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CHEZ ARTHUS-BERTRAND, Libraire, rue Haute-
feuille, N° 23, acquéreur du fonds de M. Buisson
et de celui de Mme Ve Desaint.

1812.

DE L'IMPRIMERIE DE D. COLAS, rue du VieuxColombier, N° 26, faubourg Saint-Germain.

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N° DLXXXV. - Samedi 3 Octobre 1812.

POÉSIE.

ÉLOGE DE GOFFIN, OU LES MINES DE BEAUJONC,

PAR M. MOLLE VAULT,

Correspondant de la Classe d'Histoire et de Littérature Ancienne ; Pièce qui, au jugement de la Classe de la Langue et de la Littérature françaises de l'Institut impérial, a obtenu l'Accessit du Prix extraordinaire, proposé pour le meilleur ouvrage de poésie sur le généreux dévouement d'Hubert GoFFIN et de son fils.

Si fractus illabatur orbis,
Impavidum ferient ruina.

PRÈS de ces bords rians où les flots de la Meuse

Arrosent lentement cette cité fameuse,

HOR.

Qui, dans des jours heureux, riche et libre à-la-fois,
Superbe, se créait son sénat et ses lois ;

Sous d'immenses coteaux, inclinés vers la plaine

Un peuple, prolongeant sa ville souterraine,

A ses noirs flancs arrache un bitume fumant,
De l'éternelle flamme éternel aliment.
Là, d'une longue tâche implorant le salaire,
Enseveli, vivant, dans le sein de la terre,
Rebelle à la fatigue, il creuse, il creuse encor,
Ravit au gouffre avare un utile trésor :
Heureux, si quelquefois, sous la voûte éthérée,
Il embrasse et secourt sa famille adorée !

Enfans du sombre abyme, ah ! quittez vos travaux !
Fuyez !... un fleuve, au loin, roulant de vastes eaux,
Précipite sur vous ses vagues menaçantes,

Et ravage, en tonnant, vos voûtes mugissantes.
Mais en vain, à grands pas, près de l'étroit séjour,
Qui promet de les rendre à la clarté du jour,
Tous s'élancent.... en vain le panier secourable
S'abaisse et les réclame : ô destin déplorable!
A peine quelques-uns à leurs fils sont rendus ;
D'autres pâles, tremblans, súr l'antre suspendus,
Retombent.... Malheureux ! l'impitoyable abyme,
Avide, ressaisit sa mourante victime.

Quel modeste héros les dispute au trépas?
Goffin! il pourrait fuir, mais il ne le veut pas ;
Son cœur est déchiré, son front paraît tranquille;
Il s'écrie: « Accourez, Goffin est votre asile

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» Goffin veut au trépas échapper après tous ;
Il veut tous vous sauver, ou périr avec vous. »
Ses généreux accens et sa noble assurance,
Dans les cœurs consternés rappellent l'espérance.

On l'écoute, on s'assemble, on s'empresse, on le suit;
On sonde sur ses pas la formidable nuit....
Mais quel terrible obstacle exerce leur courage!
Une immense barrière interdit le passage;

De tout son poids la terre a pesé sur leurs fronts;
Privés de tout secours, entassés sous ces monts,
Leur unique aliment est la vapeur brûlante
Leur unique boisson une onde malfaisante;
Et leur dernier flambeau, jetant un jour douteux,
Tremble, fume, pâlit, va mourir avec eux....
Mais non,
Goffin leur reste en ce péril extrême :
Un grand cœur sait combattre et vaincre la mort même.

!

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OCTOBRE 1812.

Alors qu'à son exemple, indocile au repos,
Sa troupe veut percer le flanc de ces cachots,
Des femmes, des enfans, déplorables victimes,
Errent autour du gouffre, en sondent les abymes:
O plaintes ! ô douleurs! ô sanglots superflus!
Nulle voix à leur voix, hélas ! ne répond plus !
Peuple, accourez ouvrir ce champ des funérailles
D'une terre homicide arrachez les entrailles;
Et d'abyme en abyme, osez, dans vos efforts,
Conquérir des vivans sur l'empire des morts.
Tous s'empressent : iei, la pompe haletante
Péniblement au gouffre enlève une eau grondante,
Qui, dans les airs vomie, en son cours orageux,
S'étonne de rouler sous la voûte des cieux.
Là, dompté par le fer, le roc crie et se brise
Le salpêtre l'attaque, en éclats le divise,

;

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Et déjà le mineur, du fond de longs caveaux,
Croit entendre un bruit sourd appelant ses travaux.

De son côté Goffin suit sa route inconnue,

Et lentement allonge une étroite avenue ;
Le pic, qui sur le roc rend un plus grave son,
S'enfonce, et l'avertit qu'il ouvre sa prison.
Comme en leurs tristes yeux la joie éclate et brille!
Chacun d'eux, en espoir, embrasse sa famille ;
La fatigue a cessé : les bras, creusant toujours,
Du labyrinthe obscur poursuivent les détours,
Attaquent les flancs nus d'un rocher qui succombe,
Frappent, frappent encore, et la barrière tombe....
O désespoir ! l'œil plonge en d'affreux soupiraux
Malheureux ! ils n'ont fait qu'agrandir leurs tombeaux !
Un vent contagieux sort de cet antre humide,
Les abat, les poursuit de son souffle homicide;
D'un choc épouvantable ébranle tous les airs.
Tel qu'un foudre brisant la porte des enfers,
L'intrépide Goffin, debout, ferme, immobile,
Seul l'attend, lui résiste, et, de son bras docile,
Repoussant la barrière avec un long effort,

Dans l'éternelle nuit a replongé la mort.

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Mais aux pieds de Goffin, le front contre la terre,
Implorant du trépas l'asile salutaire,

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