curieux,
Et, trois fois prosternant son front religieux,
S'humilie, et rend grâce à ce Dieu de clémence
Qui daigna le choisir pour sauver l'innocence.

ÉNIGME.

JE suis utile au crime comme au vice,
A la séduction, ainsi qu'à l'artifice;
A l'inconstance, à l'infidélité,

A l'imposture, à la duplicité;

A l'insolence, ainsi qu'à la malice,
A l'infamie autant qu'à l'injustice;
A l'indécence, à l'immoralité,
A la corruption, à la perversité,

A l'orgueil, à l'envie, ainsi qu'à l'avarice;
A l'impudence autant qu'au maléfice;
Au sacrilége, à l'incrédulité,

A l'indévotion comme à l'impiété ;
A la coquetterie ainsi qu'à la licence,
A l'indiscrétion ainsi qu'à l'imprudence;
A la sottise, à l'imbécillité,
A l'ignorance, à l'incapacité ;
Au ridicule, à la fainéantise,
A la folie, ainsi qu'à la bêtise;
Je suis utile enfin tant à l'oisiveté,
Qu'à l'indolence, et même à l'inutilité.

S........

LOGOGRIPHE.

JE fais craindre la misère
Et souvent j'offre de l'or:
Il est plus d'un pauvre hère
Pour qui je vaux un trésor.
Par fois je ravis, j'étonne;'
Je rassure, ou je fais peur;
Et, suivant mon possesseur,
Je suis riche; monotone,
Très-brillante, ou sans couleur

Des pieds dont je me compose',
Tu peux former à ton choix,
D'abord le plus joli mois,
Le mois où fleurit la rose :
Certain mot qui dans un jeu
Est le cri de la victoire ;
Un être qu'on rencontre peu,
Un autre qu'on montre à la foire;
Un terme qui peint la laideur,
De la journée une partie ;

Un caractère dont l'humeur
Sait bannir la mélancolie;
Un titre d'honneur en Hongrie;

Ce

que cherche ici le lecteur Et qu'il a trouvé, je parie.

THÉODORE DE JUSTIN.

CHARADE.

Au milieu de Goa se trouve mon premier ;
Près de Constantinople, on peut voir mon dernier ;
Mon tout est à Paris, à Berlin, à Padoue,

A Londres, à Milan, et peut-être à Cordoue;

Il est grand ou petît, bouffon ou sérieux ;

Il captive l'oreille, il enchante les yeux.

V. B. (d'Agen. )

Mots de l'ENIGME, du LOGOGRIPHE et de la CHARADE insérés dans le dernier Numéro.

Le mot de l'Enigme est Langue.

Celui du Logogriphe est Calice, dans lequel on trouve : ciel, lice, fle et lie.

Celui de la Charade est Songe-creux.

LITTÉRATURE ET BEAUX-ARTS.

VOYAGE DANS L'AMÉRIQUE MÉRIDIONALE, COMMENÇANT PAR BUENOS-AYRES ET POTOSI JUSQU'A LIMA, avec un appendice contenant la description la plus complète et la plus exacte des possessions ou colonies espagnoles dans l'Amérique méridionale, appendice formé de l'extrait des meilleurs voyages les plus modernes; par ANTOINE ZACHARIE HELMS, traduit de l'anglais par. M. B. B. D. V. - Paris, à la librairie, française et étrangère de Galignani, rue Vivienne, no 17.

EN 1787, le gouvernement espagnol envoya, dans ses colonies d'Amérique, plusieurs minéralogistes allemands. L'objet de leur mission était de remédier aux nombreux abus que l'ignorance et la cupidité avaient introduits dans l'exploitation des mines du Pérou, et de faire jouir ces établissemens des découvertes que la science avait faites en Allemagne. Ce projet, comme tant d'autres du même genre, fut contrarié, et demeura presque sans résultat, par l'effet des manœuvres de quelques individus qui, trouvant leur compte aux abus dont le gouvernement espagnol avait à se plaindre, vinrent à bout de dénigrer les opérations de ses commissaires et même de calomnier leurs intentions. M. Helms, l'un de ces derniers et auteur du Voyage que nous annonçons, après un séjour de quatre ans en Amérique, où il avait été envoyé comme directeur des fonderies, et où il eut à combattre tantôt les préventions de l'ancien système, tantôt le monopole de quelques agens supérieurs, revint, en 1793, à Madrid, et n'obtint pour prix de ses services, après six mois de sollicitations, qu'une modique pension viagère.

Ce ne fut que cinq ans après, qu'il publia, en allemand, une relation de son Voyage, espèce de journal, dans lequel il se borne le plus souvent à indiquer le

[ocr errors]
« PreviousContinue »